Les réseaux sont à la mode, aussi bien au ministère de la Santé et des Services sociaux, qui voit dans les réseaux naturels de soutien et d'entraide la panacée à ses problèmes financiers et de desinstitutionnalisation, que chez les théoriciens des mouvements sociaux, comme Alberto MELUCCI, pour qui le réseau est le mode d'organisation des mouvements sociaux contemporains par opposition au parti, modèle du 19e siècle. Les réseaux, on les repère dans les officines gouvernementales ou dans les salles de cours ; on s'en réclame, chez les artistes, dans la mouvance alternative. Mais parle-t-on toujours de la même chose ? L'image du réseau est celle du filet : des noeuds reliés les uns aux autres. Il peut être plus ou moins serré, plus ou moins dense ; chaque point peut être relié à tous les autres ou à quelques uns seulement. Ce à quoi il ne ressemble pas, c'est à un arbre où les liens entre deux branches passent nécessairement par le tronc.
Numéro 39
Territoires partagés
Ruses et procédures
Ce texte part de vues thématiques qui éclairent la situation de la pratique artistique en contexte alternatif ; il ne prétend pas faire un bilan ou une description des lieux alternatifs. Le "sens" alternatif du travail opéré par les artistes touche aux contraintes multiples de l'activité artistique en rapport avec l'institutionalisation de l'art actuel. Les outils et les fonctions, la libéralisation du temps de travail, comme la situation dans la conscience historique sont des axiomatiques au sujet de la spécificité de l'existence de l'alternative. Après avoir visité plusieurs villes, de Malmô en Suède en passant par Salerno en Italie jusqu'à Durango au Mexique, j'affirme qu'il y a des constantes dans le travail des artistes en regroupement. L'allure et le comportement des artistes se vérifient simultanément à plusieurs endroits à la fois. Voici donc un point de vue partisan qui s'appuie sur de nombreuses expériences et complicités dans la trame même du réseau de l'alternative entre 1984 et 1988 principalement.
Espaces alternatifs
Quoique la dénomination d'alternatif ne me satisfasse pas entièrement, je l'emploie car elle est la plus usitée pour désigner dans le domaine culturel les activités autres, c'est-à-dire marginales, off, underground, parallèles, en un mot toutes les activités déployées dans les milieux dits de sub-culture, occultées par les milieux traditionnels artistiques, non diffusées par les médias. Dans les pays de l'Est les lieux alternatifs sont appelés indépendants. Je pense que ce terme qualifie mieux que tout autre les activités du circuit marginal. Ils sont indépendants entre autre du fait qu'ils ne comptent sur aucune aide officielle et ne sont pas tributaires de leurs « public ». Ils ont pour but de promouvoir les recherches les plus diverses dans les domaines de la création actuelle. Ces espaces de liberté oeuvrent par des expositions ou des publications avec un sens profond d'indépendance. Étant donné la conjoncture actuelle, le système traditionnel du marché de l'art a tendance de plus en plus à se désintéresser de toutes formes de recherche. Raison de plus de soutenir les activités des centres alternatifs et ce particulièrement dans les revues d'art. Car une certaine notoriété dans les média peut être un stimulant, non à la création, mais à la diffusion et ainsi atteindre son but : informer. Pour beaucoup, les activités déployées dans les espaces alternatifs peuvent paraître futiles car ces lieux souvent connaissent une vie éphémère. Mais, détrompez-vous, ils ont une structure et une ligne de conduite rigoureuse qui leur est propre et répondent à des besoins bien précis. Leur but atteint, le flambeau est repris par d'autres initiatives.
Électroniques et transmissibles
Dans la vie artistique de l'avenir, les « espaces » d'artistes autogérés seront électroniques, Interactifs et transmissibles. Ils nous fourniront l'expérience médiatisée à travers les moyens de télécommunications tels la télévision par câble, les réseaux d'ordinateurs, les satellites de transmission directe, la radio et d'autres média qui n'existent pas encore. Les « objets » d'arts de la nouvelle ère seront les cassettes et les disques vidéo, les programmes d'informatique (pour utilisation personnelle ou en réseau), les disques laser interactifs, et autres formes de média électroniques. Ces activités artistiques sont déjà en marche — c'est maintenant que l'avenir commence. L'émergence d'une pratique artistique orientée vers les télécommunications et les média électroniques est déjà fondée sur une tradition : celle de la programmation appliquée à l'art des médias dans des lieux autogérés, et celle de l'expérimentation de réseaux électroniques en relation avec la production des artistes eux-mêmes. Les espaces électroniques que j'ai mentionnés ici seront d'abord des projets émanant de centres d'artistes autogérés.
