L’alternance

Il existe une sorte de consensus révérenciel à l'égard du thème de l'alternance. On s'interroge peu sur sa signification, qui paraît d'une évidence limpide, et on redoute le tabou qui l'accompagne.

Quant au Dictionnaire Robert, il parle, pour l'alternance, de « succession répétée dans l'espace ou dans le temps qui fait réapparaître tour à tour dans un ordre régulier les éléments d'une série, ou encore se succéder en alternance ». Ce qui est à retenir, est donc l'idée de succession régulière, de recommencement répété, dans une série donnée, de la même séquence reprise et défaite et reprise et défaite encore ; pourquoi ne pas penser alors à la navette, laquelle prend tour à tour deux positions extrêmes ?

Etude des conséquences constitutionnelles d'un antagonisme entre Président de la République et Assemblée nationale

Le problème de l'alternance ne peut être étudié seulement en lui-même. En réalité, il est très étroitement lié aux structures politiques d'un pays, par conséquent à la conception de la démocratie politique et de la liberté qui est la sienne et à sa pratique.

La Constitution britannique n'est pas, on le sait, fixée dans un texte. Nombre de ses éléments, et non des moindres, sont le produit de l'usage et n'ont de valeur que par le précédent. De ce fait il est parfois difficile de situer avec exactitude l'émergence de tel ou tel trait constitutionnel.

Pour l'opinion commune, l'alternance au pouvoir aux Etats-Unis évoque le passage d'une « administration » républicaine à une « administration » démocrate ou l'inverse en conséquence des résultats de l'élection présidentielle. Cette image simple n'est pas inacceptable, dans un régime où deux grands partis sont seuls importants et où le Président, normalement, domine la vie politique.

Introduire I'urss dans un débat sur l'alternance relève à première vue du goût du paradoxe. Le système politique soviétique tel qu'il s'est forgé au cours des années vingt repose sur le principe du centralisme démocratique qui postule l'existence d'un centre, le Parti communiste, parti unique.

Il serait séduisant de pouvoir interpréter les crises qui jalonnent l'histoire du Parti communiste chinois comme des tentatives réussies ou avortées d'alternance.

Appliquée aux dictatures militaires, l'alternance que l'on peut, en simplifiant, définir comme la dévolution du pouvoir, selon des règles constitutionnelles établies, d'une majorité à une autre, peut paraître une notion paradoxale et baroque. Le propre d'un régime dictatorial est, en effet, de s'instaurer le plus souvent contre toute norme, puis de céder la place volontairement ou contraint et forcé en dehors de toute procédure prévue.

L'étude des sources constitutionnelles est quelquefois le seul remède aux imperfections des textes. La question de l'élection à l'Assemblée nationale d'une majorité nouvelle, opposée à la majorité précédente qui apportait son soutien au chef de l'Etat, est devenue problématique par les lacunes de la Constitution du 4 octobre 1958.

Tout au long de notre histoire, les idées ont changé de camp. Le centralisme, la régionalisation, l'élection populaire du Président, le référendum, pour ne citer que celles-là, ont été soutenus ou combattus à tour de rôle par les uns ou les autres. Nous ne sommes pas là dans le domaine des vérités éternelles, des opinions désintéressées.