Une tradition insistante de la Biennale de Venise veut que chaque année, le commissariat en fasse toujours un peu moins en termes de réflexion théorique. Cette année, Ralph Rugoff a tout simplement renoncé. Pour la 58ème édition, il revendique une absence de thématique, laissant les artistes et le public se débrouiller avec un simple souhait: May You Live In Interesting Times. L’exposition, annonce-t-il, “n’aura pas de thème en soi, mais mettra en évidence une approche générale de l’art et une vision de la fonction sociale de l’art comme englobant à la fois le plaisir et la pensée critique”.
58ème Biennale de Venise
Tout ce qui est solide dans le fond
Toute chose se meut, rien n’est stable
L’environnement et l’écologie, en lien avec les questions biopolitiques d’identité et de genre, sont devenus des enjeux prioritaires non seulement au plan politique mais également dans la sphère de l’art. Socrate résume ainsi la pensée d’Héraclite par ces mots: “Toute chose se meut, rien n’est stable”.
Contourner, déborder, renverser et avancer à reculons
Dans le pavillon suisse, Pauline Boudry et Renate Lorenz invitent le spectacteur à “avancer à reculons” en hommage à une tactique ayant sauvé la vie de guerrières kurdes, tandis que Laure Prouvost le fait entrer dans le pavillon français par l’arrière du bâtiment et qu’Angelica Mesiti (Australie) lui demande de s’installer dos aux images: d’emblée, l’on saisit dans ces propositions l’ambition de bousculer les schémas de la réception esthétique afin d’inscrire la quête artistique dans une tentative de renversement des pouvoirs. Le spectateur est au cœur de dispositifs adressés à des corps réels habités de fantasmes et portés par des utopies.
Cosmorama
Dans le contexte de l’exposition May You Live in Interesting Times, JOI BITTLE et DOMINIQUE GONZALEZ- FOERSTER ont conçu Cosmorama (2019), une collaboration dans l’es- pace des Giardini (pavillon central) qui prend la forme d’un diorama représentant un paysage martien. De nombreux indices discrets placent le regard dans une stratégie d’examen temporel dystopique. Le territoire qui symbolisait le futur technophile pour- rait bien ressembler à une vision de la terre déjà dévastée depuis un futur qui regarde son passé.
Un monde chien !
Mondo cane! Est-ce une injure lancée à la face du visiteur de la 58ème biennale de Venise, ouverte de surcroît sous de sombres auspices: Puissiez-vous vivre dans un monde intéressant1 ? Le titre de l’exposition de Jos de Gruyter et Harald Thys au Pavillon belge se réfère en l’occurrence au film italien sorti en 1962, pseudo-documentaire réalisé par Paolo Cavara, Gualtiero Jacopetti et Franco Prosperi. Avec pour principale ambition de provoquer la stupéfaction, la succession de saynètes y tournaient plus ou moins en déri- sion différentes coutumes et pratiques cultu- relles à travers le monde.
Luc Tuymans à Venise
La présence des ombres
Les puits sans fond du visible
Les Rencontres de la Photographie d’Arles battent leur plein cet été et jusqu’au 22 septembre. Avec une offre de 50 expositions (en écho à l’anniversaire de la 50ème édition du festival qui a vu le jour en 1970), l’événement impose plus que jamais sa taille magnum. Entre florilège éclectique et liquéfaction du propos, Les Rencontres 2019 ne se laissent pas facilement synthétiser... Retour sur les impressions rémanentes (et subjectives) d’une manifestation où (presque) tous les goûts sont permis.
Fantasme et fantasmagorie
La triennale GIGANTISME, qui se tient du 4 mai 2019 au 5 janvier 2020 à Dunkerque, propose, pour sa première édition, de revisi- ter l’histoire de l’art européen de la seconde moitié du XXème siècle à partir du prisme des rapports entre art et industrie. Ce lien, porté par un regard nouveau sur l’histoire de l’art, nous permet d’interroger la place de l’art dans la reconstruction de l’Europe d’après- guerre, mais aussi de nous questionner sur sa puissance imaginaire aujourd’hui.
Coltan as Cotton
Se manifestant au gré du calendrier ème lunaire, la 9 biennale Contour, qui se déploie en trois temps, est entrée dans sa seconde phase entre le 17 et le 19 mai 2019. Durant ces trois jours de pleine lune, se sont à nouveau rendues visibles les pratiques artistiques qui, depuis septembre 2018, ont discrètement germé à Malines sous l’impulsion de la commissaire Nataša Petrešin-Bachelez. Alors que l’agenda international de l’art contemporain s’élançait dans une course haletante au voir1, cette “Full Moon Phase” s’est attachée à façonner par l’art un espace où reprendre collectivement son souffle. Immersive et résolument décroissante, cette seconde séquence observable du projet Coltan as Cotton s’est offerte comme une plongée intimiste dans la ville des Éteigneurs de Lune et, à travers elle, dans l’histoire de l’Europe, de ses anciennes colonies et de ses successives vagues migratoires.
Make the archives of America great again
En cette rentrée 2019 se démarquent les deux expositions simultanées D’EMMANUEL VAN DER AUWERA (°1982; vit et travaille à Bruxelles) au Botanique et à la galerie Harlan Levey. Avec ses deux nouvelles vidéos conçues en diptyque, The Death of K9 Cigo et The Sky is on Fire, Van der Auwera brosse le portrait d’une Amérique trumpienne et sclérosée, s’interrogeant par le prisme de la question des armes à feu, aux métadiscours d’un évènement à travers sa digestion et sa documentation en images, de leur production à leurs usages. Une année chargée pour l’artiste, qui après ses expositions à Dallas et Art Brussels en début d’année participe aussi à l’exposition collective Open Skies au WIELS1 et finalise sa première monographie—à paraître en fin d’année.
Watch this space
Le 3 septembre prochain s’ouvrira l’exposition monographique de l’artiste Dewi Brunet (°1990, Arlon) à l’atelier-musée du verre à Trélon en France. Cette présentation publique, d’une résidence débutée il y a plu- sieurs mois, marquera l’inauguration de la dixième édition de la biennale transfrontalière d’art contemporain Watch This Space qui aura cours jusqu’au 17 janvier 2020, date de finissage de l’exposition personnelle de Laetitia Bica au Vecteur à Charleroi.
Vanitas, vanitatum, et omnia vanitas
Durant le mois de septembre, au sortir d’une résidence, Stephan Balleux investira la quasi-totalité de l’espace de monstration de LaVallée (Molenbeek-Saint-Jean) avec une exposition-manifeste dans laquelle il plante de nouvelles semences régénérant sa pra- tique. Intitulé La Poussière des météores, ce solo-show déployé sur plus de 1000 m2 se conçoit comme une vaste séquence, une expérience physique et psychique intense, un parcours méditatif sur le sens de l’existence et l’impermanence.