Frissons

Émotions et arts visuels

par André-Louis Paré · trad: Caroline Rue Carden

Depuis toujours, l’art comme présence fictive favorise l’expression des émotions artistiques. Que ce soit par le théâtre, le récit romanesque, la musique, la peinture, la sculpture, la photographie, le cinéma et la vidéo, les humains sont disposés, comme lecteurs, spectateurs ou regardeurs, à s’émouvoir. Et même si, dans plusieurs catégories artistiques, l’expérience émotionnelle est toujours privilégiée, du côté des arts visuels il n’en a pas toujours été ainsi.

La quête des tremblements

par Aseman Sabet · visuels: Olafur Eliasson, Daniel Steegmann Mangrané

Le syndrome de Stendhal a fait couler beaucoup d’encre, en particulier dans les sphères scientifiques, littéraires et cinématographiques. Cette rare condition psychosomatique est généralement déclenchée à la vue d’un nombre significatif d’œuvres d’art, ou même d’une œuvre particulièrement marquante, et se caractérise par un débordement émotif accompagné de symptômes de malaise physique tels que le vertige, la suffocation, l’étourdissement, l’insomnie et l’hallucination.

Elena, Simone, Marie, Nadia

par Laurie Bédard

La journée est finie. Je trace un trait dessus. De peine, j’arrive à me convaincre; descendre dans ce tunnel, prendre un wagon, rentrer. Je reste figée quelques minutes devant l’escalier roulant. Des inconnus me bousculent. On me regarde de travers. La lumière m’aveugle. Je cherche à disparaître.

Donner corps

par Dominique Sirois-Rouleau · visuels: Laure Prouvost, Julie Favreau

Mieux connue sous l’acronyme ASMR pour autonomous sensory meridian response, la réponse autonome sensorielle méridienne décrit une condition perceptuelle singulière où des stimuli auditifs ou visuels parviennent à susciter d’étranges sensations de chatouillement sur le crâne, la nuque et parfois sur le dos ou les membres d’un individu.

Conversations entre Princesse nocturne et les fantômes de la maison des impressions

par Maria Golovteeva · visuels: Tanya Akhmetgalieva,

« Alors, lequel de ces chemins mène à vous ? », demande Princesse Nocturne au fantôme de l’impératrice Catherine II de Russie. Sa voix retentit dans les pièces et les corridors du manoir enveloppé d’une pâle lumière rougeâtre. « Lequel d’entre eux ne mène pas à vous ? », répond la Grande Catherine. La voix de la tsarine vibre lourdement, amortie par les plafonds cathédraux : « Dans cette maison, il y a bien trop de portes. J’ai ordonné que la moitié d’entre elles soit dissimulée pour qu’elles n’existent plus. Alors, qu’arriverait-il si, derrière au moins l’une de ces portes, il n’y avait rien du tout ? »

Le retour du déjà vu : images poétiques et rêves éveillés dans l’art contemporain

par Ray Cronin · visuels: David Hoffos, Graeme Patterson, Chris Hanson, Hendricka Sonnenberg, Lisa Lipton

Si, comme Gaston Bachelard dans La poétique de l’espace, nous imaginons la psychè telle une maison, cela signifie que les rêves habitent aussi bien la cave que le grenier. Et la forme la plus élevée du rêve, la plus raffinée et la plus puissante, pourrait bien être le résultat d’un processus éveillé : l’image poétique, selon Bachelard, « est avant la pensée ». L’image poétique, telle que nous la saisissons dans sa totalité inépuisable, n’est donc pas le produit de la pensée, mais peut-être du rêve.

Myriam Lefkowitz. Les yeux remplis d’eau

par Anne-Lou Vicente

Il y a quelque chose de la vision dans les dispositifs que conçoit et propose Myriam Lefkowitz. Depuis 2010, l’artiste chorégraphique, née en 1980, développe une pratique hybride basée sur une recherche autour des régimes d’attention et de perception, au croisement du soin et de l’expérience esthétique.

