Les retourneurs d’idées

Les nouvelles grinçantes des écrivains anarchistes de la fin du XIXe siècle

par Caroline Garnier

Des écrivains anarchistes? A la fin du XIXe siècle? La question surgit rapidement, dès lors qu’on évoque cette période. On a oublié, aujourd’hui, à quel point ils étaient présents sur la scène littéraire. un bref aperçu des titres de quelques articles parus dans les petites revues de l’époque permet pourtant de s’en convaincre.

Florentine

par Georges Darien

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L’arrivée du colon

par Isabelle Erberhardt

Jules Bérard, fils d’un petit propriétaire jurassien, affiné par un séjour à la ville, ouvrier jardinier, imbu d’idées libertaires, avait voulu apporter sur un sol nouveau le petit avoir que lui avait laissé son père. De loin, Bérard s’était fait une idée des groupements français d’Algérie, qui l’avait séduit. Ces groupements devaient être comme de fortes familles françaises essaimées sur la terre vierge, y apportant leur énergie, leur solidarité florissante loin du cadre étroit et routinier de la vie métropolitaine.

Les Vampires

par Louise Michel

Ils sont deux, rôdant autour des murs intérieurs du Père-Lachaise, vers deux heures du matin. C’est une nuit d’été, d’autant plus fraîche que la journée a été brûlante ; des ailes d’oiseaux nocturnes battant dans les branches en secouaient la rosée sur les grandes herbes toutes mouillées, elles aussi. Le silence est profond. Les deux hommes peuvent s’aventurer, sans trop craindre, à travers les tombes. Tout le monde dort et les morts sont muets.

Les ventres

par Félix Fénéon

Un assourdissant vacarme emplissait cette petite bourgade savoyarde. Temps lugubre et froid : ciel gris de nuages, terre grise de neige piétinée et boueuse. La nature était triste parce qu’on était en février ; les hommes gais parce qu’on était en carnaval. De tout le territoire ambiant, les campagnards étaient accourus au village, bien décidés à prendre leur revanche des stagnantes tristesses de l’hiver. Et c’étaient des cris, des danses, des gesticulations.

Le noy

par Victor Barrucand

On l’a repêché presque tout de suite, avec une gaffe. — Il était mort ? — Comme vous voyez. — Mauvaise raison : on a vu des noyés qui… — Celui-ci avait bu. — Ah, s’il avait bu ! — Pour une fois que le camarade a mis de l’eau dans son vin, ça ne lui a pas réussi. — Respectez la mort, jeune homme.

Jean Tartas

par Octave Mirbeau

Le Nontreuil est un joli village normand, bâti sur la rive gauche de la Seine, entre Elbeuf et Rouen. Il s’étage et grimpe, alerte et très rose, sur un coteau, que des bois, dans la descente, couvrent de verdures gaies et que de grandes roches crayeuses, aux formes carrées, couronnent de blocs blancs, tristes et froids. De la hauteur, la vue est splendide. Large ainsi qu’un bras de mer, la Seine, à cet endroit, découpe une multitude de petites îles boisées qui semblent, sur les claires eaux, une escadre au mouillage.

La cité du désert

par Jean Réflec

En quête d’une terre hospitalière aux hommes libres, je parcourais cette cité, célèbre dans l’histoire des peuples par les calamités successives qui s’abattirent sur elle – d’abord la guerre civile, puis coup sur coup la famine et la peste.

Aux copains du Chat Noir

par Jules Vallès

L’autre soir, à l’heure de la verte, je suis entré dans votre cage à perroquets – pour en étrangler un. J’aurais bien dû les étrangler tous : le poète qui ressasse dans son gros bec toutes les foutaises du cliché, le peintre sempiternel aux pinceaux estropiés par les vieilles cisailles de l’École, le musicien de Barbarie qui promène son prix de Rome comme un écriteau d’infirme.

“Dieu suivi de Les bourgeois”

par Alphonse Allais

Sous la commune

par Flor O Squarr

Je l’avais rencontrée quelques mois avant la guerre, dans cet hôtel de l’avenue de Friedland où Arsène Houssaye donnait alors de si merveilleuses fêtes vénitiennes. C’était par une nuit de bal, au fond du salon mauresque, près du large divan qu’elle emplissait de ses jupes. Sous son loup de satin noir, je l’avais devinée jolie. L’indéfinissable ondulation des lignes révélait un corps jeune, souple, mince, créé pour les profondes caresses et pour les abandons paresseux.

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