Thomas Sandoz

Raphaël Enthoven, la philosophie partout

par Thomas Gerber 

En écrivain, homme de radio, conseiller de la rédaction à Philosophie Magazine, Raphaël Enthoven ne manque pas une occasion de partager son amour de la philo- sophie. En 2008, il réussit même le pari d’imposer et d’animer une émission hebdomadaire sur Arte sobre- ment intitulée Philosophie. Prenant au pied de la lettre l’aphorisme de Nietzsche qui dit que «les bonnes idées sont celles qui viennent en marchant», il a opté pour la déambulation. Dans chaque épisode de son émission, un nouvel invité l’accompagne dans une promenade ré- flexive et partage avec lui ses vues sur un thème précis – le but n’étant pas de faire le tour du sujet mais de sim- plement susciter la curiosité du téléspectateur, de transmettre un désir de réflexion. Car bien qu’il n’enseigne plus à l’université, Raphaël Enthoven revendique toujours le statut d’enseignant de philosophie.

La pause de Décapage

Proposée en partenariat avec la revue littéraire Décapage (Editions Flammarion), la présente rubrique reprend à l’intention de nos lecteurs les notes de lecture que Jean-Baptiste Gendarme (texte) et Alban Perinet (illustration) proposent sur leur site La Pause de Décapage.

Le coffre(t) de Cendrars

par Yves Guignard

Picasso ne s’y est pas trompé quand il disait que Blaise Cendrars était revenu de la Grande Guerre avec «un bras en plus». Pourtant, c’est bien infirme et mutilé qu’il revient à la vie après l’expérience de la ferme Navarin, cette ruine entourée de fils barbelés entre deux tranchées, au nord-est de Reims. Il y perd, durant la grande offensive de Champagne, son bras droit, avec, à son extrémité, sa main d’écrivain; lui, le Suisse, porté volontaire pour la légion étrangère, s’est sacrifié. La rééduca- tion et le retour à l’écriture furent longs, son mérite considérable. Il avait déjà un coffre formidable en 1913, des poumons comme des barriques, au moment de nous emmener au cœur de la Russie. Son verbe était déjà comme un engin à vapeur, une locomotive de plusieurs tonnes qui brasse une machinerie impossible à stopper une fois lancée. Le rythme de sa Prose du Transsibérien ou de la Petite Jehanne de France était celui, implacable, des cahots du train sur les jointures des rails, son refrain «Dis, Blaise, sommes-nous bien loin de Montmartre?», résonne encore comme un coup de sifflet, impérieux et féerique. L’expérience de la Guerre, une parmi les mille vies de cet infatigable voyageur, grossit la somme des expériences, amoncelle de la matière brute qu’il faut d’abord digérer.

Révoltes intimes

par Louise Bonsack

Loin de soi s’ouvre sur la voix d’un jeune garçon, inquiet d’avoir été oublié à la sortie de l’école. Un jeu de miroir veut que le recueil se termine sur les questionnements d’une mère, dépassée par la naissance de son premier enfant. En dix-huit courtes nouvelles, Silvia Härri nous plonge dans l’intimité d’êtres perdus dans un monde où ils ne trouvent pas leur place. « Tous les rôles ont été distribués sauf le mien», constate une comédienne en deuil, mettant des mots sur le malaise qui traverse le recueil. Mis à l’écart de leur propre vie, les personnages de Silvia Härri se révoltent avec maladresse, parfois avec violence, pour trouver prise sur une réalité fuyante.

Odyssée de l’instant

par Marie Minger

«Le temps passe. Le matin s’installe. Mathias retrouve une vieille phrase qu’il mastique rêveusement: “Il faut savoir redresser l’instant dans son propre présent.” »

La construction de soi comme phénomène sismique

par Timothée Léchot

Un an après le succès tectonique de Joël Dicker, le sismographe de la presse culturelle vient d’enregistrer une petite secousse littéraire en Suisse romande. Toute locale et très profonde, cette nouvelle vibration n’a certes pas ébranlé le marché du livre, mais elle a fait jaillir un nombre remarquable de critiques enthousiastes dans les journaux et sur les blogs. Ces articles portent sur Séismes, la septième fiction de Jérôme Meizoz, dont ils signalent des qualités plutôt contradictoires. Certains vantent la flamboyance éblouissante du style, la force brute des épisodes, l’âpreté du récit. D’autres soulignent la simplicité du lexique, l’humble concision du texte, l’effacement du narrateur. Qu’est-ce donc que cet ouvrage résolument épique et in- time, à la fois recueil et roman, dont on peine à définir la nature souterraine du charme ?

