Réformer, c’est révolutionnaire

L’esprit français de la réforme

par Michel Crépu

L’idéologie est mère de l’ignorance. Ainsi est-il -décrété que la France, théâtre de la Révolution, serait par nature étrangère à une « culture de la réforme ». Une telle vue de l’esprit suppose que l’on se fait de l’histoire de France une double histoire, celle d’avant et celle d’après. Avant : les ténèbres médiévales, l’arrogance inégalitaire du XVIIIe siècle.

Les Allemands sont-ils réformateurs ?

par Gero von Randow

Du point de vue français, l’Allemagne semble incarner le pays des réformes réussies. Ainsi ce serait grâce à elles que le voisin allemand est devenu si puissant, voire dominant en Europe. Un tel rôle suscite des envies mais aussi les soupçons de bons historiens, ce que sont les Français. Comment les Allemands en sont-ils arrivés là ? Pourquoi les Français semblent encore si éloignés d’une capacité d’adaptation à la mondialisation ? Est-ce à dire, décidément, que les Allemands ont une culture réformatrice que les Français n’ont pas ?

Entretien - Un populisme à l’état pur

par Jacques Julliard, Jacques de Saint Victor

Nos sociétés développées -traversent, depuis la crise des subprimes, non seulement de grandes difficultés économiques mais aussi une crise morale, comme l’a assez bien illustré l’affaire Cahuzac. Pensez-vous que cela soit de nature à redonner vie à des pensées -radicales, voire révolutionnaires, comme ce fut le cas dans les -années trente ?

Entretien - Faire l’hisoire des massacres soviétiques et nazis

par Timothy Snyder, Brice Couturier

« L’image des camps de concentration allemands comme pire élément du nazisme est une illusion, un mirage noir dans un désert inconnu. (1) » Tout le travail de l’Américain Timothy Snyder tient en ces mots : combattre l’oubli, sortir des amalgames et des interprétations inexactes, corriger les conclusions hâtives. L’historien propose de revisiter le récit des politiques staliniennes et nazies qui aboutirent à l’assassinat de quatorze millions d’êtres humains sur les terres dites de sang, soit entre la Pologne et la Russie, entre 1933 et 1945.

Une hisoire graphique du goulag

par Luba Jurgenson, Élisabeth Anstett, Aurélie Julia

« Nous avons l’art pour ne pas mourir de la vérité. » Comment comprendre l’affirmation de Nietzsche ? Le philosophe semble attribuer à l’expression artistique un caractère exutoire : le dessin, la peinture compteraient parmi des moyens inventés par l’homme pour exprimer l’abominable. Certains artistes parviennent en effet à créer un langage visuel capable, en abordant les pires ombres de l’existence, d’en révéler le tragique et l’inhumain. Au-delà de la catharsis, s’opère alors une rencontre plus intime et donc plus intense avec la vérité. Sans pour autant imiter le réel, mais par la seule suggestion du trait et des couleurs, la représentation artistique nous invite à une véritable expérience intérieure qui nous conduit, par-delà les contours du visible, jusqu’à la confrontation de l’indicible… L’horreur se révèle alors en nous, au plus profond de notre être.

Révolutions et apocalypses au XXe siècle selon Souvarine et Rollin

par Jean Chaunu

« Pendant un certain temps on n’en sait pas assez. Après un certain temps, on en sait trop. » Pierre Pascal à Boris Souvarine

Paradis fiscaux : les progrès d’une guerre sans fin

par Annick Steta

Lors du sommet du G20 qui se tint à Londres le 2 avril 2009, les chefs d’État et de gouvernement des dix-neuf pays les plus riches du monde et les représentants de l’Union européenne adoptèrent un ensemble de mesures destinées à endiguer la crise financière et économique qui avait débuté en 2007 ainsi qu’à mieux réguler le système bancaire et financier mondial. Le communiqué final du sommet faisait notamment référence à une liste de paradis fiscaux établie par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et affirmait que « le temps du secret bancaire est révolu ». Le G20 renonça toutefois assez rapidement à faire la guerre aux paradis -fiscaux : la Chine, dont les ressortissants utilisent massivement les places financières offshore que sont Hongkong et certaines îles des Caraïbes, fit en sorte que cette croisade se perde dans les sables. Mais la multiplication des scandales liés aux paradis fiscaux a changé la donne. Alors que les pays développés...

Un moment dans l’été 1913

par Alan Hollinghurst, Frédéric Verger

Alan Hollinghurst, peut-être le meilleur romancier anglais d’aujourd’hui, est en tout cas celui dont la prose possède le plus grand charme d’évocation en même temps que la plus acérée verve comique. Son dernier roman, The Stranger’s Child, est paru en 2011 en Angleterre (on en trouvera la recension dans la Revue des Deux Mondes d’octobre-novembre 2011) et sa traduction française est sortie cet été aux éditions Albin Michel. S’étirant sur plus d’un siècle, le roman raconte en différents épisodes comment un moment particulier de l’été 1913, un an avant le déclenchement de la Grande Guerre, va être, tout au long d’un siècle, rêvé, déformé, métamorphosé, dans les souvenirs de ses protagonistes ou les essais naïfs, dérisoires ou cyniques, de reconstruction des biographes. Satirique, mélancolique, humain et cruel, le roman, derrière son apparence classique de chronique à la E.M. Forster, développe en réalité une forme très originale et puissante dont le sujet véritable est l’indistinction de la mémoire et de l’imagination, de la vérité et de l’illusion...

Les quatorze point du marquis de Norpois

par Charles Dantzig

M. de Norpois est un des premiers personnages à être nommés dans À l’ombre des jeunes filles en fleurs : « Disons pour finir [quand Proust dit « pour finir », en général, ça ne fait que commencer] qui était le marquis de Norpois. Il avait été ministre plénipotentiaire avant la guerre [avant la guerre, ça veut dire avant la guerre de 1870] et ambassadeur au Seize Mai, et, malgré cela, au grand étonnement de beaucoup, chargé plusieurs fois, depuis, de représenter la France dans des missions -extraordinaires – et même comme contrôleur de la Dette, en Égypte. »...

Raison garder – Un train peut en cacher un autre

par Gérald Bronner

Le mois de juillet 2013 a été marqué, on s’en souvient, par trois accidents de trains meurtriers. Celui de -Brétigny-sur-Orge en France, celui de Saint-Jacques-de--Compostelle en Espagne, et enfin, celui de Granges-près-Marnand en Suisse romande. Ces accidents ont frappé l’opinion, d’une part évidemment parce qu’ils furent meurtriers, d’autre part parce qu’ils mirent sur le devant de l’actualité un moyen de transport réputé, à juste titre, très sûr. Il y avait donc là quelque chose d’un peu surprenant dans la succession de ces accidents, et l’on ne tarda pas à proposer des solutions à cette énigme.

Entretien - Jean Dubuffet ou l’antitradition

par Sophie Webel, Eryck de Rubercy

Il n’est pas si facile de revenir à l’élémentaire et, partant de là, d’élaborer un langage entièrement inédit et démystificateur. Beaucoup d’artistes ont vainement tenté l’expérience en renonçant à se chercher des légitimités culturelles ou en faisant table rase des valeurs traditionnelles et du passé. Plus de critères, plus de normes, plus de filiations !

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