Alger, capitale du football politisé

#Doggystyle

par Fanny Taillandier

En français, on a pris l’habitude d’appeler improprement dièze le symbole précédant les hashtags, ces trend-topics qui alimentent le débat médiatique. Mais on a aussi importé du nouchi, l’argot d’Abidjan, le mot djèze, qui se prononce pareil et qui veut dire affaire. À mi-chemin entre le bruit du monde et les mots des gens, cette chronique trace sa route dans ce qui nous occupe.

Les deux font la paire

par Stephen Vuillemin

Culture anticipée

Jade Lindgaard

par Aïnhoa Jean-Calmettes

Anne Hidalgo ne voulait pas des JO de Paris. Mais le gouvernement Hollande a profité de « l’union nationale » consécutive au Bataclan : le saut en longueur, comme l’alcool en terrasse , est un rempart notoire à la barbarie. La journaliste Jade Lindgaard fait le point sur les innovations sécuritaires et les retombées économiques de l’événement. Sans surprise : on socialise les pertes, on privatise les profits.

La tribune politique

par Émile Poivet · visuels: Jean Kader

La bande originale de la vie politique algérienne s’écrit dans les stades de foot. On y chante le chômage, la galère, la prison et la rébellion : un cocktail aigre-doux à base de musique chaâbi. Quand le Hirak s’annonce en 2019, les ultras de tous les clubs sont dans les starting-blocks. Cinq ans plus tard, ils portent encore – presque seuls – le fumigène de la contestation. Nous avons voulu prendre la température à quelques mois des élections. De Bab el Oued à la Casbah, reportage à visage couvert dans les rues de la capitale, le chewing-gum sous la basket.

Kim Noble

par Thomas Corlin · visuels: Dan Wilton

Kim Noble est trop morose pour l’art contemporain et pas assez drôle pour la télé. Il enregistre des gens à leur insu pour alimenter ses spectacles. Il a passé huit heures planqué dans une armoire, comme ça pour le plaisir. Il est retourné vivre chez sa mère parce que personne ne veut faire de coloc avec lui. En conséquence, le réseau du théâtre continental lui a mis le grappin dessus : voyez-le s’épancher sur son britannisme, fardeau solitaire, et son inadaptation, le drame de sa vie.

Fat white family

par Thomas Andrei · visuels: Dan Wilton

Des groupes comme celui-ci, on n’en fait plus, a-t-on l’habitude d’entendre. Quand Fat White Family déboule sur la scène londonienne en 2011, la presse indé relève leur aura décadente, le chaos de leurs concerts. Ils mettent tout le monde d’accord par la musique : un post-punk plutôt mélodieux quoique râleur et fâché. Aujourd’hui, le groupe sort Forgiveness is Yours, son quatrième album. Les six musiciens sont devenus grands. Ils font un peu de sport. Ils se douchent parfois. Lias Kaci Saoudi, le frontman du groupe, dit n’avoir pas bu une goutte d’alcool en dix jours. Le voilà grimpant, sans s’essouffler, la colline boueuse de Brockwell Park, un espace vert du quartier de Brixton à Londres. La Fat White Family est désormais animée par « la guérison et le pardon », jure-t-il. Conversation restaurative à propos du monde moderne, de l’Irlande du Nord et de l’Algérie.

Pouchkine’s eleven

par Guillaume Loiret · visuels: Alad Insane

Depuis l’invasion de l’Ukraine, une centaine de joyaux de la littérature russe a disparu des bibliothèques européennes. Alexandre Pouchkine est particulièrement ciblé : en son temps, il avait purgé la langue nationale de toute influence étrangère. La justice soupçonne un réseau de braqueurs-faussaires basé en Géorgie. Certains ouvrages ont refait surface dans des maisons d’enchères moscovites, et tout le monde veut savoir : Monsieur Poutine, ou étiez-vous le12ausoir?

Taysir Batniji

Émilie Hache

par Aïnhoa Jean-Calmettes · visuels: Emma Le Doyen

Il y a fort longtemps – avant les forages pétroliers et les yaourts en pot –, les sociétés humaines étaient intéressées par leur propre « génération » : elles faisaient des enfants et prenaient soin du monde. Cette notion disparaît avec le christianisme puis avec l’économie moderne. La philosophe écoféministe Émilie Hache remonte le cours de cette histoire et fait la lumière sur des « matriarcats » possibles.

Douarnenez, sur le divan

par Émile Poivet · visuels: Jean-Roch de Logivière

En 2022, le carnaval de Douarnenez s’est fait remonter les bretelles, à cause des coiffes de chef indien et de Michel Sardou. Un signe des temps. Sauf que dans le port breton, c’est vite parti en noms d’oiseaux : la jeunesse déconstruite fait la leçon aux autochtones dans son langage abscons ; la frange réactionnaire poursuit les gauchistes jusqu’à devant leur porte. Les habitants sont un peu excédés. Ils en ont gros sur la patate. Virée nocturne aux Gras, où le déguisement est une affaire sérieuse.

Sean Price Williams

par Julien Bécourt · visuels: Damien Maloney

Sean Price Williams a signé la photographie de dizaines de films indépendants américains, dont Frownland de Ronald Bronstein et certains des plus délirants des frères Safdie, mais c’est la première fois qu’il porte la casquette de réalisateur. Avec The Sweat East, il donne forme à l’un de ses rêves : faire un film sur la côte est des États-Unis, et sur tous les hurluberlus qui la peuplent. Dans une épopée qui a la saveur douce-amère d’un bonbon fourré au LSD, l’héroïne incarnée par Talia Ryder, Lillian Wade, traverse la société américaine par ses extrémités, comme Alice au pays des freaks. Fuyant un voyage scolaire, elle passe de l’autre côté du miroir et se perd dans diverses communautés : Lillian squatte le canapé « d’artivistes » qui veulent casser la gueule des fascistes, Lillian fréquente un néonazi amateur de poésie, Lillian se laisse embarquer comme actrice sur un film indépendant vraiment snob, Lillian se fait séquestrer par un jeune islamiste qui danse sur de la techno. Partout, les hommes essaient de l’embobiner, mais Lillian s’en sort toujours sans une égratignure. À la jonction entre Harmony Korine et Robert Altman, The Sweet East offre le spectacle d’une société saturée de paradoxes, avec un humour corrosif qui risque de faire grincer quelques dents. On devine avec quel plaisir Sean Price Williams a envoyé balader les prérequis d’un cinéma « engagé » : un jeu d’équilibriste sur la corde du politiquement correct qui se révèle parfois vain. Regard malicieux et dégaine de dude qui masquent mal sa timidité, il nous raconte son aventure depuis les hauteurs de Topanga, aux confins de Los Angeles, où il manœuvre la caméra pour le prochain film de Virgil Vernier.

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