Comment présenter Jean-Christophe Bailly, écrivain qui n’écrit pas de romans, philosophe qui ne se veut pas philosophe, historien qui ne goûte guère les chronologies et les ambiguïtés des « devoirs de mémoire », historien de l’art qui aime l’art dans l’instant, penseur politique (de la nature, de l’animalité, de la ville, du territoire) interrogeant la politique en retrait de tout pouvoir, romantique affirmé mais sans concession pour l’imagerie et le pathos, en bref l’inassignable fait homme ? Autodidacte et infiniment savant, militant actif dans sa jeunesse, puis auteur de pièces de théâtre, d’essais, de poèmes, d’une thèse de philosophie (Le champ mimétique), professeur à l’École du paysage de Blois, il reste insituable, toujours à côté de là où on l’attend. Résumer sa pensée à l’amour d’une multiplicité sans unité serait pourtant le manquer encore, car elle n’est pas sans fils rouges ou sans notes continues.
La gratuité
Out passe, rien ne disparaît - entretien avec Jean-Christophe Bailly
Chantier / défendre la gratuité
Intervention graphique : Vincent Perrottet et Myr Muratet Entretien avec Hervé Le Crosnier : les biens communs contre les nouvelles enclosures La culture en communs - entretien avec Philippe Aigrain Pour une éthique de la prédation Défendre la gratuité scolaire aujourd’hui (comme hier) Musées : la gratuité, pour quel peuple ?
Hors d’oeuvre
Au principe de cette nouvelle série, la crise que traverse l’Action culturelle cinématographique et audiovisuelle, vue comme une occasion de dresser un panorama des pratiques : la salle, l’internet, le numérique, la distribution, la presse… Les décrire, puis élargir le cercle : vers les pratiques discursives liées au cinéma ; vers sa fonction sociale ; vers la cohérence qui lie les situations de l’exploitation et de la critique… Montrer le cinéma, c’est en parler. En parler, c’est en faire. En faire, c’est montrer. Tout est lié, tout doit l’être. Premier épisode : pour introduire au « hors-film ».
Des pierres pour l’Amérique
De Copan et Copán, du bâtiment construit par Oscar Niemeyer à São Paulo au site maya du Honduras, il n’y a qu’un accent de différence. Hypothèse vagabonde : et si cette homonymie fortuite trahissait le secret de la modernité qui s’exhibe dans le prestigieux complexe immobilier de l’architecte de Brasilia ? au cœur de la démonstration de force, la promesse de la ruine.
Le vrai sujet
Interrogations et conjectures de Jacob Delafon avec choix de poèmes
Déchirer la grille
Après l’expérience de la réécoute explorée dans un numéro précédent de Vacarme, le musicien Rodolphe Burger revient ici sur la double propension de la musique à jouer de la reprise et à la fuir coûte que coûte. C’est au cours d’une séance du séminaire qu’il a animé au Conservatoire de Strasbourg à l’invitation de sa directrice Marie-Claude Ségard et dont ce texte est une restitution sous la forme de fragments [1], qu’il raconte ainsi combien le projet d’Ornette Coleman lui a mis littéralement la puce à l’oreille et a initié le désir collectif de fonder le groupe Kat Onoma.
Le peuple de l’amour et le peuple de la merde
Si la « révolution bolivarienne » du Venezuela, entre participation populaire et autoritarisme militaire, résiste à se laisser classer dans le répertoire traditionnel des régimes politiques, peut-être convient-il de la saisir par les sentiments. On s’apercevra alors qu’à la doctrine qui, rejetant les cadres institutionnels, adosse le pouvoir d’Hugo Chávez à l’amour réciproque du peuple et de son chef, répond une multiplication instable des figures du mal, où le Juif et l’homosexuel cristallisent toutes les haines.
Résister, de quel droit ?
Selon une tradition tenace, le droit de résistance à l’oppression inscrit au fronton des droits de l’homme constituerait une sorte de tache de naissance, rappelant que notre ordre juridique s’origine dans la rupture révolutionnaire, mais conjurant en même temps le retour d’une résistance dont l’acceptation reviendrait à ruiner l’horizon du droit. Et si, pour peu qu’on le considère de près, l’exercice de ce refus apparaissait comparable à bien des mécanismes juridiques ? Rien n’interdirait de l’accueillir comme un indispensable contrepoids citoyen à l’oppression qu’enveloppe l’usage de certaines lois.
L’identité nationale, une question européenne
Le retour du fantasme du gouvernement des esprits pour faire de vrais nationaux grâce à la séduction d’anciennes identifications recyclées ou de nouvelles identifications, ne concerne pas seulement la France. Nombreux sont les pays européens à revisiter l’histoire pour la ré-agencer en vue d’une gloire plus solide, nombreux sont ceux qui se revendiquent de l’identité chrétienne présentée non comme lieu d’accueil universel, mais comme fondement des us et coutumes occidentaux à protéger.
Les uns contre les autres
Depuis la crise financière s’annonce, dans le champ mondial de la lutte contre le sida, une logique de rareté qui fragilise des avancées où la politisation de la maladie s’opérait au profit de l’intérêt général. Déjà, la recherche d’effets d’entraînement entre programmes sanitaires cède la place à une concurrence accrue entre maladies ; la gouvernance de la santé par les indicateurs économiques érode l’implication des acteurs de terrain. Cette ligne se clôt sur une bataille indécise, entre l’élan insufflé et ces logiques de comptage et de compétition.