Il sortit de son sac un rouleau de route qu’il lança négligemment devant lui, puis fit dévider d’un coup sec du tranchant de la main. Celle-ci épousa le relief en sinuant, jusqu’aux extrémités de l’horizon. Il puisa ensuite des éléments de végétation (bosquets, rangées d’arbres…) qu’il dissémina aux alentours, et remplit les espaces qu’ils laissaient vides entre eux avec des herbes folles et des terres cultivées. Il y ajouta quelques bâtisses aussi, des rochers saillants, ainsi qu’une rivière qui apporterait un peu de fraîcheur. Puis il fit tomber des pincées d’animaux qui restèrent là à paître plantés sur leurs pattes, ou zigzaguèrent dans l’air en vrombissant, pendant que d’autres pratiquaient un tapage continu, couverts de plumes et perchés en hauteur.
Numéro 94
Chroniques
Zak Cammoun, du son dans l’espace
Si je devais définir ma place de sonorisateur dans un projet, je dirais que j’essaie de me situer dans le prolongement du geste artistique. Cette image a peu à peu pris une forme concrète dans mon travail ; je me suis trouvé de plus en plus fasciné par la possibilité de créer des contrastes sonores dans l’espace, des gestes sonores. Je dois mentionner la place particulière à cet égard du travail de ces dernières années, notamment la collaboration avec Kasper Toeplitz et Myriam Gourfink.
Un parcours, un essai de réponse et beaucoup de questionnements : Julien Ottavi & Apo33
Essayer de parler, dans une même phrase, aujourd’hui, de musique et de politique, c’est s’exposer rapidement au ridicule, tant ces deux entités ont de plus en plus difficulté à faire cause commune, à se retrouver sur le même terrain – et si la musique que l’on évoque est “instrumentale”, c’est-à-dire ne soutenant pas un texte, une parole, et si de plus elle appartient à ce que l’on nommera “les musiques de recherche”, vague fourre-tout qui pourrait englober aussi bien la musique contemporaine que les musiques électroniques, le free ou l’impro libre – tout ce qui ne relève pas de la musique commerciale – la cause en sera d’autant plus désespérée.
Yan Jun
Yan Jun est un poète et musicien chinois, né en 1973 à Lanzhou et vivant à Pékin. Co-fondateur du collectif Sub Jam en 1998 et du label Kwanyin Records en 2004, il est l’un des animateurs les plus actifs de la scène expérimentale chinoise contemporaine. Son oeuvre revisite les héritages d’une génération qui a fouillé les décombres et les surplus des productions industrielles occidentales chez les brocanteurs des marchés chinois. C’est ainsi qu’elle a fabriqué un univers poétique et musical aux recyclages inventifs, riches d’expérimentations multiples, créant une forme de critique subtile, fragile et drôle, des mondes contemporains.
De la culpabilité du matériau
Lachenmann : « Le matériau musical est autre chose qu’une simple matière première docile qui attend uniquement que le compositeur la charge d’expression, et ainsi lui donne vie, au sein de tel ou tel ensemble de relations : il est déjà lui-même inscrit dans des relations et marqué expressivement, avant même que le compositeur ne s’approche de lui.
Ethéréité, jouer l’image
Ce cycle “Manifeste pour un visuel qui ouvre l’oeil” se clôt par ce texte-ci. Il n’a cessé durant toute l’année de tourner autour de la notion d’image pour l’interroger, la déplier, et la déployer : cinéma & vidéo, medium & machine, visible & visuel, vision & perception, accès & réception, image-objet & image-mentale… afin de s’approcher, pas à pas, des questionnements inédits d’une pratique singulière de l’image : celle de l’instantané et de l’éphémère.
De la série et des séries
Ayant toujours eu un faible pour les séries, une attirance pour les suites et les ensembles, que ce soit les déclinaisons picturales, les variations de la sérigraphie, les séries photographiques, ou tout simplement l’attrait des photogrammes, et, peut-être aussi comme beaucoup d’entre nous, cette légère tentation de la collection, nous parlerons ici de séries pour cette chronique de R&C.
François Bayle, 50 ans d’acousmatique
Est-il possible, à l’écoute d’une composition de musique concrète, d’oublier cette boîte – le haut-parleur – d’où tous les sons surgissent ? Est-il possible de ne pas faire grand cas de cet étrange habitacle de bois, de plastique et de fer qui semble être, pour les sons enregistrés, l’ultime tremplin pour envahir l’espace de notre écoute et, tout à la fois, un puits sans fond où résonne une kyrielle d’entités cachées comme autant d’humeurs inquiètes ?
Ring-modulation
Virtuosité musicale, une affaire de pensée plus que de doigts ?