Réellement
La mort de Patrick STRARAM le Bison ravi, dimanche le 6 mars 1988, a été ressentie profondément par la bourgade artistique et intellectuelle montréalaise, avec quelques échos en Europe dont le quotidien ie Monde du 25 mars. Cette mort, plusieurs l'ont vécue comme la mort d'un père ; quelques-uns comme celle d'un frère. Le lent silence qui l'a suivie en rend compte et je sais que ceux qui se sont tus ont été plus nombreux que ceux qui ont parlé. La disparition de Patrick STRARAM le Bison ravi marque le temps, au sens précis d'accuser, d'accepter. Dans le paysage désolé de notre commune vie culturelle, après le passage des hordes de la guerre des étoiles ou du Vietnam, un pan de mur jusqu'à ce jour debout s'écroule. La poussière retombe. Et reviennent les Louis GEOFFROY, Michel BEAULIEU, Claude GAUVREAU, Roland LEBRUN ; demeurent 2 ou 3 choses que je sais de lui et dont je veux garder mémoire.
Différents publics
Lors de sa fondation à Los Angeles en 1979, ArT ATTACK était un groupe artistique clandestin qui développa des idées et construisit des installations — sans permis ni autorisation — un peu partout dans la ville. Vers 1982 le niveau d'engagement du groupe et la validité de ses interventions artistiques s'étaient accrus au point que nous pouvions justifier la décision de cesser de pirater les rues et solliciter l'autorisation légale pour présenter notre travail sur les sites choisis. Le désir de présenter le groupe comme bien organisé et productif a aussi motivé cette décision — c'est un processus de légitimation nécessaire dans toute activité artistique. Depuis 1981, ART ATTACK siège à Washington. Il est difficile de décrire la composition exacte du groupe parce que celle-ci est en évolution constante. À part le noyau-groupe des quatre fondateurs, le nombre de participants change souvent et comprend une grande variété d'artistes, chacun avec ses talents particuliers, son vécu, ses intérêts propres. Le changement continu apporte au groupe une grande souplesse et la possibilité de créer librement : l'effet obtenu est ainsi maximal. La gamme étendue des pratiques permet aux nombreux systèmes de référence des artistes d'interagir dans chaque ouvrage ; le degré d'intérêt détermine le niveau de participation. Notre objectif global est de créer un art plus accessible au grand public, et la flexibilité du groupe nous fournit un excellent véhicule pour exprimer nos idées.
Signaux et intrusions
Insertion, c'est un groupe d'artistes' qui depuis '81 pratique des actions de rue ; affirmant dès les prémices de son existence, des encrages de production incisifs au moyen d'interventions principalement axées sur la transgression des codes ainsi que l'action en contexte réel. Le groupe identifie cette pratique à de grands principes moteurs dont le CATALYSEUR D'ÉNERGIE, lequel délimiterait sa position de producteur dans ses relations avec le champs de l'art normatif et alternatif tout en propulsant ses acteurs sur des pistes audacieuses aux ramifications multiples. Qu'il s'agisse d'interventions comme Musée Minute , Espace/Auto, Neige Usée, Accumulation de Barils, etc. ; toutes ces productions collectives tirent leur essence d'un rapport critique de l'engagement de l'artiste dans la société et d'une pratique individuelle positionnée.
Les yeux de la lettre
N-DISCOURS DE LA POÉSIE ESPAGNOLE RECENTE N'importe quel regard, jeté sur un objet, est une lecture. Face à ses courbes possibles, des inflexions de la voix, avec son uniformité exerce sur nous une attraction et nous séduit. En écoutant un son, un bruit, une voix nous écrivons : un texte manifeste formé de lettres concrètes ; un livre de traces sonores ; une agglomération de silences matérialisés, de paroles, de signes, de murmures ; un vrai texte constitué d'une réelle orthographe. Noeuds, traces, points qui ne subsistent pas en nous tels un discours, mais seulement comme détritus, comme restes mémorisés. Le discours parlé ou écrit fait partie de l'apparent. Nous filons mots et sons avec notre propre corps, composé de résidus vocaux, d'images, de faits. La parole que nous modelons sur son code acquis est imprégnée de notre propre odeur et nous accuse parfois sur ce que nous aurions aimé dire ou taire, manifestation de ce que nous voulions indiquer.
