Année Stephen Frears : un film hors compétition à Cannes, "Muhammad Ali's Greatest Fight" (production HBO, destinée aux salles), et, à Venise, "Philomena", couronné par le prix du meilleur scénario pour Steve Coogan. Ce dernier, que nous connaissons surtout ici pour ses compositions chez Winterbottom ("The Trip", "A Very Englishman (The look of Love"), partage l'affiche avec la star la plus populaire du cinéma et du théâtre britanniques, Dame Judi Dench. Dans ces deux films magistralement réalisés, l'un de structure chorale mêlant archives et fiction, l'autre en "musique de chambre" avec deux interprètes virtuoses, le cinéaste prouve une fois de plus son intérêt pour la mise en scène de personnages existants, après Tony Blair ("The Deal"), la reine Élisabeth ("The Queen") ou... la fantasque "Mrs. Henderson". Mais, si les histoires qu'il raconte sont inspirées de faits réels, Frears se plaît à jouer avec les codes de la fiction, et à interroger la validité même de ces codes, pour le plus grand plaisir du spectateur. Comme il s'en explique dans un de ces entretiens faussement candides dont il a le secret, son inspiration éclectique (et inégale) dépend du talent, de la confiance ou de la souplesse de ses producteurs ou de ses scénaristes, qu'il "dirige", comme ses acteurs, sans en avoir l'air !
Michael Curtiz
Stephen Frears Philomena
Steve McQueen 12 Years a Slave
Trois entretiens sur ses trois premiers films, "Hunger", "Shame" et, aujourd'hui, "12 Years a Slave", c'est à dire l'intérêt que nous portons à l'oeuvre de Steve McQueen, l'un des metteurs en scène les plus importants apparus sur la scène internationale depuis une décennie. Avec son, nouvel opus, il aborde l'esclavage, un thème peu évoqué à l'écran et, quand il le fut, presque exclusivement par des cinéastes juifs américains, de Richard Fleischer ("Mandingo") à Steven Spielberg ("Amistad"), de Herbert Biberman ("Slaves") à John Berry ("Tamango"), sans oublier l'italien Gillo Pontecorvo ("Queimada"), tous sensibles, sans doute, à l'exclusion et à l'ostracisme dont furent aussi victimes les Noirs d'outre-Atlantique. Il y a un an, Tarantino rompait avec cette tradition avec "Django Unchained", film radical dans son approche du sujet où le dialogue comique, comme c'est sa marque, voisinait avec une violence débridée. On se doute que Steve McQueen a abordé ce monde de manière fort différente. C'est avec gravité et un soucis de véracité qu'il signe une oeuvre magistrale où ce réalisateur, venu du cinéma expérimental, dame le pion à ses confrères de l'industrie pour créer des personnages inoubliables et construire un récit sans failles.
Hayao Miyazaki Le vent se lève
Hayao Miyazaki avait annoncé, au festival de Venise, que "Le vent se lève" serait son dernier film. Il est peu probable qu'il change d'avis. Dans l'entretien qu'il nous avait accordé en 2010, déjà se réticence à continuer apparaissait. Onze films en trente-quatre ans de carrière, c'est peu pour un réalisateur japonais mais beaucoup pour un auteur de films d'animation ; d'autant que ses autres collaborations sont multiples (scénariste, producteur, auteur de mangas, réalisateur de courts métrages souvent tournés pour le musée Ghibli...). Il a marqué définitivement l'histoire du dessin animé qu'il a fait sortir de la sphère enfantine, balisée par Disney, pour élargir son accueil à tous les âges. Son style de dessin, ses couleurs sont uniques et la thématique de son oeuvre est très personnelle, s'achevant (après Porco Rosso) avec un film sur l'aviation, lui qui aimé venir en Europe pour retrouver les traces de Saint-Exupéry. Ses succès ont été considérables, au Japon comme dans le reste du monde. Au centre d'un studio de trois cents employés, Hayao Miyazaki ne va pas rester inactif, mais sa créativité singulière prendra sans doute d'autres formes.
