Les lauréats

Le stade du mouroir

par Michel Gros Dumaine

J'ai vingt ans. Je vais mourir dans quelques instants. J’entends déjà le bruit de l’avalanche. Cela ne me surprend pas. Je sais depuis mon plus jeune âge qu’il est bien difficile d’échapper à ce destin. Bien sûr je ne connaissais ni la date, ni l’heure, ni le lieu. Je ne suis pas né en sachant cela. Non. La connaissance de la mort n’est pas innée. Je l’ai découverte peu à peu.

Deux lettres

par Gustave Flaubert

Il y a douze heures, nous étions encore ensemble ; hier à cette heure-ci, je te tenais dans mes bras... t'en souviens-tu ? Comme c'est déjà loin ! La nuit maintenant est chaude et douce ; j'entends le grand tulipier, qui est sous ma fenêtre, frémir au vent et, quand je lève la tête, je vois la lune se mirer dans la rivière.

Je n’écris plus

par Bernard Deglet

Le monde, extraordinaire, se déploie. Je n’écris plus. J’ai quitté mon pays, qui est un vrai pays, je me suis installé dans un petit village, lieu très humide, forestier, riquiqui, étriqué.

La crèche

par Patrice Maltaverne

Encore cette fois-ci les vieux trucs ressortent Comme un train sans fumée Un aspirateur à angoisse ménagère

La taille des animaux

par Jean-Luc Coudray

Plus les animaux sont grands, plus ils vivent longtemps. En effet, les petits animaux se refroidissent ou se réchauffent plus rapidement. Pour maintenir leur température, ils dépensent plus d’énergie, usant plus rapidement leurs organismes.

Signature (1)

visuels: Flora Michèle Marin

Biologiste de métier, Flora Michèle Marin – décédée en 2011 –, est née en Roumanie pendant la dictature. Elle a découvert l'art contemporain en France. Son travail, photographies et collages, a fait l’objet de plusieurs publications et expositions

La jalousie

par Frédéric Perrot

Dis-moi à présent où tu as passé la nuit, ne me mens pas, n’essaie pas, je sais quand tu me mens, il y a tes yeux qui te trahissent, et quelque chose dans la manière de souffler la fumée de ta cigarette, quelque chose dans la manière de faire tomber ta cendre, ne me mens pas, n’essaie pas, je t’observe, je t’épie sans cesse, je ne te quitte jamais des yeux, je connais le moindre de tes gestes, je sais tout de toi, n’essaie pas de te voiler dans le mystère, je te perce à jour, j’écarte le voile, tu n’as pas de secrets, tu n’as pas de zones d’ombres pour moi, je suis une lumière froide, qui dissipe les secrets et fait reculer les ombres…

Boxeur

par Arthur Cravan

Quelle âme se disputera mon corps ? J’entends la musique : Serai-je entraîné ? J’aime tellement la danse Et les folies physiques Que je sens avec évidence Que, si j’avais été une fille, J’eusse mal tourné.

Le renoncement

par Arnaud Talhouarn

À cette époque, la Poméranie était une région de la Pologne. Les enfants avaient des parents qui ne parlaient guère que l’allemand, et cependant à l’école, l’instituteur donnait ses cours en polonais, ne s’exprimait que dans cette langue, qu’ils n’avaient pas d’autre choix que de pratiquer. Kurt ne disait rien, éludait les questions qu’on lui posait, ou commençait à bafouiller dès qu’il avait prononcé quelques mots, laissant à quelqu’un de ses camarades le soin d’achever. Entre eux, dans ce contexte surveillé, ils ahanaient un polonais de basse-cour. L’instituteur faisait semblant d’être satisfait.

Jean Coulombe

par Jean Coulombe · visuels: Jean Coulombe

Tu es la maison immolée au coeur du faubourg l’odeur âcre du naufrage la mer des incendies

Obscure boutique des médicamants

par Jean-Paul Gavard-Perret|

Imagine deux sortes d’érotisme : la première est celle du TGV lancé à pleine vitesse sur le corps du désespéré qui se jette sur la voie. L’autre est celle du serpent et de l’araignée. Les deux sont sans limites car elles conçoivent le corps comme illimité alors que lui-même, en sa normalité, est incapable de le concevoir.

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