Glissements des réseaux
Je fais partie de ces artistes des médias qui déplorent le retour en force de la peinture et de la sculpture. L'exposition Zeitgeist, présentée à Berlin, m'a donné la nausée. Non pas que je sois allergiques aux pratiques « matérialisantes », mais j'ai vu là le signe évident d'une réinstitutionnalisation de l'art, j'ai même constaté une dépolitisation du réseau des collectifs d'artistes. Des artistes qui étaient également des activistes politiques se sont graduellement retranchés derrière un positionnement individualiste et se sont confinés à leur rôle d'artiste (ayant souvent un emploi secondaire). Il ne faut pas se leurrer, il n'y a plus de politique juste, la conjoncture économique de même que des notions d'ouverture issues du post-modernisme ont mis fin à l'engagement des artistes.
Batteries et noyaux
Après quelques années de collaboration sporadique, le noyau du groupe "A' BATTERY A" s'est définitivement formé au début de 1987. Les travaux interactifs à définir comme «performance permanente» sont présentés une fois par mois dans le « raum f », espace alternatif situé dans un quartier du centre ville de Zurich. Les matériaux individuels comme le souvenir, la formation, l'expérience, le savoir, les utopies (A') sont transformés au moment de la performance interactive (BATTERY) en de nouveaux matériaux visuels, textuels, progressifs (AA"). Le processus génère un contexte différent d'où se dégagent des aspects inattendus, bases d'une réflexion vers d'autres situations. Chaque performance repose sur une thématique conceptuelle qui est transposée dans le travail de groupe, tout en intervenant dans nos démarches respectives. Jusqu'à maintenant, les thématiques suivantes : le désert vit, effets de miroir, le trou, le don, emballer!
Logomotives
Avec ce titre « symptomatique », suggéré par Emmet WILLIAMS, nous avons donné vie en 1983 au groupe « Logomotives ». Ce titre est bien entendu un jeu de mots basé sur le calembours de logos et locomotive, c'est-à-dire que la fonction motrice de l'expérience que le groupe a vécue s'est justement inspirée de la pratique du logos, non seulement dans le sens de l'écriture, de la parole ou du discours, mais aussi de l'intelligence et de la raison. Le groupe donc, se forma autour de ce concept de « motive » (motifs), que nous identifions comme la grande et indissociable ou irremplaçable énergie philosophique, étroitement liée à toutes les formes d'art. Vue d'une façon mélancolique, notre époque porte non seulement les traces mais aussi les présages d'un cheminement de l'art guidé par le soliloque insensé d'artistes réduits à « exercer » en privé leurs pulsions irrationnelles, ou bien sont-ils égarés ou perdus dans cet historiographie de l'art et sont peu enclins alors à faire de bonnes revues du passé. Le groupe est formé des Italiens Eugenio MICCINI et de SARENCO, des Français Julien BLAINE, Jean-François BORY, du Belge Paul de VREE, décédé récemment, et de l'américain Alain-Arias MISSON.
En parallèles, Galerie “Sans Nom”
La Galerie Sans Nom Coop Ltée est un centre à but non lucratif pour artistes multidisciplmaires, géré par des artistes. Elle fait partie du réseau ANNPAC/RACA qui regroupe plus de 70 centres alternatifs du Canada. Elle est la seule galerie parallèle gérée par des francophones à l'est du Québec, et est considérée parmi les rares représentantes de l'art contemporain dans cette partie du pays. Chaque semaine, la Galerie Sans Nom offre aux adeptes du dessin un atelier avec modèle vivant. L'année 1987-1988 est marquante pour la Galerie Sans Nom qui entre dans sa deuxième décennie d'existence. Une grande étape est déjà franchie. Cette année, dans le cadre du 10me anniversaire, le conseil d'administration a établi des stratégies à long terme : la deuxième décennie sera consacrée à l'élargissement du rayonnement de la Galerie. Comme la plupart des galeries parallèles du pays, la Galerie Sans Nom est en pleine restructuration.Par des indices comme « la révision du droit d'auteur » et « l'établissement du statut de l'artiste » au niveau fédéral, ainsi que « la création d'un Conseil des Arts » au Nouveau-Brunswick, il est évident que la situation de l'industrie culturelle va subir des changements fondamentaux qui ne pourront être que des améliorations à la situation présente. Dans cette optique, la Galerie Sans Nom, grâce à la mise sur pied d'infrastructures administratives, désire participer à ces changements.
