Débordement

La honte comme débordement de la colère rentrée Entretien avec Frédéric Gros Professeur de pensée politique à l’Institut d’études politiques de Paris (Sciences-Po) et chercheur au Cevipof. Son dernier ouvrage paru est Pourquoi la guerre ? (Albin Michel, janvier 2023). Nous nous arrêtons ici sur la dimension politique de la honte, qui doit pouvoir devenir colère si elle est bien tra- vaillée en suivant le propos de l’ouvrage précédent dont le titre évocateur et contre-intuitif est une ci- tation du jeune Marx : La honte est un sentiment ré- volutionnaire (Albin Michel, 2021).

De quelle façon, l’inceste, qui a fait en France ces trois dernières années l’actualité éditoriale, média- tique, judiciaire et politique, peut-il être compris comme un débordement ? La réponse implique de penser moins l’inceste que les incestes, en prenant en compte la diversité des acceptions qui circulent de manière successive et/ou concomitante dans une société, et de se défaire des formules convenues un peu trop faciles qui font obstacle à la compré- hension du phénomène.

Il est habituel de souligner la multiplication des usages de cette notion et la perte de sens qu’elle a entraînée. Que traduit cette inflation de l’usage du terme crise ? Que signifie-t-elle d’un point de vue politique ? Nous répondrons brièvement à ces deux questions en abordant la trajectoire historique de cette notion, puis nous interrogerons ce qui fait les crises politiques et l’idée de gouvernementalité des crises.

Nous ne sommes jamais totalement socialisés par le genre mais le genre nous socialise partout. Je sou- haitais écrire cela : que le genre est politique mais qu’il relève aussi de ce microscopique, de cette den- telle des relations interpersonnelles qui fait que les liens interindividuels – ceux de la confiance, de l’amitié, de la défiance, du soupçon ou de l’amour – situent les personnes dans des tiraillements qui ne peuvent trouver comme unique réponse que: « Tout est politique ».

Il s’agit de montrer comment l’intimité est une dimension poreuse de nos espaces partagés dans la ville aussi bien au travers des sons du voisinage, que des transports en commun, ou encore des affiches publicitaires. L’intimité ne se fixe pas seulement « dans la chambre » mais elle se répand et interagit autour de nous. Ainsi l’idée de ce qui tenait d’une frontière imperméable et concrète entre ce qui était de l’ordre du public et du privé – si tant est que cette frontière ait vraiment existé – se relève à pré- sent indistincte, confuse, effritée et poreuse. Il existe à présent une connivence entre le dedans et le dehors, le réel qu’il soit d’ordre privé, intime ou public s’entremêle, se croise, se superpose de ma- nière désordonnée dans le monde urbain. Ce dé- bordement que nous nommons porosité est une donnée inhérente au monde contemporain.

La compréhension politique, qui fait fonds sur une métaphore aquatique, amène les forces physiques à être comprises aussi comme un rapport de forces politique, et le débordement comme un désordre que la loi des hommes peut contenir ou diriger, sans pour autant remplacer les forces naturelles...

Comment ne pas remarquer dans les yeux qui bril- lent des thuriféraires de l’intelligence artificielle une haine illimitée contre la condition humaine pensée comme défaillante? Comment ne pas percevoir dans le « tout va être transformé, rien ne pourra ar- rêter la révolution en cours » une pulsion totali- taire ? C’est le sens des analyses de Günther Anders. Notre monde n’est pas seulement orwellien, avec ses pulsions scopiques, il est devenu andersien. Peut-on résister à cette énième tentation totalitaire ?

C’est par le pas de côté, par une pratique du débordement, que la vie serait à elle-même rendue. Car d’où vient que la vie se retourne contre elle-même et se rétrécisse au point de neutraliser ce qu’elle est par essence : pulsion, plaisir, désir, expansion, inten- sité, aventure, risque, réel, liberté?

La pensée magique s’appuie sur une transformation de l’analogie en homologie. Or un pareil processus se trouve également au fondement de la conception mécaniciste de l’homme, jusque dans ce qu’il a de plus singulier, sa pensée. Le transhumanisme conjugue cette approche avec un techno-enchante- ment du monde moderne, d’où émane le projet d’un homme techniquement augmenté...

Cet article présente le récit d’une amitié entre l’architecte Antonin Gaudi et l’industriel Eusebi Güell, mécène de la colonie de textiles de Santa Coloma de Cervello (Espagne). En résonance avec le mou- vement intellectuel de la fin du XXe siècle du moder- nisme catalan, envisager cette rencontre est l’occa- sion d’opérer un retour historique sur une célèbre relation amicale...

Flore Pavy est docteure en anthropologie affiliée au LAS (Laboratoire d’anthropologie sociale). Le co- mité scientifique de la fondation pour la mémoire de l’esclavage lui a décerné le Prix de thèse 2023 pour son travail en anthropologie sociale et ethno- logie : « Le Mas de Voukoum ou la genèse d’un rite oublié. Un dispositif rituel de transformation des corps et des esprits au cœur du carnaval guadelou- péen », soutenue le 8 décembre 2021 à l’Ehess sous la direction de Philippe Descola et Laurent Berger. C’est sur ces recherches que nous revenons ici.

De nos jours, on est capable d’« ensemencer » les nuages. Quand cette technique – élaborée après la Se- conde Guerre mondiale – parvient à ses fins, les cu- mulus d’été ou les nuages bas d’hiver causent de plus fortes précipitations. Et la grêle est évitée, ou du moins la taille des grêlons diminuée [...] Mais le tech- nicisme n’emporte pas tous les suffrages. D’anciennes manières d’implorer le ciel ont toujours cours...

Avant d’être DJ, producteur, musicien et gourou, James Murphy était l’un de ces fans obsessionnels et fétichistes de rock, de pop et d’electro comme il y en a tant. En recyclant ces obsessions et en les ho- norant, il a généré l’un des groupes de punk funk et bien davantage...