Le frisson esthétique, symptôme de la joie tragique : de Nietzsche à Castellucci

par Florian Gaité · visuels: Romeo Castellucci

Si, comme le pense Nietzsche, le frisson esthétique est réservé aux âmes sensibles1, c’est qu’il renvoie à un état affectif sophistiqué et complexe. Il désigne une réponse corporelle due à une expérience artistique forte, déclenchée lors d’un pic d’intensité et éprouvée comme plaisante ou désirable, en complète contradiction avec ses fonctions archaïques.

Anicka Yi : la peau qui frissonne

par Emily Watlington

Les frissons. Nous pouvons en avoir en écoutant un enregistrement de « I Have a Dream » de Martin Luther King Jr. ou lorsqu’en sortant d’une douche chaude, nous mettons les pieds dans ce monde glacial. Nous pouvons avoir des frissons lorsque nous faisons l’amour ou lorsqu’en feuilletant un vieil album de photographies, nous tombons sur celle d’un être cher depuis longtemps disparu. Le bruit des ongles qui grattent un tableau ou l’apparition d’un monstre dans un film d’horreur peut aussi donner la chair de poule.

Frissons. Entretien avec Sophie Jodoin

par Aseman Sabet

Empreintes d’une désarmante sensibilité, les oeuvres de Sophie Jodoin sollicitent une expérience dense et intime. Depuis plus de vingt ans, l’artiste montréalaise déploie son corpus de dessins, de collages, de photographies, de vidéos, d’objets ou de textes choisis en faisant appel à la mémoire personnelle et collective, à la littérature, à l’histoire et à la culture populaire. Cet échange vise à mieux cerner certains axes-clés des préoccupations actuelles de l’artiste dans le cadre d’une réflexion sur le concept du frisson.

Biennale de Venise : hors sujet

par Bénédicte Ramade · visuels: Sheila Hicks, Julian Charrière, Ernesto Neto

À chaque édition, les mêmes interrogations ressurgissent : la Biennale de Venise doit-elle prendre le pouls du monde, fournissant ainsi une analyse de son présent jusqu’à prédire son futur ? Manifestement, la proposition livrée par Christine Macel, conservatrice au Centre Pompidou à Paris, ne pose aucune de ces questions, optant pour une approche très muséale, sage, prévisible jusqu’au désintérêt.

Présence canadienne à Venise

par Geneviève Goyer-Ouimette · visuels: Geoffrey Farmer, Hajra Waheed, Evan Penny, Kananginak Pootoogook, Jeremy Shaw

La 57e Biennale de Venise offre l’opportunité de découvrir de nouveaux artistes et, pour les visiteurs canadiens, de mettre l’art international en parallèle avec l’art canadien. Ainsi, l’exposition présentée dans les Giardini, avec ses pavillons nationaux, permet une forme de démocratie géographique où, en quelques foulées, un visiteur change de territoires, passant de l’Australie à la Corée puis au Portugal, etc. Cette année, le Pavillon canadien démantelé nous surprend avec l’installation fontaine de Goeffrey Farmer.

L’Art de la joie : Manif d’art 8

par Patricia Aubé · visuels: Coco Guzman, Cynthia Dinan-Mitchell

Du 17 février au 14 mai, L’Art de la joie s’est emparé de la ville de Québec : Manif d’art a déployé son action dans l’espace urbain, en galerie, dans divers lieux satellites et, pour une première fois, elle s’est associée au Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ). Dédiées à l’art contemporain, les salles du nouveau Pavillon Pierre-Lassonde semblaient parfaitement indiquées pour accueillir l’exposition principale de cette 8e édition de la biennale de Québec. Réfléchi par la commissaire Alexia Fabre, le corpus secoue les idées reçues sur un thème intemporel qui s’avère être d’une richesse surprenante.

