Numéro 20-21

Anvers sur scène : Théâtre sous pression

par Peter Anthonissen · visuels: Herman Sorgeloos

En 1951, Anvers ne comptait que trois compagnies de théâtre professionnelles. Cinquante ans plus tard, sur les trente-neuf compagnies flamandes reconnues et subventionnées, dix-sept étaient installées dans la ville. Si l’on y ajoute quatre compagnies de danse, quatre centres d’art (dont le deSingel, reconnu sur le plan international), deux compagnies de musique, un opéra et une multitude d’organismes non subventionnés, on se trouve devant un paysage artistique des plus variés, à la hauteur de la plus grande métropole de Belgique.

Le cri de Jan Fabre : As long as the world needs a warrior’s soul

par Geneviève Drouhet · visuels: Ilke Christiaens

Jan Fabre aime parler de stratégie, c’est déjà le combat. La première des stratégies sera celle qui décide du commencement du spectacle, pour en conjurer la menace. Une image de cauchemar empruntée à Bosch. On devine une rangée de personnages sur le devant de la scène, qui portent la gravité des choeurs antiques. Le mouvement d’une forme de petite taille qui parcourt l’espace, et enjambe les centaines de poupées Barbies encombrant le sol, trace progressivement le récit. L’attention se concentre sur un couple, un homme et une femme tels Adam et Eve, nus, serrés l’un contre l’autre. La lumière monte, insiste sur la distance entre les corps des acteurs et les poupées, le fourmillement de bras et de jambes, les différences de taille, de matière. Le nain va des uns aux autres, créant une tension forte à partir de sensations visuelles et sonores.

Woyzeck selon Johan Simons ou l’homme nouveau

par Chantal Boiron · visuels: Ben van Duin

En 1999, Johan Simons et Paul Koek, les deux metteurs en scène de Theatergroep Hollandia (Prix Nouvelles Réalités Théâtrales - Taormina 2000), avaient créé De val van Godden (La Chute des Dieux) d’après Les Damnés de Visconti, en coproduction avec deSingel, dans un entrepôt désaffecté de la ville d’Anvers. Depuis, Hollandia a fusionné avec Het Zuidelijk Toneel. Le port d’attache de la compagnie Zuidelijk Toneel Hollandia se trouve désormais à Eindhoven.

Bruno Bayen : “Une traduction réussie est la plus haute forme de la critique”.

par Chantal Boiron · visuels: Pascal Gély

Romancier, auteur dramatique, metteur en scène, Bruno Bayen a la passion des langues. Il a traduit des pièces de théâtre et des romans de plusieurs écrivains allemands : J.W. Goethe, F. Wedekind, R.W. Fassbinder, Peter Handke. Il a également traduit Oedipe à Colone de Sophocle et adapté La Mouette de Tchekhov. Deux de ses romans, Restent les voyages et Les Excédés, ont été traduits en allemand par Peter Handke.

Jon Fosse : “Au théâtre, on parvient à se comprendre sans se parler”

par Maïa Bouteillet

« J’ai le sentiment d’une compréhension totale avec Claude Régy alors que nous ne parlons pas la même langue ». Ainsi dit le Norvégien Jon Fosse de celui qui l’a monté en France pour la première fois. Preuve est faite que la mise en scène est une manière de traduction qui peut se passer de mots. Lorsque l’auteur évoque « le silence et l’invisible qui sont liés dans l’ordre du sacré », on songe évidemment aussitôt au metteur en scène de Melancholia Théâtre. Pourtant ils se connaissent peu. Jon Fosse est d’un naturel plutôt discret, il se montre peu jusqu’aux générales, fuit les premières et fait toute confiance aux metteurs en scène. Son temps, il le consacre à l’écriture en solitaire et à sa vie de famille dans sa maison près de Bergen. Auteur précoce, il a déjà publié une quinzaine de romans, d’essais, de poèmes, de récits et de pièces de théâtre, à tout juste 41 ans. Il écrit aussi des contes, que les adultes seraient bien avisés de lire autant que les enfants à en juger par Kant, fable métaphysique troublante dont le titre original signifie bord…

Marius von Mayenburg : “La famille comme coeur de la société européenne”

par Carola Dürr · visuels: Arno Declair

Marius von Mayenburg est né en 1972. Il est devenu l’un des jeunes auteurs de théâtre les plus connus en Allemagne, notamment grâce au succès international de sa pièce Visage de feu. Depuis la première en 1998, ce drame familial a été joué dans de nombreux pays d’Europe. À présent, c’est dans l’équipe de la Schaubühne de Berlin que Marius von Mayenburg travaille, non seulement comme auteur, mais aussi en tant que dramaturge, traducteur (de Sarah Kane) et metteur en scène.

Hector Poullet : “Le créole entre en scène”

par Hector Poullet · visuels: JFManicom

L’Artchipel, scène nationale de Guadeloupe, a désormais un répertoire créole. Il s’agit essentiellement pour la saison 2000-2002 de l’adaptation en langue créole de trois pièces : Tabataba de Bernard-Marie Koltès, Pawana de Jean Marie Le Clézio et de Loin d’Hagondange de Jean-Paul Wenzel. C’est une première, pour une scène nationale, de présenter des adaptations de pièces contemporaines en créole.

