Tarantino déchaîné, au sommet de son art, tel il nous est apparu dans son septième film (les deux Kill Bill n'en faisant qu'un selon lui), Django Unchained. Une bonne raison pour réaliser notre sixième entretien avec lui. A l'approche de ses cinquante ans, le cinéaste wonderboy n'a pas changé depuis notre première rencontre, il y a vingt ans, au lendemain de la projection de son opera prima, Reservoir Dogs (hors compétition au Festival de Cannes) : volubile, gouailleur, simple, disséquant avec brio ses propres films et ceux des autres, tels un Scorsese ou un Tavernier. Comme les grands metteurs en scène autodidactes il possède un sens du risque et une imagination sans limites. A chaque nouvel opus, on retrouve son goût de la violence, son dialogue inventif, ses comédiens hors pair, son jeu avec les genres et son utilisation infaillible de la musique. Et à chaque fois, néanmoins, une expérience nouvelle pour le spectateur.
Theo Angelopoulos
Quentin Tarantino - Django Unchained, Eloge de la dramturgie
Daniel Day-Lewis - Lincoln, Les moyens de la fin
Lincoln vient rappeler à certains que Steven Spielberg est bien un cinéaste américain contemporain majeur. La vision du monde qui s'en dégage est désenchantée, ce qui surprendra ceux qui voient en Spielberg un optimiste béat. L’œuvre est historiquement précise, ce qui risque de décourager les amateurs de blockbusters ; elle progresse par longues scènes dialoguées plutôt que par larges fresques d'action. Cela montre simplement que le cinéaste sait toujours adapter son style au sujet qu'il traite. Film à la fois austère et grandiose, Lincoln place Spielberg auprès d'autres grands peintres classiques de l'histoire de l'Amérique, et prouve que la légende qu'on imprime est souvent plus belle quand les nuances dont elle se pare sont chargées d'ombres. Porté par une interprétation chorale où domine l'impressionnant Daniel Day-Lewis, Lincoln nous permet également de revenir sur la carrière d'un acteur unique, rare et exigeant, confronté ici à un rôle exceptionnel.
Une France privée d’Histoire
Les irréversibles transformations et métamorphoses de la société française, aux répercussions sensibles dans les mentalités et les comportements, ont accompagné la mue d'un pays en deuil de ses Trente Glorieuses. Ces infimes soubresauts telluriques ont fini par engendrer de véritables séismes dans les modes de socialisation (au sein des espaces domestiques et dans le domaine des rapports sociétaux), redéfinissant des pratiques et des habitus dont deux films à l'affiche du printemps dernier, Journal de France et Le Grand soir livraient, dans leur genre respectif (film d'archives en mode méta-documentaire et pochade post-surréaliste décalée), l'enregistrement fidèle.
Hommage Yann Chopra 1932-2012 - Le romantisme du mélodrame
Marquant un retour tardif à la mise en scène après quinze ans d'absence, Veer-Zaara (2004, avec Shahrukh Khan, Rani Mukherjee, Pretty Zinta) est un magnifique mélodrame, qui embrasse sentiments romantiques et conflits politiques, partagé entre Inde et Pakistan, là où est né en 1932 son auteur, Yann Chopra, à Lahore, dans le Penjab, aujourd'hui partie du Pakistan.
Dali à Dallywood
Pénétrons, si vous le voulez bien, dans le ventre de madame Dali. Dans la lueur tamisée, flotte l'image de Salvador Dali en position fœtale. Sa voix lit les "Souvenirs intra-utérins", extrait de La Vie secrète de Salvador Dali (1942). Ainsi s'ouvre la rétrospective du Centre Pompidou. Cette vaste exposition arrache Dali du strict cadre de la peinture pour le présenter comme un artiste multimédia. Sa biographie est notamment parsemée de rencontres avec Hollywood. Infructueuses, elles n'ont jamais altéré sa passion pour le cinéma.
Notes festivalières
- Lumière Grand Lyon 2012 - Arras Film Festival 2012 - Thessalonique 2012 - Montpellier 2012
Sélection DVD
- Le Fleuve - Les Soldats de l'espoir - Le Havre - Ermanno Olmi - La Chasse et Objection - Le Livre noir
Les Jeux de miroir de Max Linder
Adoptons une règle comme une autre pour tenter de répondre à une question faussement simple : "Où en sommes-nous avec Max Linder ?" En attendant une probable rétrospective au prochain festival de La Rochelle, partons de la nouvelle programmation de ses films en salles, puisque sont ressortis sur quelques grands écrans Les Débuts de Max au cinéma (1910), Max prend un bain (1910), Max et Jane veulent faire du théâtre (1912) et Sept ans de malheur (1921).
La Mouette - La Morte
Soudain, la blancheur ensanglanté jaillit de l'oiseau abattu. Une plongée suit l’œil de l'auteur Trigorine posé sur le trophée offert par Konstantin Treplev à Nina, amie d'enfance et l'objet de son désir. En gros plan, le butin représente pour l'écrivain mondain le sujet d'un récit autour d'une héroïne triste, illustrant de ce fait le leitmotiv de La Mouette, le clivage entre l'art et la vie.
Theo Angelopoulos - De la reconstitution à la possière du temps
Il y a un an Theo Angelopoulos disparaissait victime d'un accident stupide pendant le tournage de ce qui aurait dû être son nouveau film, L'Autre Mer. Aujourd'hui que sort enfin, grâce à Sophie Dulac, son dernier opus, La Poussière du temps, quatre ans après sa présentation au festival de Berlin en février 2009, il nous a paru nécessaire de prendre encore une fois la mesure d'un des cinéastes majeurs du cinéma contemporain. Comme d'autres metteurs en scène créateurs de formes nouvelles (Welles ou Kubrick), il n'aura donc pas franchi le cap décisif et fatidique du treizième film. A la fois poète et philosophe, comme le voulait la tradition de la Grèce antiques, son cinéma embrasse le XXe siècle, donc il aura été le chantre pessimiste, faisant fusionner la recherche de la beauté et de la vérité. Un dernier entretien après les onze autres qui l'ont précédé témoigne de notre intérêt constant pour une œuvre considérable.