La France en guerre

La Ve République et la guerre

par Raphaël Hadas-Lebel

Les guerres et plus encore les guerres perdues ont souvent été fatales à nos régimes politiques. Songeons à Waterloo, qui sonna le glas de l'empereur et de l'Empire, à Sedan, où s'effondrèrent en 1870 les derniers espoirs du Second Empire, à juin 1940, où la débâcle des armées françaises fut aussi celle de la IIIe République. C'est d'une guerre la deuxième guerre mondiale qu'émergea laborieusement la IVe République, au terme de trois référendums et de deux constituantes. C'est une autre guerre la « guerre » d'Algérie , à la fois génératrice et révélatrice d'une crise de régime, qui contribua à sa chute en 1958.

Union sacrée ?

par Hugues Portelli · visuels: Guerre du golfe

La guerre du Golfe a constitué, pour le système politique français, un précédent. Pour la première fois, la France a participé à un conflit armé international où les décisions stratégiques ont été prises par le Président de la République chef des armées. Appliquant les règles (écrites et coutumières) de la Ve République qui font du Président le chef effectif des armées et de la diplomatie, ces décisions ont posé en termes nouveaux la question du débat politique et du rôle des partis.

Le Président chef des armées

par Samy Cohen

Tout au long de la crise du Golfe, François Mitterrand a exercé un pouvoir sans partage dans la conduite de la politique française, décidant des orientations diplomatiques et militaires, dirigeant les séances de travail au sommet, arbitrant les débats entre les hauts responsables. Dès le début, il imprime sa marque personnelle : la fermeté à l'égard de l'Irak dont il juge la politique depuis le 2 août avec une extrême gravité. Il fait condamner 1' « agression » irakienne par la voix de Roland Dumas, ministre des Affaires étrangères, fait suspendre les livraisons d'armes et mettre en place un embargo commercial.

Cellules de crise

par Guy Carcassonne

A proprement parler, nul n'avait l'expérience d'un conflit de ce type. Certes le Président de la République, dans le passé et dans d'autres fonctions, avait connu la France engagée dans des conflits armés. Trop d'éléments de temps, de lieu, d'ampleur avaient cependant changé pour rendre directement instructifs ces précédents lointains. Quant à la présence et l'action militaires au Tchad, leurs durées et leurs limites leur donnaient peu de mesures communes avec ce qu'on appelle, plus par commodité que par rigueur, la guerre du Golfe.

Le Quai d’Orsay et la crise du Golfe

par Dominique Moïsi

La diplomatie, pour plagier une formule célèbre, est-elle devenue une chose trop sérieuse pour être laissée aux diplomates ? Au lendemain de la crise du Golfe, nombreux sont les diplomates qui, en privé, expriment leurs frustrations d'avoir si peu pesé sur l'évolution de la diplomatie française au Moyen et au Proche-Orient. Cette frustration traduit-elle le malaise plus général d'un ministère qui se sent mal aimé et négligé, ou s'explique-t-elle par des raisons spécifiques liées à la gestion de la crise du Golfe ?

Crise extérieure et sécurité intérieure

par Michel Rouzeau

« La France n'est pas en guerre. » Ce constat du ministre de la défense, Pierre Joxe, en pleine crise du Golfe et quelques jours après son départ du ministère de l'intérieur, apparut à l'opinion comme un paradoxe. Il constituait pourtant une évidence juridique sur le plan de l'organisation de la nation et du régime de droit qui s'est appliqué dans le pays non seulement depuis le 2 août 1990, jour de l'invasion du Koweit par l'Irak, mais au-delà même du déclenchement des hostilités le 17 janvier 1991 et jusqu'à leur cessation.

Médias en guerre

par Renaud Revel

On peut parier que le retour de la paix dans le Golfe ne mettra pas fin au malaise des médias. La guerre, avec ses suspicions, ses procès et ses dérapages, n'a fait qu'exacerber un débat ouvert depuis quelques années sur les mutations de l'information. Et c'est déjà une profession fort malmenée qui tente, dans les premiers jours de janvier, de déjouer, tant bien que mal, les nombreux pièges qui la guette.

Pouvoirs-débat : Parlements et démocraties en guerre

par Guy Carcassonne, Olivier Duhamel, Yves Mény

Olivier Duhamel : Au terme de la guerre du Golfe le temps est venu pour un regard comparatif sur la pratique institutionnelle dans les principales démocraties occidentales. Disons en tout cas pour une comparaison entre la France, les Etats-Unis, l'Italie et la Grande-Bretagne. Les thèses d'Yves Mény sont, je crois, un peu radicales en la matière.

Le SIDA et la vie politique française

par Gérard Ignasse

Le Syndrome d'Immuno-Déficience Acquise (SIDA) constitue la deuxième peur des Français, juste après la drogue et avant le terrorisme ou la pollution1. On sait l'effet de la peur sur les réactions sociales et partant politiques. Tout aurait donc dû conduire à une irruption du thème du SIDA, fortement chargée émotionnellement, dans la vie politique française. On pouvait s'attendre à des clivages fondamentaux entre les forces politiques sur l'attitude à adopter face à cette terrible maladie.

Mais qui a tué Maggie ?

par G.W. Jones

Cet article analysera la chute de Mme Thatcher pour ce qu'elle révèle du pouvoir du Premier ministre britannique et de la nature du « Gouvernement par cabinet ». Il y a du Agatha Christie dans l'affaire. La démission de Mme Thatcher fut-elle, selon l'expression d'un commentateur, « le suicide politique le plus spectaculaire de l'histoire contemporaine en Grande-Bretagne », ou au contraire s'agit-il d'un assassinat et dans ce cas, qui fut le coupable ? Précisons tout de suite, à l'intention de ceux qui aiment connaître les dénouements à l'avance pour mieux suivre les revirements de l'intrigue, qu'il ne s'agit pas d'un suicide mais d'un meurtre. Elle fut poignardée par trois fois ; les deux premiers coups l'affaiblirent, le dernier fut fatal. Elle fut d'abord frappée par le peuple britannique lui-même, qui lui fit savoir ce qu'il pensait d'elle aux élections européennes ainsi qu'à des élections partielles et dans des sondages. Le second coup vint du Parti conservateur à la Chambre des Communes, qui lui retira son soutien au moment décisif ; mais le coup fatal vint du cabinet qui lui dit de partir. Ce fut la blessure mortelle.

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