Thierry Roisin : “Avant notre travail, le signe ‘Antigone’ n’existait pas”

par Maïa Bouteillet · visuels: Emmanuel Robert-Espalieu

Germaniste de formation devenu metteur en scène et polyglotte, Thierry Roisin fait l’effet d’un érudit – au sens de celui qui cultive le bonheur d’apprendre. C’est dans le mouvement d’une recherche autour des différents langages théâtraux qu’il s’est rapproché dans les années 80 de l’International visual theater (IVT), fondé par l’acteur sourd américain Alfredo Corrado au Château de Vincennes en 1977, pour apprendre la langue des signes. Avant lui, des artistes comme Bob Wilson (Le Regard du sourd fait date dans l’histoire du théâtre) et Claude Régy s’y sont intéressés.

Lynda Gaudreau : “La traduction est un rapport au temps et à l’espace”

par Yannick Dufour · visuels: Michael Slobodian

Poser la question de la traduction en danse relève, semble-t-il, du non-sens. Il y est plus souvent question d’interprétation et de notation. Pour le Quatuor Albrecht Knust qui regroupe de jeunes chorégraphes contemporains (Boris Charmatz, Emmanuelle Huynh, Cécile Proust…), le décryptage et la transmission d’oeuvres majeures du XXe siècle s’appuient sur la méthode de notation de Rudolf Laban. Cette méthode écrite est une traduction de mouvements et d’espaces, une conservation du geste chorégraphique. C’est une trace écrite pour la mémoire. La préservation d’une mémoire de la danse est aussi la préoccupation de Lynda Gaudreau. De passage au Théâtre des Abbesses à Paris, aux mois d’octobre et novembre 2000, la chorégraphe québécoise présentait deux travaux : Document 1 et Still Life. Le premier initie une série consacrée à la conservation et à la confrontation de gestes chorégraphiques. Sa danse écrite, qu’elle n’écrit pas, croise d’autres chorégraphes (Jérôme Bel, Daniel Larrieu, Meg Stuart…), interprètes (Benoît Lachambre), plasticiens, musiciens… La traduction est ici prise au pied de la lettre : comment faire sans elle pour transmettre ?

Daniel Keene “La liberté de l’étranger”

par Chantal Boiron · visuels: Eric Courtet

Daniel Keene, auteur australien né à Melbourne en 1955, écrit pour le théâtre depuis 1979. Son oeuvre, régulièrement jouée en Australie et découverte à Paris en 1995 à l’occasion de la «Semaine des auteurs australiens» (lectures au Vieux-Colombier), est de plus en plus présente sur la scène française. C’est à la faveur de son dernier séjour en Europe, où Daniel Keene était venu découvrir les mises en scène de deux de ses pièces (à Grenoble et Bruxelles) et assister aux répétitions de la pluie (créée le 27 avril au Théâtre de La Commune–CDN d’Aubervilliers) que UBU l’a rencontré, en compagnie de Séverine Magois qui le traduit en français.

Bérénice de Racine : une recherche qui sort des sentiers battus - Conception de Frédéric Fisbach et Bernardo Montet

par Joëlle Gayot · visuels: Hervé Bellamy

Ce n’est certainement pas un hasard si Frédéric Fisbach, metteur en scène, et Bernardo Montet, chorégraphe, se sont retrouvés sur un projet commun : celui de monter Bérénice, de Racine. Certainement pas un hasard si le spectacle qu’ils ont conçu fera date et certainement pas un hasard si à dater d’aujourd’hui, on ne pourra plus écouter l’alexandrin racinien comme par le passé. La nature du projet, qui s’articule autour de l’hybridation de deux pratiques théâtrales, danse et théâtre, ne relève vraiment pas de l’artifice. Il ne s’agit pas de plaquer deux formes l’une sur l’autre, pas davantage de fusionner des méthodes dans le but illusoire d’atteindre à une quelconque harmonie.

Liège 2001 : “Interroger le présent”

par Chantal Boiron · visuels: Monika Rittershaus

Jean-Louis Colinet vient de prendre la direction du Festival de Liège. Tout en affirmant une certaine continuité par rapport à son prédécesseur, Robert Maréchal, qui a animé plus de quarante ans le « Festival du Jeune Théâtre » et « Les Rencontres d’Octobre » de Liège, il entend donner un nouvel élan à cette manifestation.

Curumi : “Des enfants dans la guerre”

par Chantal Boiron · visuels: Yves Jeanmougin

Avec sa compagnie « Image Aiguë » qu’elle a fondée en 1982, Christiane Véricel travaille régulièrement avec des enfants de nationalités et de cultures très différentes. C’est un parti pris et un engagement qui sous-tendent sa démarche artistique. Ses spectacles se nourrissent de cette diversité. Ils y trouvent leur cohérence et leur authenticité. Sur scène et hors de scène, les individualités et les particularismes sont parfaitement respectés. Chacun parle « sa » langue. Il arrive très souvent que ces jeunes acteurs intègrent la compagnie. Certains font partie de l’équipe de Christiane Véricel depuis plusieurs années. Devenus adultes, ils « encadrent » à leur tour les nouveaux venus. Cela apporte une continuité, même si chaque spectacle d’Image Aiguë constitue une nouvelle aventure, une nouvelle expérience.

voir également

art press Jérôme Zonder · jon fosse · david grann · nicolas de staël · victor burgin · james lee byars
#516
2023-12
5,80 €