Arte Povera Suite

Raphaël Zarka au Grand Café

par Aude Launay

Poursuivant son archéologie personnelle faite de slalom entre des formes collectionnées et réinterprétées, Raphaël Zarka présente actuellement au Grand Café de Saint Nazaire un ensemble de pièces récentes intitulé « Le Tombeau d’Archimède ». Tombeau à prendre certainement au sens poétique tant ici l’hommage au mathématicien sicilien est appuyé. Cette pratique littéraire très en vogue à la Renaissance et renouvelée par Mallarmé quelques siècles plus tard permet de signaler la grandeur d’un être, souvent défunt, et d’ainsi éviter que son nom ne soit oublié. Tout comme son pendant architectural qui offre une certaine persistance matérielle à l’être humain, le tombeau est un écrit qui dote celui qu’il honore d’une possible survivance.

[Écritures documentaires] Préambule

par Emmanuelle Lequeux, Mathilde Villeneuve

Proposer quelques clés de lecture d’une scène artistique qui nous semblait renouveler son « approche du réel » en naviguant aux frontières du cinéma documentaire, de l’art et de la fiction, tels ont été les enjeux de ce dossier. La tâche s’est avérée délicate, tant les productions se forgent à l’intérieur même du croisement des disciplines, au point d’en refuser la question. Nous avons souhaité mettre l’accent sur des artistes engagés dans l’élaboration d’un discours historique, social et politique qui redonne ses pleins pouvoirs à l’image et se dégage de toute forme d’injonction inhérente à la production d’un « message », soit par la production d’« images de terrain » très conscientes du dispositif audiovisuel que les artistes manipulent en vue de faire apparaître des espaces invisibles et inaudibles et de leur conférer une place au sein d’un monde « hypervisible », soit en jouant des codes admis du documentaire pour reconstituer de toutes pièces une réalité qui n’en est pas moins vraie.

Tranche de Kippenberger

Ciprian Muresan, Recycled playground, 2011 L’œuvre de Ciprian Muresan a, à l’évidence, beaucoup à voir avec les évènements qui ont secoué l’Europe orientale au cours des vingt dernières années. Pour l’artiste roumain né en 1977, la chute du régime de Ceausescu a correspondu aux premiers pas dans l’adolescence. Le passage brutal d’une société verrouillée à l’idéal économique libéral occidental a propulsé sa génération dans la postmodernité du jour au lendemain et sans préavis. Et le jeune Muresan, comme les autres, de devoir assimiler d’un seul coup un demi siècle d’influences venues de l’Ouest. Mais alors que regarder ? Que choisir ? Comment trier ? Ou encore faut-il trier ou seulement prendre ?

Ovni sculptural pour ville générique

par Eva Prouteau

Eden Morfaux, Déconstruction, ESBANM, École Supérieure des Beaux-Arts de Nantes Métropole, du 19 octobre au 16 décembre. Dark City : dans ce film d’anticipation d’Alex Proyas, chaque nuit la ville se reconfigure, les quartiers se déplacent et les rues se reconnectent, de nouveaux édifices apparaissent aussi.

Mesure et distance

Au premier coup d’œil, c’est manifeste : l’accrochage de l’exposition de Clémence Torres à la BF15 est une réussite. Cela tient pour beaucoup au découpage géométrique induit par deux pièces agissant comme des lignes de fuite. Il y a d’abord Balancement de la ligne reliant avec un câble deux miroirs situés à chacune des extrémités du lieu d’exposition. D’un côté, un miroir suspendu est dépoli, ne laissant qu’une fine bande réfléchissante à la hauteur des yeux.

Arte povera, suite

par Patrice Joly

« Pour un art pauvre », le titre de la dernière exposition de Françoise Cohen au Carré d’Art de Nîmes, fait planer l’ombre d’une paternité chargée sur cette proposition en amenant immanquablement la comparaison avec ce mouvement d’artistes qui, quelques décennies plus tôt, s’est illustré de l’autre côté des Alpes. Si ce titre surprend, c’est parce qu’il a la forme d’un manifeste pour un mouvement historiquement daté. Au-delà de la référence à l’arte povera, se pose donc la question de la persistance d’une appellation – celle d’art pauvre – sensée garder toute la pertinence la reliant au contexte culturel de l’époque. Cette pauvreté qui posait déjà problème dans les années soixante car n’étant pas assez précise dans sa définition (de quoi parle-t-on ?