Fictions télévisuelles au Québec

Il y a quelques années, quelqu’un a affirmé que, des hippies et de la génération Woodstock, il ne restera éventuellement qu’un vague souvenir de Jimi Hendrix1. Cette personne s’appelle Johan Kugelberg, et son argument, loin du sensationnalisme de la formule, voulait que le véritable changement de paradigme ait été de faire passer le nuancier Pantone de 40 à 300 couleurs grâce au LSD et d’avoir fait croître l’offre en aliments bio. Ce qui a précédé ma rencontre avec cet homme sera peut-être un jour l’équivalent du « vague souvenir » de Hendrix brûlant sa Stratocaster.

Son nom m’avait intrigué, alors que je cherchais un lieu muséal dans la capitale guatémaltèque. Elle était située sur une rue active, dont certains des édifices sont placardés d’affiches dédiées aux personnes disparues depuis la guerre civile (1960-1996). Je me souviens de la naïveté avec laquelle j’y suis entré la première fois, en 2018. Je venais alors de faire un voyage initiatique dans différentes régions du pays, écoutant ici et là des documentaires touchant aux nombreux problèmes de la nation, aux legs troubles d’une République avec laquelle je réclamais malgré moi un lien. La Casa de la Memoria – Kaji Tulam (« les quatre directions », en k’iche’, selon les informations données en ligne), n’était pas un endroit caché ni underground : il n’y avait aucun prix d’entrée, et on passait aux salles d’exposition1.

Carte blanche

Métamorphoses de l’art télévisuel au Québec

Entre tradition et mondialisation

Rien ne changera, parce que nous sommes un témoignage. De nous-mêmes et de nos destinées, nous n’avons compris clairement que ce devoir-là : persister… nous maintenir…

Au Québec comme ailleurs, nous sommes entré·e·s de plain-pied dans l’ère du streaming. Même si la télévision traditionnelle (dite linéaire) rejoint encore un public important – il n’y a qu’à prendre connaissance des cotes d’écoute des séries quotidiennes STAT (ICI Télé, 2022-) et Indéfendable (TVA, 2022-) pour s’en convaincre –, un nombre croissant de fictions sérielles sont désormais destinées aux services de vidéo à la demande (VOD) en ligne. En plus d’offrir de nombreuses séries en primeur, nos services de VOD, comme ICI TOU.TV, Club Illico ou Crave, proposent maintes œuvres exclusives afin d’attirer les téléspectateur·rice·s, offrant, de ce fait, une nouvelle tribune aux séries québécoises.

Echange entre Philippe Falardeau, Guillaume Lonergan et Florence Longpré

L’anticonformisme et le petit écran.

Commençons par les mots. Michael Snow (1928-2023) aurait aimé celui-ci : « portfolio ». Il l’aurait tout naturellement traduit, décortiqué, rythmé, détourné, décliné en « portefeuille », « wallet », « wall », ou encore en « dossier », « fichier » ou « album ». Nous serions immédiatement placé·e·s devant le caractère protéiforme de la pratique, entre le mur et le microsillon, entre ce qui reçoit la projection et ce qui sauvegarde et performe l’image et le sonore, entre le support filmique et la collection de photographies familiales. Nous serions tout de suite là : invité·e·s à prendre place devant l’image et à se préparer à l’écoute.