Numéro 2

Argumentum ad hominem

par Gérald Désert

Je te reluque Homme-Dieu pantelant dans l’Ibis tes laïus violant la foi en l’humanité le credo des lois naturelles

Extrait d’une Rhapsodie (diospyros kaki)

par Alexander Dickow

Vers fin novembre apparaissent sur les étals un genre de tomate d’un orangé étourdissant, un orangé perplexe, fébrile et sucré de braises, un peu absurde. Serrés ainsi dans leur présentoir moulé, ils tiennent à la fois du soldat obéissant et du poupon moelleux. Ce sont coeurs de sigisbées dodus allumés, coeurs souffrants s’offrant à la dame qui passe, coeurs gorgés de sang et de miel.

Rozoir

par Francky Lauret

Panba basin fénoir Lèr la nuit i bruine In grin la rozé I oz gorz son roz dési lo roz Kré-d-lèv zanturium

Ce que peuvent ensemencer nos chants

par André Lucrèce

L’ordre de la familiarité ne s’accorde pas aux pensées prodigieuses. L’heure demeure à l’écriture irréductible qui fourbit la pénétrante respectabilité du poème, où les chemins frissonnent dans le murmure, le bégaiement et les tremblements, la claire porte du trouble interpelle alors le passantlecteur au coeur morcelant du poème.

Promenade Jacques Beaumel

par Jean-Marc Rosier

Révélée du soleil par l’éclair miragineux de tes pas et pour ce que l’amour fou comme forteresse déçue jouait le couperet tombant ta liberté tu courais comme pour vivre partir te perdre toute dans la lumière loin du glas des ombres hors la ténèbre forte les ponts à revers de sang

Le nom du père ou Le colloque hasardeux

par Jean-marc Rosier

ACTE PREMIER En ce vendredi 18 juillet 1986, le bleu-nuit du matin est irradié par la lumière orangée d’un lampadaire sous lequel un homme d’une trentaine d’années, sacoche en bandoulière, est debout. Patiemment, il y reste jusqu’au moment où la cloche d’une église lointaine tinte cinq coups d’une seule note. Regardant alors sa montre, il va vers une proche maison urbaine de style coloniale, encore dans le noir, défendue par une petite barrière. Jappements très courts d’un chien ; l’homme se fige. Dressant l’oreille, mais n’entendant rien, il reprend alors sa marche pour s’arrêter enfin devant la barrière.

Puerto Plata

par Cécile Baltz

La nuit s’achève, et le Raval sent de plus en plus la bière, la pisse et le vomi. En temps normal, je ne prends jamais ce chemin. On ne croise que des Anglais rouges aux cheveux orange, des voleurs à l’arrachée dévalant les pavés, et le touriste dépouillé hurlant son malheur. Il faut fuir cette ville l’été. En haut de la Rambla, les terrasses des cafés débordent de jeunes à la mode, attablés aux côtés d’une vieille toxico cubaine qui maudit la terre entière.

Chronique musicale III

par Buata Malela

Rien de tel qu’une amitié née autour de la pratique musicale. Un ami musicien, Fred, m’accompagnera dans ma quête sonore. Son intelligence musicale et sa très grande générosité sont de précieux sésames. Un musicien polyvalent, dévoué à la cause musicale. Lui, s’est aussi orienté vers la quête de l’inaccessible : le son parfait. Il me convertira à différents produits musicaux (câbles, logiciels, instruments, moniteurs audio, etc.), alors à la portée de notre maigre bourse. Tout cet excellent matériel me permettra de revenir bien armé à la composition.

Et calme la mer, et vide le port !

par Fanfan Mahotière

Hommes et femmes en sueurs, caféiers en fleurs. La terre généreuse des mornes ne rechigne point à récompenser les labeurs. Le travail se fait en chantant. Le lot quotidien de nos paysans n’est que joie, la vie ainsi qu’elle se conçoit. Il faut se fatiguer le jour pour bien dormir la nuit. Nuit égayée par la frayeur, frayeur des ailes de loup-garou foisonnant l’air. Pauvres hommes déboulant les pentes dans des calebasses, incapables de voler quand ils sont diables.

Un nouveau son dans la littérature antillaise

par Frankito

Un signal sonore m’avertit qu’un email vient d’atterrir dans ma boîte. J’y jette un oeil ennuyé, pensant trouver une nouvelle publicité pour un mixeur multifonction ou ma dernière facture de téléphone. Et là, divine surprise : une invitation au premier Salon du livre international de la Martinique, qui se tiendra en décembre, à Fort-de-France. J’imagine déjà quelles chemisettes j’embarquerai dans ma valise, et le confort de l’hôtel quatre étoiles où je logerai, lorsqu’au bas de la page je découvre un point crucial. Je dois, pour honorer cette invitation, rédiger une communication et la faire parvenir aux organisateurs avant que ne se tienne l’événement. Une demande, somme toute classique, confirmant que l’adage millénaire, on n’a jamais rien pour rien, reste d’actualité.

Impromptus raisonnements

par Jean-Marc Rosier

À trop vouloir démêler le bien du mal, le vrai du faux, on mêle le faux au vrai, le bien au mal.

Bernard Thomas-Roudeix : du figuratif à l’agressif

par Jean-Durosier Desrivières

Notre première rencontre, Bernard et moi : un soir de je ne sais plus quel jour de mars, en marge du Salon du livre de Paris, en 2012. Mon ami Bob – Robert Berrouët-Oriol – et moi, nous devions retrouver mon amie Haude Bernabé au salon de son amie journaliste. L’homme aux cheveux grisonnants était là, calme et serein, entre la maîtresse des lieux et mon amie sculptrice à l’allure d’une jeune fille en fleurs qui manie le fer comme seuls les artistes de la Grand-Rue de Port-au-Prince savent le faire. Elle connaît l’homme, artiste lui aussi, avec qui elle a déjà exposé.

Sens agités des matières

par Jean-Durosier Desrivières · visuels: Bernard Thomas-Roudeix

(Six planches et poèmes)