Numéro 1

Le bar des Amériques

par Alfred Alexandre

Moi aussi, je lui avais dit, à Éva un soir vautré de rhum où on s’était rabiboché au comptoir de Bilal moi aussi, ce que j’aurais voulu au lieu de traficoter comme un damné dans le nombril des Amériques C’est, ah ça oui, me poser quelque part comme ses femmes frêles et ses marmailles foirées dans le silence que je transbordais, d’une île à l’autre, sur la Caribéenne

Credo pour l’incertain

par Miguel Duplan

Je crois aux histoires belles à dormir debout, je crois aux fraternités éphémères, je crois aux bruissements des âmes sensibles et aux sortilèges des enfances, je crois aux déraisons de ma maison, je crois en toi Mon Dieux même quand tu oublies tes frères sur une moitié de chemin, je crois aux formes délicieuses des femmes mûres et aux infidélités sans cesse renouvelées, je crois en un ordre tabulaire équivoque quelquefois mesquin terriblement humain, je crois aux sources salvatrices, je crois aux dépassements des pensées, enfin, je crois en une solution chimérique et à son absolu contraire.

Beau monde

par Gaël Octavia

Au souvenir des champs humides Qui l’ont vu naître entre racines et riz sauvage Le rat est là qui s’interroge Tandis qu’à petits pas de poussière crasseuse Avec sa grâce de danseuse Le train amène son teint brouillé De jeune noceuse sortie du lit

Sélune pour tous les noms de la terre

par Faubert Bolivar

Dans l’intention de répondre à une offre d’emploi, Sélune se met à rédiger un courrier de demande d’une lettre de recommandation à l’attention du Révérend Pasteur, fondateur de l’établissement où elle a fait ses études secondaires L’institut Mixte du Savoir Global et Éternel. Au fur et à mesure que Sélune avance dans son courrier, elle est visitée par ses souvenirs. Au bout du compte, Sélune finit par comprendre qu’il lui faudra déchirer la lettre qu’elle aura rédigée, car « les choses n’ont jamais marché droites comme ça sous ce ciel bleu d’Haïti ». Le personnage arrivera à l’évidence que seule une révolution contre la marche impitoyable de son pays servira à ouvrir les horizons bloqués.

Chronique musicale I

par Buata Maléla

Il me souvient adolescent, je rêvais de musiquer, sans doute fasciné par l’idée d’explorer le monde sonore dans sa singularité. Le capter, le saisir, le travailler pour se transporter hors d’un quotidien oppressant. C’était et c’est encore la « crise » pour reprendre le vocabulaire d’aujourd’hui. Encore et toujours elle.

Ailleurs sur le globe

par Frankito

Un samedi comme un autre. Mes filles, dans le salon, se déhanchent sur «Gangnam style», le hit d’un chanteur coréen hystérique, pendant que je pianote frénétiquement sur mon ordinateur chinois. Un article urgent à remettre, pour une nouvelle revue littéraire. Une nouvelle revue littéraire… Quelle drôle d’idée ! De belles phrases, de grands concepts, des écrivains bouillonnants, mais sans un sou vaillant.

Un très beau livre ! Puis vos gueules !

par Jean Durosier Desrivières

Ces deux exclamations ont pris forme dans mon esprit de façon spontanée et joyeuse, sans violence aucune, aussitôt que j’ai refermé, après lecture de la dernière page bien sûr, La vie sans fards de Maryse Condé : « Un très beau livre ! Puis vos gueules ! » Elles ne sont pas sans relation, bien entendu, avec tout ce que j’ai pu lire comme réactions multiples sous différentes plumes haïtiennes renvoyant à un aspect spécifique de cette saisissante et surprenante autobiographie de notre grande romancière guadeloupéenne : le sort soi-disant réservé à Jean Dominique.

Moi, magma lumières ténèbres

par Jean-Marc Rosier

Mon Moi n’est pas un corps indivis, mon Moi est légion. Divers, ainsi je suis. Néanmoins, dans mes introspections, je ne peux saisir le tout de mon Moi, le voudrais-je que je ne saurais pas. Aussi l’observation globale du Moi est-elle impossible – comme a posteriori il n’est pas possible à l’Homme de se connaître soi-même – ; seule la focalisation sur une partie de ce Moi est donc envisageable.

Un cinéma épris des mots

par Alain Agat

Si mon idée de notre littérature retient surtout sa double préoccupation, celle d’un regard sur nous-mêmes dans une dimension quasi anthropologique, et celle d’un regard dans une dimension cette fois marronne remettant en question l’architecture classique du roman, notre cinéma retient le plus souvent la première.

Soleil Magma

par David Gumbs

Soleil Magma est une installation vidéo interactive en temps réel créée en 2013. Née de plusieurs influences culturelles et conceptuelles, elle a pris corps au moment de mon retour dans la Caraïbe. C’est là pour moi une oeuvre majeure, certainement en gestation depuis l’Europe et l’Asie où j’ai séjourné quelques années.