Ed Lachman
Une rencontre avec Ed Lachman n'avait que trop tardé. Complice de nombreux cinéastes qui ont nos faveurs, des Allemands Werner Herzog, Volker Schlöndorff et Wim Wenders, auprès desquels il a travaillé à ses débuts, à Todd Haynes, Steven Soderbergh, Todd Solondz, Sofia Coppola, Ulrich Seidl, Larry Clark (avec qui il a réalisé "Ken Park"), sans oublier Robert Altman et son chant du cygne "The Last Show", il s'est imposé comme un des chefs opérateurs les plus inventifs de notre époque. Il a toujours fait preuve d'un éclectisme exceptionnel, adaptant son style d'éclairage à la vision personnelle des metteurs en scène, allant même jusqu'à trouver une texture distincte pour les six segments du portrait éclaté de Bob Dylan, interprété par six comédiens différents, voulu par Todd Haynes dans "I'm Not There". Ed Lachman n'a cessé d'expérimenter. Nous découvrons aujourd'hui un autre aspect de son talent, la photographie, grâce à l'exposition proposée par Galerie Cinéma (jusqu'au 15 janvier 2014) pour son ouverture. Paradoxalement, les maîtres de la lumière se sont rarement consacrés à l'image fixe. Ed Lachman est une brillante exception qui passe avec aisance du mouvement à l'immobilité.
Les Films
Tel père, tel fils Mère et Fils Le Loup de Wall Street
Lola Montès
S'agissant du terme "film allemand", je vous dirai qu'il ne s'applique pas à "Lola Montès". À mon sens, un film allemand a une connotation semblable à celle qu'évoque une référence à la musique allemande, à un ouvrage du canon allemand ou à la littérature allemande en général. Or mon film est devenu une oeuvre franco-allemande, et ce parce que Lola Montès l'a ainsi voulu. Puisqu'elle a vécu en France et en Allemagne, et d'autres pays encore, c'est ici et là que le sujet du film a pris forme. Ce n'était pas le désir d'un Allemand de faire un film allemand !
Illuminations féminines Lynch, Von Trier, Sokourov et Kurosawa
Pour quelle obscure raison rapprocher ces quatre cinéastes ? Sans l'ombre d'un doute parce que leurs films nous ont enfermés au cours des dernières décennies dans des mondes sombres et saugrenus, torturés et repliés sur eux-mêmes. Par des audaces artistiques qui ont pu tour à tour exaspérer ou fasciner, chacun de ces univers a exprimé une forme singulière de pathologie : vague à l'âme mélancolique du côté d'Alexandre Sokourov, emprise obsessionnelle chez David Lynch, perversion sadomasochiste de la part de Lars von Trier, effroi du trauma pour Kiyoshi Kurosawa. Si j'en viens contre toute attente à rapprocher de la lumière ces cinémas où le mal-être et la maltraitance ont été des marques de fabrique, c'est qu'ils se sont confrontés, autour de 2010, à une vision plus sereine de l'altérité en proposant un nouvel éclairage du féminin.
Forbidden Hollywood
La Warner Bros, a mis en vente, exclusivement sur Internet (http://newsroom.warnerbros.fr), une part importante de son catalogue des années 1930-1934, période indécise pendant laquelle le "production code", qui venait d'âtre élaboré sous l'impulsion du père Daniel Lord, n'était pas encore impliqué de façon stricte.
Michael Curtiz, de Budapest à Hollywood
L'oeuvre de Michael Curtiz est énorme, foisonnante. Éclatée entre la Hongrie, l'Autriche et Hollywood. Éclatée entre westerns, films de gangsters, mélodrames, musicals et films d'horreur. Éclatée même parfois entre la perfection confondante du classique et la médiocrité de la besogne. En somme, Curtiz représente tout ce qui a pu faire problème dans la politique des auteurs. Mais on aurait tort de croire qu'il n'est qu'un cinéaste de la forme et non du fond. Son style, si reconnaissable, impose visuellement des motifs, des compositions, des situations où la cohérence du discours se dégage aisément. Aborder un tel monument l'espace d'un dossier ne pouvait rendre compte de la réalité. Au moins aurons-nous proposé ici une première approche. Derrière certains films qui sont les préférés de chacun ("Casablanca", "Mildred Pierce", "L'Aigle des mers", "Trafic en haute mer", "Masques de cire" et tant d'autres), il y a bien plus qu'un artisan : un grand "metteur en scène".