En 1989, l’historien américain Victor Davis Hanson publie un premier ouvrage, Le Modèle occidental de la guerre. Dans ce livre fondateur, il défend l’idée que la culture militaire des Occidentaux remonte à l’Antiquité classique, lorsque les anciens Grecs ont adopté le dispositif tactique de la phalange, qui réunit en ordre serré les hoplites, ces citoyens-soldats lourdement armés d’une lance et d’un bouclier. Dans Carnage et culture, il enfonce le clou en montrant comment la préférence des Occidentaux pour le choc frontal et la bataille décisive s’est traduite concrètement dans l’histoire militaire. Il revisite près de 2 500 ans de guerres, en prenant comme fil conducteur les grandes batailles qui ont façonné la culture militaire occidentale, de Salamine en 480 avant J.‑C. à l’offensive du Têt pendant la guerre du Vietnam (1968), en passant par Poitiers (732) et Lépante (1571).
La bibliothèque des idées d’aujourd’hui
Carnage et culture Victor D. Hanson
Le Nouvel art de la guerre Gérard Chaliand
Gérard Chaliand creuse un sillon atypique. Aventurier dans l’âme, il a couvert en tant qu’ observateur-participant la plupart des conflits survenus en Asie du Sud-Est, au Moyen-Orient, en Afrique et en Amérique latine. Son Nouvel Art de la guerre est nourri simultanément par cette expérience au plus près des insurgés et par sa grande culture stratégique, de Sun Tsu aux écrits militaires contemporains. Selon G. Chaliand, il est impossible de comprendre la guerre sans la penser dans son contexte démographique, social et psychologique. La particularité de notre époque, qui justifie ce Nouvel Art de la guerre, est la multiplication des guerres irrégulières, guérillas et terrorismes.
The Box Marc Lévinson
C’est une énorme boite en métal rectangulaire de la taille d’un camion. C’est d’ailleurs sa place : à l’arrière d’un camion-remorque. Des centaines d’énormes boîtes du même volume peuvent ensuite être chargées et empilées sur un énorme bateau. Voilà le conteneur. La plupart des objets qui nous entourent : ordinateurs et téléphones portables, assiettes et verres, chaussures et t-shirts, meubles du salon ou réfrigérateurs, ampoules électriques et tubes de dentifrice, fruits et légumes, et globalement tout ce que l’on trouve en supermarché… sont passés dans un conteneur. Sans lui, une grande partie de ces objets ne serait pas là. Et le monde serait bien différent.
Défaire le genre Judith Butler
Après avoir « troublé le genre » dans un livre célèbre, la philosophe américaine Judith Butler le « défait ». Réaffirmant que la sexualité ne dérive pas du genre, pas plus que le genre ne dérive de la sexualité, elle s’attache dans ce recueil d’articles à l’analyse fine des débats, mais aussi des faits qui interrogent encore et toujours l’identité sexuelle et de genre. Une pratique répandue dans le milieu médical conduit à opérer les nourrissons intersexués, c’est-à-dire sexuellement indéterminés ou hermaphrodites, au nom de la normalisation. Comment ne pas y voir ici à l’œuvre une violence symbolique mais aussi physique qui marque à jamais ces êtres dans leur chair sans qu’ils puissent donner leur consentement ?
Logiques des mondes Alain Badiou
La lecture du traité d’Alain Badiou, est assez déroutante. Un épais traité de 600 pages, truffé de formules mathématiques tissant un réseau de concepts (corps, sujet, vérité, être, multiplicité, transcendance) destiné à forger une « théorie générale du monde ». Le propos est aussi ambitieux qu’abscons, mais si on parvient à surmonter l’aridité technique, se révèle au fil des pages une vision du monde au fond assez simple. Tout part du constat que la culture contemporaine serait engluée dans une pensée unique : le « matérialisme démocratique », selon lequel tout ce qui nous entoure se réduit au corps et au langage. Dans cette vision du monde, aucune place pour la « transcendance », celle des vérités éternelles.
