Communs négatifs

La France invente l’ostracisation culturelle

par Mustapha Saha

Août 2023. Les étudiants maliens, burkinabais et nigériens ont reçu, le 30 août 2023, une notification du ministère français des Affaires étran- gères annulant leur séjour en France. Messages individuels par courriel: « J’ai le regret de vous informer que nous annulons notre soutien pour votre séjour en France, toutes les prestations de Campus France sont annulées, billets d’avion, allocations et assurance santé. La France a suspendu son aide au développement à destination du Burkina Faso, du Mali et du Niger. Cette décision concerne également les bourses de mobilité du gouvernement français, dont vous êtes bénéficiaire». Se pratique ainsi ouvertement l’os- tracisation culturelle. Les intellectuels, les artistes, les étudiants, situation inédite, sont les victimes collatérales des conflits diplomatiques.

Le tournant du 11 Septembre

par Lanfranco Caminiti

Le 11 septembre 2001, le monde a changé brusquement. Brusquement, parce qu’il s’est produit de manière inattendue sous nos yeux, en direct, mais comme tout grand événement de l’histoire, le processus qui a conduit au 11 septembre a été de longue durée. Et le 11 septembre est un grand événement de l’histoire parce qu’un nouveau sujet de l’histoire – le fondamentalisme – apparaît brusquement et se montre dans toute sa puissance. On scrute le monde lorsqu’un nouveau sujet social, économique, politique fait son apparition – peu importe qu’il ait gagné telle ou telle bataille. Pour moi, le Moyen Age se termine avec l’apparition des révoltes paysannes allemandes, un cycle qui durera jusqu’à la fin du XIXe siècle, quand l’industrialisation de masse dans le monde conduira à l’apparition d’un nouveau sujet social et à sa nouvelle scansion temporelle : le prolétariat.

Retour sur les communs négatifs

par Alexandre Monnin

Que ce soit chez Marie Mies, récemment disparue, et Veronika Bennholdt Thomsen, les deux sociologues écoféministes qui proposèrent à ma connaissance la première formulation du concept de communs négatifs en 2001, ou dans le cadre de la réflexion que je développe depuis 2017, leur évocation découle tout autant d’un intérêt marqué pour les communs que d’une insatisfaction à leur égard. En particulier, en ce qui me concerne, dans l’optique de mobiliser cette notion face aux enjeux de l’Anthropocène ou, pour le dire dans un langage plus actuel, du franchissement en cours des limites planétaires, le commun apparaît moins comme une solu- tion qu’une perspective féconde qu’il convient néanmoins de repenser en profondeur.

Des communs positifs aux communs négatifs

par Lionel Maurel

Repenser les communs à l’ère de l’Anthropocène

La patrimonialisation de la mine de Loos-en-Gohelle

par Anne-Louise Nègre, Julian Perdrigeat

Du deuil d’un ancien modèle à la gestion active d’un territoire en commun

Un village face à une entreprise minière

par Elif Karakartal

L’extractivisme dans le projet démocratique de constitution chilienne

L’archipel énergétique contre le monument électrique continu

par Alexandre Monnin

Entretien entre Fanny Lopez & Alexandre Monnin

Les communs négatifs entre féralité et remantèlement

par Yves Citton

La notion de « commun négatif » est l’une des propositions les plus importantes de notre époque. Elle permet d’identifier assez précisément une série de problèmes qui constituent des nœuds d’ambivalences proprement tragiques, dont le drame peut s’exprimer en une formule à la fois évidente et vertigineuse : qu’on prenne pour exemple les centrales nu- cléaires, l’agro-industrie, les plateformes numériques ou la finance globalisée, dans tous les cas, les communs négatifs nourrissent nos vies en même temps qu’ils pourrissent nos milieux de vie. Qu’ils alimentent nos maisons en lumière, nos ventres en calories, nos ordinateurs en données ou nos constructions en investissements, ce sont les mêmes flux qui nour- rissent nos existences à la petite semaine et qui rendent nos environnements (physiolo- giquement, socialement ou psychiquement) inhabitables à plus long terme. La question centrale que pose « l’écologie du démantèlement » promue par Emmanuel Bonnet, Diego Landivar et Alexandre Monnin1 en conséquence de leur définition des communs négatifs est donc elle aussi à la fois simple et abyssale : comment, sans nous effondrer, couper la branche sur laquelle nos sociétés ont assis leur prospérité fragile, inégale et suicidaire ? Ce bref article proposera de faire résonner les communs négatifs avec deux notions mitoyennes, en espérant contribuer ainsi à la réflexion collective qui traverse ce numéro de Multitudes – celle de féralité et celle de remantèlement.

Les “communs négatifs ” et se démettre en commun

par Joan Stavo-Debauge

Accueillir la fin de mondes auxquels apprendre à désappartenir

Lynn Margulis

Symbiogenèse, holobiontes, Gaïa : autant de mots, pareils à des cris de bataille lancés par la biologiste Lynn Margulis, tout au long du XXe siècle, pour faire de la symbiose un concept clef et penser l’évolution, le vivant et les relations humaines avec la Terre. Bactériologiste, Lynn Margulis n’a jamais caché sa préférence pour les vies microscopiques, où les relations les plus queers défient les concepts anthropocentrés de compétition, d’individu et même d’écologie. Laissons nos savoirs être modifiés par ces créatures qui nous composent et dont nous provenons toustes. Quels antidotes au capitalisme extractiviste pourrions-nous développer ? Cette mineure part à la rencontre des héritières contemporaines de Lynn Margulis et se propose avec elles de sentir-penser sur une planète symbiotique.

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