Liberté sous influence

Rencontre avec Christine de Mazières, déléguée générale du Syndicat national de l’Édition (SNE). Elle a reçu TANK dans ses locaux du boulevard Saint-Germain pour évoquer la bonne tenue d’ensemble du secteur de l’édition, mais aussi les chantiers en cours: défense du droit d’auteur dans la société numérique, négociations avec l’Europe, réinvention du Salon du Livre... Un entretien d’une heure avec une femme engagée.

La révolution numérique connaît sa ruée vers l’or. Ou plutôt vers la data. Malgré son apparente prise en main par la machine, elle reste une matière première que la stratégie seule est en mesure d’enrichir de façon pérenne. Reconstruire le sens de la data, l’affiner, l’explorer, la valoriser, la sauvegarder, telles sont les grandes tâches devant conduire l’action de ceux qui la convoitent. Et le darwinisme technologique qui consacrera la donnée au détriment des entités l’ayant négligée ne doit pas faire fi de l’éthique et de la raison. C’est à ce prix que son avenir se fera à notre bénéfice.

Directement à la poubelle, la quatrième barquette de jambon achetée pour le prix de trois? Inhérentes au modèle économique de la grande distribution, les promotions incitent au gaspillage alimentaire chez les ménages, démontrent des sociologues. Les politiques publiques faisant l’impasse sur le sujet, il ne reste plus qu’à compter sur une prise de conscience naissante des consommateurs pour limiter les dégâts…

Créée en 2006, la fondation Jérôme Seydoux-Pathé veille sur la préservation d’un trésor inestimable : celle du patrimoine filmographique de la vénérable maison Pathé. Dirigée et animée par la sémillante Sophie Seydoux, la fondation, reconnue d’utilité publique depuis sa création, a pris ses quartiers depuis le mois de septembre 2014 en plein Paris, au coeur d’un cocon dessiné par l’architect e italien Renzo Piano. Discrètement niché derrière sa façade classique signée Auguste Rodin, le bâtiment contemporain signe la rencontre réussie entre le design et la volonté de valoriser un fonds d’archives et de collect ions uniques pour comprendre l’hist oire du cinéma depuis ses origines. Visite avec Sophie Seydoux de ce lieu à la hauteur de son élégance et de sa passion pour le septième art.

«La vie est une pièce de théâtre», disait Sénèque qui s’y connaissait en dramaturgie. Même si nos existences ne sont heureusement pas toutes soumises aux rythmes de la tragédie, cette analogie témoigne de l’importance universelle du récit dans le façonnage d’une civilisation. Médias, politiques, marketing, religion sont autant de régisseurs auto-proclamés de cette «grande histoire» dans laquelle nous sommes tous ballottés. Au point, parfois, d’en devenir les manipulateurs. Courant toute sa vie après une liberté perdue, l’homme est-il en capacité de se soustraire à ces influences et d’écrire sa propre histoire?

Est-on libre de nos choix? Qu’ils soient individuels, collectifs, les faisons-nous en toute liberté? Dans nos sociétés, chaque individu, produit d’une éducation, d’une culture, d’une histoire, etc., subit également les sollicitations de la publicité, des modes, des hommes politiques. Comment ces influences agissent-elles? Quand deviennent-elles néfastes? Réponses avec François-Bernard Huyghe, enseignant-chercheur, spécialiste français de l’information et de la stratégie.

La mise en récit permanente de la réalité dans tous les domaines, économique, social ou politique, semble bien relever d’une tentative de formatage des esprits et de réduction de notre libre arbitre…

Qu’il soit imaginaire ou bien réel, le complot nous tient en haleine, off rant de nombreux ressorts scénaristiques efficaces, s’appuyant tour à tour sur notre curiosité, notre crédulité, notre perspicacité ou notre empathie. Du complot fomenté par Richelieu et Milady de Winter, au quotidien d’un ménage d’agents du KGB installé aux États-Unis dans la série The Americans, la machination fait donc recette quand elle se mêle à la fiction.

La politique est un jeu d’histoires sans fi n: histoires de conquête du pouvoir afin de recueillir le vote des électeurs, histoires d’exercice de ce pouvoir pour obtenir l’adhésion de l’opinion publique, histoires rétrospectives de valorisation de son bilan puis de nouveau histoires de conquête en vue de l’échéance suivante… «En dehors de l'aventure humaine, nous ne sommes rien. L'histoire, c'est simplement le récit de l'aventure humaine […]», déclare l’académicien Amin Maalouf. Les femmes et les hommes politiques l’ont bien compris. Aussi font-ils du récit de leur aventure et de celle qu’ils proposent à leurs cibles la pierre angulaire de leur communication.

Exit les «conviviales relations» des bouilleurs de cru avec le député du coin, place au nouveau lobbying, technique et transparent? Les nouveaux professionnels de l’influence de la décision publique revendiquent ouvertement leur rôle. Mais les barrières mises aux pratiques douteuses ou carrément illégales semblent bien fragiles…

Quelles sont les relations entre décideurs publics et représentants d’intérêts dans les différents pays européens? À quel niveau les lobbies interviennent-ils dans nos décisions parlementaires? Ces décisions sont-elles toujours prises pour le bénéfice des citoyens? Autant de questions cruciales auxquelles un rapport de l’organisation Tansparency International publié en avril 2015 tente d’apporter des réponses. Des conclusions parfois inquiétantes qui interrogent sur l’état d’indépendance de nos démocraties.

Ryan Holiday travaillait pour American Apparel. À 24 ans, il était directeur marketing et savait comment entretenir la notoriété de sa marque en abreuvant régulièrement quelques blogs en infos croustillantes sur l’entreprise et en images sexy... Il devait parfois soudoyer aussi quelques blogueurs, voire écrire l’article à leur place et inventer l’accroche qui tue! Car ce jeune homme a compris une chose : la presse a besoin de vendre. Rien de nouveau sous le soleil? Sauf qu’Internet a changé la donne…

Communiquer est une activité omniprésente chez les adolescents, accrochés à leurs réseaux via leurs smartphones. Textos, partages de contenus et retweets constituent désormais une grande part de leurs occupations quotidiennes et ne présentent plus vraiment de secret pour eux. À l’inverse, les notions de buzz, de rumeur ou de désinformation leur sont plus complexes à appréhender tout en étant souvent absentes des programmes institutionnels. Il est donc urgent de leur apprendre à décrypter ces phénomènes pour éviter les dérives.

Comment s’interroger sur l’influence d’une oeuvre d’art? En prenant en compte ces deux idées: la permanence et l’événement. Une oeuvre d’art est un «événement historique»: un artiste, un jour, en un lieu donné, produisit une oeuvre. Cette idée a son importance dans la conception moderne de l’histoire.

Après l’ère des gros sabots et de la hammer communication, voici venu le temps des pointes et des entrechats. Comme si l’esprit de finesse cher à Pascal succédait à l’esprit de géométrie... Sauf que l’influence est un art, voire une ruse d’où elle puise sa mauvaise réputation.