Guillaume Dustan

Copier, coller, retisser : Fanny Taillandier fait le détour par la fiction pour détricoter les discours ambiants

Il y a une corrélation évidente entre la légitimité accordée aux littératures de l’imaginaire et l’état de délabrement du monde : alors que les écosystèmes s’effondrent, les auteurs de SF sont sollicités pour conjurer en fiction les dystopies du présent. Jean-Marc Ligny conclut actuellement Alliance, dans lequel les relations entre humains et animaux obéissent enfin, à l’aube du XXIVe siècle, à un nouveau paradigme.

Pour sa rétrospective aux Rencontres d’Arles, il occupe l’étage d’un supermarché Monoprix. L’occasion de revenir sur une œuvre axée sur les « invisibles » du système : ses potes banlieusards qu’il shoote comme des tableaux du Caravage, des chômeurs marseillais qu’il modélise en statuettes, le quotidien carcéral d’un ami filmé de l’intérieur.

Dans les années 1960, le Japon mobilise ses plus audacieux architectes pour construire des aires de jeux pour enfants. Certains modules sont désormais exposés comme des œuvres d’art : pour les minots, rien n’est trop beau. Mais quels territoires inconscients et catastrophiques convoquent les playgrounds nippons ? Sous les bacs à sable, le spectre de la guerre, et l’angoisse d’un potentiel tremblement de terre.

Le salut écologique et démocratique passera par l’habitat : Patrick Bouchain, tout juste récompensé du Grand Prix de l’Urbanisme, en est convaincu. Avec « La preuve par 7 », l’architecte transmet un véritable modèle d’organisation sociale : traquer les failles de la réglementation, décloisonner les savoirs, remettre le logement aux mains des habitants. Une simple question de bon sens.

Écrire du théâtre pour des êtres mythologiques, moitié humains, moitié chevaux : le rêve de gosse de Camille et Manolo est devenu réalité. Mais le Théâtre du Centaure a été rattrapé par la question environnementale et l’urgence de repenser la place de l’homme dans les écosystèmes. À Marseille, ils cultivent leur utopie artistique.

Succès économique et populaire, ce parc d’attractions est aussi un formidable outil d’influence idéologique au service duquel œuvrent 4000 bénévoles, dévoués corps et âmes à la création de Philippe de Villiers. Entre purges politiques, cérémonies religieuses et éducation conservatrice, retour sur une utopie de droite qui vire à la sécession.

Pour habiller les scènes de baston dans Fight Club, les bruiteurs hollywoodiens éclataient des carcasses de poulet fourrées de cacahuètes à coups de batte de baseball. Depuis soixante ans, toutes les productions font appel à ce savoir-faire artisanal, inventé en France. Mais aujourd’hui, le bruitage de cinéma est ballotté par la loi du marché et menacé par la concurrence des logiciels.

Artiste total et figure pop, l’auteur défunt incarne le clivage qui se jouait dans le milieu homosexuel pendant les années sida : chacun pour sa peau ou tous pour un? Brouillé avec Act Up, invité chez Ardisson, l’énarque devenu archéologue des backrooms parisiennes cherchait la parole radicale... quitte à verser parfois dans l’intolérance. Alors que le milieu culturel le réhabilite progressivement, il est raconté par ceux qui l’ont le mieux connu.

D’Amsterdam jusqu’à Vienne, la danse expérimentale se fascine pour le X. Actes sexuels non simulés, exploration des orifices et sex-toys revisités : des performeurs troublent les frontières entre chorégraphie et pornographie. Au risque de voler la vedette aux créateurs de porno d’avant-garde, qui militent pour des corps et une sexualité libre.

Dans la principauté de Monaco, où l’on croise principalement des voitures de luxe et des visages qui semblent tirés du best-seller American Psycho, la splendide exposition d’Ettore Spalletti montre d’une manière glaciale le futur de nos sociétés.

Si les footballeuses ont le vent en poupe au stade et sur scène, la puissance de leur geste dévoile encore et toujours la permanence des mécaniques sexistes les plus absurdes.

Depuis la Libération, les théâtres sont atteints de la maladie du hall : un espace froid, inutile, mais qui impressionne. Au mieux le bar en occupe-t-il un coin. Est donc arrivé ce qui devait arriver : le théâtre est entré dans les bars.