- Scopalto Comment est née l'envie de créer une revue traitant à la fois d'art et de littérature ?
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Niklaus M. Güdel Le point de départ est assez simple. J'ai une formation artistique et pratique la peinture depuis de nombreuses années. Parallèlement, je suis très littéraire et me suis intéressé à une foule d'autres choses, notamment l'opéra. Dans l'opéra, il y a cette osmose entre plusieurs arts : la scène, la poésie, la musique, etc. Nous avons voulu, avec Les Lettres et les Arts, jeter des ponts entre ces deux domaines sans pour autant en faire une revue thématique. Les sujets se côtoient mais ne se répondent pas forcément, cela dépend surtout de la manière que le lecteur a de feuilleter la revue.
A cela s'ajoute un souci du bel ouvrage. Toute l'équipe est, à l'origine une bande de littéraires endiablés, qui ne jurent que par le papier et les beaux tirages. C'est pourquoi nous avons fait, progressivement - c'est-à-dire à mesure que notre budget s'étoffait -, de la revue un objet très esthétique et luxueux tout en cherchant à le commercialiser à un prix raisonnable (24 € en France, pour 208 pages en grand format). Deux papiers différents, couverture à rabats, reliure cousue-collée, etc. Tout cela nous tenait énormément à coeur et est peut-être aussi la recette de notre "succès". Je dis succès parce que comme nous avons survécu cinq ans avec un produit complètement utopique, à l'absolu opposé d'un produit capitaliste et donc rentable, j'ai l'impression que nous avons déplacé des montagnes. Je me sens d'ailleurs épuisé comme Sisyphe et beaucoup de collaborateurs continuent à pousser le rocher fidèlement et avec beaucoup d'énergie.
- Y'a-t-il un numéro que vous préférez aux autres?
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Pas vraiment. A chaque parution, ou presque, il nous a semblé que nous avions fait le plus beau numéro de notre courte histoire. Et à chaque fois nous allons vers du mieux, du moins je l'espère. Nous avons grandi de nos erreurs, car au départ nous n'étions que des étudiants utopistes, sans la moindre notion de marché, de fabrication éditoriale, ni même de journalisme… Cependant, j'aime particulièrement le graphisme du n°15, qui est le premier de notre nouvelle formule. Côté thématique, j'ai beaucoup aimé l'un de nos "bestsellers", le n°11 sur Pierre Bonnard et le hors-série - notre premier - sur Ferdinand Hodler.
- La revue papier est diffusée en Suisse ? Comment envisagez-vous le digital ?
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La revue papier est diffusée en Suisse et dans toute la francophonie avec une particularité curieuse. A l'étranger (y. c. en France) nous sommes disponibles en librairie et diffusés par Les Belles Lettres. En Suisse, par contre, nous sommes en kiosque, diffusés par Naville. C'est une particularité qui illustre assez bien le chemin que nous avons fait à tâtons. Nous pensons désormais aussi à passer en librairie en Suisse car le grand public ne s'intéresse pas tellement à ce genre de produit, finalement assez spécifique malgré les efforts que nous consentons pour rester abordables.
Le digital est notre point de départ, les premiers numéros n'ont paru que sur la toile. Une fois sur le papier, nous avons continué à proposer des extraits en ligne. Avec Scopalto, nous avons inauguré la diffusion systématique et intégrale sur la toile et nous pensons que, même lorsqu'on est très amouraché du papier, il faut vivre avec son temps. La revue pèse 930 grammes : difficile de la prendre dans le train ou dans l'avion… par contre, en pdf, elle devient transportable et, même, transmissible autour de soi. Cela participe de l'élan de communication, de partage et de liking que connaît le XXIe siècle… et je suis persuadé que l'un est complémentaire à l'autre, qu'il n'y a pas vraiment de compétition entre le papier et la toile. C'est donc plus que toucher un autre public, c'est vivre avec son temps et proposer au lectorat qui voyage beaucoup des solutions pour emporter de la lecture sans devoir payer un supplément pour une valise-bibliothèque en soute.
- Quelle revue vous a particulièrement marqué ?
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Même si je défends souvent le contraire, je suis un universitaire malgré moi : du coup, les revues qui ont compté pour moi sont plutôt des revues scientifiques, comme Romantismes… ou des publications en série comme Les Cahiers de la NRF, les Cahiers de l'Herne, etc. Ceci dit, il y a une foule de belles revues sur le marché, pas toujours très pertinentes, certes, mais certaines me plaisent beaucoup. Il y a la revue Hippocampe, la revue 21 et, pour citer une revue suisse, Oblique, qui est plus jeune que nous mais aborde une très belle ligne graphique et une variété de sujets qui nous rapproche.