De bourreau à tueur, une épopée poétique

par Nathalie Dahn

Londres, après-guerre. Des criminels nazis aux meurtriers des rues, le métier de bourreau nourrit son homme. Mais justement, quel homme se cache derrière la fonction ? Après Une Anglaise à bicyclette (2011), le prolifique et goncourisé Didier Decoin dépeint dans La pendue de Londres les histoires entrecroisées d’une victime et de son exécuteur au sein d’une capitale – et d’une humanité – en reconstruction.

Entretien avec Pascal Bruckner

par Valery Rion

Pascal Bruckner, essayiste et romancier français de renom, s’arrêtait le 12 septembre 2013 au Club 44, à La Chaux-de-Fonds, pour donner une conférence portant le même titre que son ouvrage paru en 2011, Le Fanatisme de l’apocalypse. Sauver la Terre punir l’Homme. Il s’agit d’un livre dans lequel l’auteur dénonce le catastrophisme du discours écologiste actuel. Nous l’avons rencontré pour évoquer ce sujet en marge de l’événement. Pascal Bruckner vient de publier un nouveau roman, La Maison des Anges, aux éditions Grasset.

Félix Vallotton : La consécration

par Sophie Vantieghem

Même Hodler, qui pourtant jouit d’une plus large renommée, n’a pas connu une si belle diffusion que Vallotton cette année. En effet, de nombreuses institutions mu- séales de ses deux patries, la France et la Suisse, l’auront mis à l’honneur. L’année – qui pourtant ne marque pas d’anniversaire particulier – se clôt magistralement avec, pour apothéose, la prometteuse rétrospective Félix Vallotton. Le Feu sous la glace, orchestrée par le Musée d’Orsay et la Réunion des musée nationaux, en collabora- tion avec la Fondation Félix Vallotton (Lausanne), à voir jusqu’au 20 janvier 2014, au Grand Palais (Paris).

Impressions léman(col)iques

par Diane Antille

On l’attendait iconique, elle fut plurielle ; on la voulait grandiose, elle est demeurée confinée ; on l’imaginait exubérante, elle fut sobre ; on la définissait bleue, elle se révéla dans la blancheur immaculée du Musée Jenisch. Titre accrocheur, vision diachronique, sujet thématique, identitaire, images plastiques et littéraires, Le- mancolia réunissait tous les ingrédients du succès. Mais on ne promet pas le Léman sans susciter des attentes. Dominique Radrizzani, commissaire de l’exposition, mais surtout ancien directeur du Musée, a répondu à cette gageure en proposant sans détour son propre regard sur cette vaste étendue, désormais inscrite au patri- moine mondial de l’Unesco. Retour sur un parcours binaire, calqué sur les versants solaire et lunaire, visible et invisible du Léman.

Qin, instrument du soft power chinois ?

par Valérie Clerc

Dans le cadre de l’accord de libre-échange entre la Suisse et la Chine, il est un événement culturel à ne manquer sous aucun prétexte : l’exposition Qin – l’empereur éternel et ses guerriers de terre cuite, présentée au Musée d’Histoire de Berne, démontre que le rapprochement sino-helvétique ne profite pas uniquement à la balance commerciale.

La face cachée de Joan Miró

par Dea Ajeti

C’est à la découverte d’une partie méconnue de l’œuvre de Joan Miró que nous in- vite la Fondation de l’Hermitage. Sous le titre « Poésie et Lumière » – c’est ainsi que Miró qualifiait la ville de Palma de Majorque, où il vécut les trente dernières années de sa vie –, le musée lausannois revient sur la production tardive du maître au travers de quatre-vingts peintures, sculptures et œuvres sur papier, issues de la Fundació Pilar i Joan Miró de Palma de Majorque. Le visiteur découvre des œuvres qui renouvellent l’image du maître majorquin.

Songe d’une nuit d’été

par François Zay

Présentée à la Galerie Palatine, à Florence, l’exposition Il Sogno nel Rinascimento vient d’ouvrir ses portes au Musée du Luxembourg, à Paris, sous le titre La Renaissance et le Rêve. C’est à Florence cependant – calendrier oblige – qu’il nous a été donné de visiter l’exposition.

Louis Rivier : œuvre profane, œuvre sacrée

par Natacha Isoz

Si les fresques de l'Aula du Palais de Rumine, les vitraux de la cathédrale de Lausanne et la décoration d'une trentaine de temples vaudois ont fait la réputation de Louis Rivier (1885-1963), c'est une facette peu connue de son oeuvre que se propose d'exposer le Musée historique de Lausanne : l'art qu'il pratiquait quotidiennement en atelier. Il s'agit de portraits, d'autoportraits et de paysages ; œuvres privées, quittant pour la première fois les murs de leurs domiciles bourgeois.

Le sillon de Thomas Sandoz

par Niklaus Manuel Güdel

Thomas Sandoz. Retenez ce nom. Sandoz, comme Ramuz et comme Chessex, est un patronyme bien suisse. Et pour une fois, il va falloir compter sur la littérature helvète.

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