- Scopalto Pierre Bigorgne, pouvez-vous vous présenter ?
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Pierre Bigorgne J’ai 55 ans et je suis aux manettes de Grands Reportages depuis une bonne dizaine d’années. J’ai la chance de faire un boulot formidable: il ne se passe pas une journée sans que j’apprenne quelque chose d’intéressant, un peu comme si je n’avais jamais quitté les bancs de l’école. Et en même temps je fréquente des gens formidables, qui vont sur le terrain et qui témoignent du génie humain à une époque où les médias ont plutôt tendance à mettre le focus sur les misères de l'humanité. J’ai lu récemment dans un sondage que les lecteurs se plaignaient que les médias ne se préoccupaient que des aspects négatifs de l’actualité. Ils devraient lire Grands Reportages ! Ce serait sans doute un utile contrepoint, même si nous n’avons pas la prétention de faire un magazine géo-politique. Notre positionnement éditorial, c’est le voyage; nous partons à la découverte des beautés du monde tout en revendiquant par ailleurs un voyage les « yeux grand ouverts ».
- Comment est née votre revue ? Quelles étaient vos envies ?
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Grands Reportages est né en 1977, à une époque où le transport aérien se démocratise via l’invention des « charters ». L’exploration du monde n’est ainsi plus réservée à une élite fortunée de gentleman-voyageurs mais elle devient possible pour le plus grand nombre. Nous avons accompagné ce mouvement où nos lecteurs avaient soif de découvrir le monde à travers ses cultures. Notre but: déclencher des envies de voyage, faire en sorte que le lecteur, finalement, ait envie de partir sur les traces du journaliste.
- Y'a-t-il un numéro que vous préférez aux autres ?
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Naturellement, certains numéros sont plus réussis que d’autres et j’apprécie particulièrement de travailler sur nos numéros thématiques où, à partir d’un axe éditorial (géographique ou non), nous déclinons toutes les entrées possibles. Dernière thématique dont je suis, relativement, fier, c’est notre numéro de décembre 2013 consacré à la route de la soie. Sa réalisation a été on ne peut plus difficile car nos reporters ont traversé des pays pas du tout évidents (Iran etc). Au final, une superbe invitation au voyage et en même temps une réflexion sur les nouveaux itinéraires d’échange économique entre les pays qui induisent les échanges culturels. Hier la soie, aujourd’hui les nouvelles technologies.
- Votre revue existe depuis de nombreuses années maintenant, quelles sont pour vous les plus importantes évolutions dans le comportement des lecteurs ?
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Ce qui n’a jamais changé, c’est leur exigence. La moindre petite faute est immédiatement mise en exergue ce qui nous oblige à vérifier et re-vérifier. Nos lecteurs, fidèles, ont soif de découvrir et ne sont pas dupes. Ils nous obligent à nous renouveler. Nous devons les surprendre. Pas toujours facile...
- Le passage au numérique est-il selon vous indispensable ou simplement un moyen supplémentaire de se diffuser ?
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Au delà du fait que nous devons nécessairement nous adapter aux évolutions du monde moderne, je pense que les applications numériques représentent une véritable opportunité pour un magazine comme Grands Reportages. Aujourd’hui, tous nos sujets sont enrichis par des photos supplémentaires et nous commençons à produire nos premières vidéos. En cliquant sur les boutons qui offrent ces contenus, d’un coup, le monde s’anime, prend forme; le lecteur ne se contente plus de lire une histoire mais il rentre dans l’histoire, il la vit. L’expérience est passionnante et en même temps unique. Dans la presse de voyage et de découverte, il n’y a pas d’équivalent car Grands Reportages est l’un des derniers magazines à produire intégralement ses sujets, via ses photo-reporters salariés et ses collaborateurs réguliers.
- Quelle revue vous a le plus marqué ?
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Quand j’étais ado, je dévorais Rock’n’folk; plus tard, « Wind Magazine » (planche à voile) a été mon magazine de chevet à tel point que j’ai fini par y travailler. A l’époque, Wind était dirigé par Jean-Luc Marty, qui bascula ensuite vers Géo. Comme si, finalement, les vents du large nous avaient poussé inexorablement, nous les « beach-boys » qui restions cantonnés à la côte, à découvrir ensuite les "pays intérieurs".