Kent Monkman. Conjuguer le passé au présent

par Marie Perrault · visuels: Kent Monkman

Dans le contexte des célébrations entourant le 150e anniversaire du Canada et du 375e de la Ville de Montréal, nous assistons à des récupérations du passé et à l’élaboration de récits historiques de tout acabit, érigeant souvent l’hétérogénéité du passé en idéologie. Soutenu par le gouvernement du Canada, Shame and Prejudice : A Story of Resilience, de Kent Monkman, présenté au Art Museum de l’Université de Toronto, témoigne, au contraire, d’une critique particulièrement réussie de la construction historique et des systèmes qui la supportent, se démarquant par une mise en perspective et une réécriture de l’histoire marquée par une volonté d’autodétermination.

The Power of Words: Ian Wilson’s Troika

par Anaïs Castro · visuels: Ian Wilson

Since the Kunst-Werke (KW) Institute’s founding in the early 1990s, it has been a vital organ in Berlin’s art ecosystem and has helped make the German capital the global art centre that it is today. Following an administrative overhaul in 2016, the first season, under the new director Krist Gruijthuijsen, is nothing if not an ambitious artistic program.

Suzanne FerlandL. Pour la suite des choses

par Pascale Beaudet

À première vue, la sérénité règne dans le centre d’exposition. Lorsqu’on arrive dans l’un des deux espaces, un grand dessin au mur attire l’attention; il représente les anneaux de croissance d’un arbre. D’un bout à l’autre du mur adjacent, des dessins plus petits créent une ligne horizontale. Le noir et le blanc dominent, comme dans un paysage d’hiver; les horizontales imposent le calme.

Do Ho Suh: Passage/s

par Ariane Belisle

Disputing Le Corbusier’s assertion that a house is merely a “machine for living in,” 20th century designer and architect Eileen Gray posited that a house should be viewed rather as “the shell of a man, his extension, his release, his spiritual emanation.”

Sous le regard de machines pleines d’amour et de grâce

par Ariane Lemieux

Sous le regard de machines pleines d’amour et de grâce est une exposition collective qui interroge les impacts de l’économie du marché et des nouvelles technologies sur la formation de nos émotions et leurs représentations. Le titre de l’exposition est emprunté au poème de Richard Brautigan, All Watched Over by Machines of Loving Grace, présenté en introduction sous la forme d’une affiche imprimée en 1967.

L’univers parallèle de Karine Payette

par Samantha Gai

L’ombre d’un doute présente le travail de l’artiste multidisciplinaire montréalaise Karine Payette. Commissariée par Anne Philippon, l’exposition fait le point sur la pratique conceptuelle de Karine Payette. Le choix des œuvres les plus significatives de la production de l’artiste, qui s’étend sur six années, est le fruit d’une collaboration entre l’artiste et la commissaire qui se sont rencontrées lors de l’exposition solo Confort instable, à la galerie de l’UQAM, en 2012.

Steffie Bélanger et l’inutilité utile

par Geneviève Gendron

Le travail de Steffie Bélanger fait l’objet d’une première exposition solo à la salle Alfred-Pellan de la Maison des arts de Laval. Intitulée L’utilité de l’inutilité, l’exposition présente dix installations réalisées en 2015 et en 2016. Bachelière de l’Université Concordia, la jeune artiste étudie actuellement à la maîtrise, en arts visuels et médiatiques, à l’Université du Québec à Montréal.

The Society of Affective Archives: All the Wild Horses

par Edwin Janzen

The visitor to Occurrence this past spring would have encountered All the Wild Horses, a rambling archive-as-exhibition presented by the Society of Affective Archives (Society members include Montreal artists Fiona Annis and Véronique La Perrière M.). The exhibition displayed a complex, evocative array of documents and traces comprising an account of the artists’ journey to Death Valley National Park, in 2011, in search of wild horses.

Mathieu Cardin : entre deux positions

par Jean-Michel Quirion

Maître du détournement oscillant entre le vrai et le faux, Mathieu Cardin se retrouve à deux endroits, en deux temps, et ce, dans deux expositions entre lesquelles s’établit une narration. Dans l’exposition collective Vide et vertige, présentée à 1700 La Poste, Mathieu Cardin partage avec Jocelyne Alloucherie et Ivan Binet la notion de vertige par diverses stratégies de déstabilisation et de déséquilibre.

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