L’âge de l’empathie Frans de Waal
La notoriété croissante de Frans de Waal se mesure facilement au délai qui sépare la parution de l’un de ses livres du moment de sa traduction : treize ans en 1989 (De la réconciliation chez les primates, Flammarion, 2002), quelques mois en 2010. Né en 1948 aux Pays-Bas, il a mené une brillante carrière de spécialiste du comportement animal qui l’a propulsé, depuis 1997, à la tête du Living Links Center de l’université Emory à Atlanta (États-Unis), spécialisé dans l’étude des primates. Son programme est explicite : explorer les traits génétiques, anatomiques et cognitifs communs aux grands singes et à l’homme. De fait, c’est sa capacité à tirer des leçons de cette comparaison qui a fait de F. de Waal un penseur de la sociabilité humaine comme animale.
Le siècle de la Chine Heriberto Araújo et Juan Pablo Cardenal
Ces dernières années, des dizaines de millions de Chinois ont quitté leur patrie. En quête de prospérité, ils posent « les fondations du nouvel ordre mondial du XXIe siècle. Celui d’un monde sous domination chinoise ». Ils forment aujourd’hui la plus importante diaspora au monde : de 30 à 50 millions de personnes, dont on estime que 80 % sont partis depuis 2000. Un flot colossal et mal connu, dont la principale destination reste les pays du Sud. Pour mieux comprendre les ressorts de cette sinisation du monde, les journalistes espagnols Heriberto Araújo et Juan Pablo Cardenal sont partis à la rencontre de ces migrants.
La langue d’Adam Derek Bickerton
Derek Bickerton est un linguiste chevronné, réputé pour avoir tiré de l’étude comparée des langues créoles de Guyane, des Caraïbes et du Pacifique une brillante idée : celle d’une compétence grammaticale «bioprogrammée» chez l’être humain. À l’époque (1981), cette thèse confortait la théorie de Noam Chomsky sur l’innéité de la capacité de langage. Depuis, D. Bickerton s’est employé à creuser, illustrer, diversifier et surtout élargir les implications de son idée, tout en s’écartant notoirement des travaux de N. Chomsky.
Démocratie et autoritarisme Guy Hermet
La démocratie prend-elle vraiment en compte les besoins des citoyens ? Les plus faibles d’entre eux peuvent-ils faire prévaloir leurs vues sur celles des élites économiques et politiques ? Peut-on l’opposer sans détour aux régimes autoritaires, comme l’affirment ses prosélytes ? Pour Guy Hermet, la réponse ne va pas du tout de soi. Considérant à nouveaux frais l’histoire des démocraties des deux derniers siècles, il montre d’abord que leur mise en place fut toujours précédée par un règlement préalable de la question agraire. Pour admettre le jeu démocratique, les élites ont dû s’assurer au préalable que les masses rurales n’en profiteraient pas pour imposer leurs vues « anarchisantes » à la société tout entière
Le Cygne noir Nassim N. Taleb
« Imaginez simplement combien votre compréhension du monde à la veille des événements de 1914 vous aurait été de peu de secours pour deviner ce qui allait se produire (ne trichez pas en recourant aux explications qu’un professeur d’histoire à périr d’ennui vous avait enfoncées dans le crâne au lycée). Quid de l’ascension d’Hitler et de la guerre qui en découla ? Quid de la fin abrupte du bloc soviétique ? Quid de la montée du fondamentalisme islamique ? Du développement d’Internet ? (…) Tous ces événements obéissent à la dynamique du “cygne noir”. Et c’est le cas de toutes les choses importantes qui nous entourent, ou presque. »
La culture des individus Bernard Lahire
En matière d’analyse des pratiques culturelles, un livre a longtemps paru indépassable : La Distinction, de Pierre Bourdieu. Dans ce maître-ouvrage, paru en 1979, le sociologue mettait en évidence le fait qu’il existe une certaine correspondance entre la hiérarchie des pratiques culturelles et celle des groupes sociaux : aux classes supérieures la « culture légitime » (opéra, théâtre, musées…), aux classes moyennes, des produits culturels « dégriffés » (jazz, photographie, cinéma…) et aux classes populaires les « produits culturels de grande diffusion » (variété, spectacles sportifs, télévision…). Et l’on ne saurait sans fauter mélanger les registres : comme le dit Bourdieu, le goût est avant tout un dégoût du goût des autres.