Le refus global
A l'occasion du quarantième anniversaire du Refus Global, nous avons cru bon de publier le texte de BORDUAS dans ce numéro traitant des regroupements d'artistes. La première édition du REFUS GLOBAL parut chez Mithra-Mythe, éditeur en 1948, sous la responsabilité de Maurice PERRON ; le tirage était de 400 exemplaires minéographiés. Puis la deuxième édition, conforme en tous points à l'originale, paraissait en mars 1972, à 2000 exemplaires, par Anatole BROCHU, éditeur. Une troisième édition, modifiée uniquement dans l'emplacement des photographies, parait en février 1973, toujours chez ce même éditeur. Puis une autre publication du Refus Global paraît en 1977, quatrième trimestre, chez Parti pris, cette fois éditée conjointement avec Myihra-Mythe.
Iconographies industrielles
Michel PERRON a-t-il commis au Lieu une exposition de photographies ou une installation photographique? La question s'imposait d'emblée au spectateur habitué d'y voir des expériences qui s'éloignent en tout sens de la formule traditionnelle de l'exposition. Iconographie industrielle mettait face à face deux séries de photographies sans autre lien apparent qu 'une maîtrise toute formelle de la prise de vue et du traitement de la lumière. D'un côté, une imagerie élégiaque, parnassienne, où les bâtiments abandonnés apparaissaient tels des ruines intemporelles ; de l'autre, la répétition neutre, « sans qualité », d'un unique motif occupant tout le champ de l'image, des manteaux portés par un modèle dont on ne peut que deviner le corps.
L’appareil de lecture
(Il se peut que ceci s'augmente), installation croissante d'Alain-Martin RICHARD, du 14 janvier au 7 février 1988. Se projeter dans le lointain, se voir à distance comme si une épaisse couche de temps nous isolait d'une vieille photo de soi, mais avec le sentiment de voir à partir d'un futur : c'est l'impression que donnaient les premiers moments à l'intérieur de l'exposition d'Alain-Martin RICHARD au LIEU, c'était nommé Appareil de lecture. Le spectateur en lisant le texte à l'introduction se fait capter par une caméra cachée, le texte étant écrit sur support translucide. Un ordinateur reçoit et traite, donne à l'écran (étape suivante dans l'expo) une image ravie synthétisée. Une image comme celle de quelqu'un dans la foule qui nous attirerait irrésistiblement...vision narcissique troublante puisque produite d'un fait extérieur, fait de l'électronique en mimétisme, un oeil fait son balayage, puis, ligne par ligne se synthétise la vision dans une pragmatique crue. Dans le texte d'accompagnement: «Le principe repose sur la «modulation d'information » au même titre que la bande MF joue sur la modulation de fréquence ». Se voir ou se faire voir, s'interpréter ou se faire interpréter, puis on se laisse aller à recommencer, par curiosité... par plaisir.
Le second monde
Manfred Vançi STIRNEMANN artiste performeur zurichois présentait une installation au LIEU du 10 au 20 mars 1988. Après une participation au Winter Souvenir à Calgary, dans le cadre du volet culturel des Olympiques d'hiver, il poursuit son périple canadien jusqu'à Québec. Membre actif du groupe des Nomades depuis 1986, il travaille à la création des actions/performances collectives et à la publication de documents relatifs à chaque événement. (The Nomads : Erinnern-ldentitat-Vergessen, 1987, The Nomads-city Souvenir, Zurich, 1987, Orte/Wege/Nomaden, 1986) Vançi STIRNEMANN nous présentait donc le 10 mars dernier une réflexion amorcée au Canada anglais et achevée à Québec. En place : Un photocopieur ! Encore un ! Quelle utilisation en fera-t-on cette fois-ci? Il servira de support pour un projecteur diapo qui diffuse une série de cadres vides. L'image laisse place à l'action : lui, attirail protecteur de joueur de hockey sur les épaules, hache à la main, deux poissons posés sur la bûche sont tranchés d'un coup puissant. Le déroulement de l'action se poursuit comme une suite de clichés (lire images) de la culture Nord-Américaine.
Reçu au lieu
"Livres" Or je m'apercevais qu'il n'est pas rare que livres parlent des livres, autremant dit qu'ils parlent entr eux... "L'esprit des Lieux" Les actes du colloque L'Esprit des lieux sont regroupés dans ce numèro double d'Urgences. Organisé conjointement par la Musée régional de Rimovski et l'U.Q.A.R. les 1, 2 et 3 juin 87, ce colloque regroupait des scientifiques, géeographes, philisophes, artistes, architectes... "Jeu" "DOC(k)'S" "Photo Static"