Accueilli dans les pages de l’art même, ce dossier confectionné par ETC propose de faire le “grand tour” des stratégies artistiques, théoriques et institutionnelles au Québec. Mission périlleuse que ce bref panorama critique reposant sur quelque cinq articles. Il faut d’ailleurs reconnaître à son titre faussement pompeux un écho lointain au fameux texte de l’historien de l’art Marcel Saint-Pierre “A Quebec Art Scenic Tour”, publié dans Opus International (Paris) en 1972 et qui, à ce jour, fait toujours figure de référence. À l’attention des lecteurs européens, ce dernier proposait une enquête sur la teneur engagée des “nouvelles” pratiques artistiques québécoises y détaillant le passage d’un “activisme culturel” à un “activisme politique”.
Numéro 59
Stratagèmes artistiques au Québec
Comment cartographier les institutions artistiques au Québec ?
Il n’est pas inusité, pour qualifier le milieu des arts visuels, de parler d’“écosystème”. Cette expression, qui s’ajoute à l’horizon sémantique existant, lequel est déjà large, signalerait l’obsolescence de la terminologie jusqu’alors employée, et renverrait au caractère naturel du monde de l’art. Pareille métaphore organiciste a de quoi surprendre, car elle laisse entendre que tous les mécanismes de régulation de ce milieu obéiraient à de prétendues lois naturelles. Par le fait même, tout exercice d’explicitation des rouages complexes qui régissent le monde des arts visuels n’aurait pas lieu d’être, comme s’il n’importait plus de garder l’oeil ouvert et de mettre à distance la croyance, conseil pourtant maintes fois prodigué par plusieurs générations d’artistes et de théoriciens.
Capteurs d’art vivant en Gépèg/ Québec
Le capteur de rêves est une figure amérindienne connue. Il retient les songes nocturnes, dissout les mauvais rêves à la lumière de l’aube pour ne garder que les bons. Sa forme est aussi significative : inspirée par la toile d’araignée, le tressage caractéristique des raquettes ou des filets de pêche, sa circularité donne à voir des lignages qui s’entrecroisent sans hiérarchie. Pour cet essai, il se fera capteur d’art vivant afin d’esquisser les dynamiques d’art actuel au Québec à partir d’un angle d’approche précis : ces pratiques foisonnantes qui profitent de l’effervescence complice des réseaux. Il mettra en relief des centres d’artistes autogérés et professionnellement bien structurés sur tout le territoire, les revues qui gravitent autour d’eux ainsi que les événements d’art qui s’y greffent. L’aisance et la rapidité avec lesquelles tout cet art vivant à la marge et dans les réseaux s’interconnecte et oxygène l’art officiel sont aussi à considérer. L’art ainsi perçu reformulerait l’identité/ altérité collective et individuelle, celle d’une Américité comme imaginaire identitaire en Gépèg/Québec.
La vie d’une oeuvre
Nombreuses sont les oeuvres liant l’art à la durée. L’expérience du temps se décline sous diverses formes selon le médium utilisé par l’artiste ou selon sa pratique artistique. La durée au coeur de certaines oeuvres en art actuel expose ainsi l’observateur, le visiteur ou le spectateur à une gamme infinie d’expériences. Certaines décrivent des situations limites, confrontant l’observateur à sa propre tolérance ou impatience face à la durée. Il est alors question d’endurance, d’épreuve. Mais il est aussi possible de faire l’épreuve du temps, de l’éprouver comme on l’entend dans l’expression “ressentir une émotion”. La durée s’associe alors à la découverte : celle d’un lieu, d’un corps, d’un état, d’une image, d’un son, d’un espace.
Le collectif d’artistes au Québec
En 2001, BGL présente l’exposition À l’abri des arbres au Musée d’art contemporain de Montréal. Les visiteurs sont amenés à circuler dans un espace s’apparentant à un entrepôt de cartons et de cadeaux de Noël, au-dessus duquel ils en viennent à découvrir une forêt bricolée. Par cette exposition, le collectif de la ville de Québec conquiert le public montréalais. À sa façon, il noue des liens entre deux villes qui trop souvent s’ignorent, mais plus encore, il mène à reconnaître un phénomène marquant dans la vieille capitale, qui se répand à l’échelle de la province. À Québec, et au Québec, nombreux sont les collectifs d’artistes qui poursuivent à présent une pratique artistique en continu. Quelles sont les principales sources de ce phénomène ? Et les principaux traits partagés par ces collectifs ? Après l’esquisse d’éléments de réponse à ces deux grandes questions, cet article dressera un bref portrait de trois collectifs québécois marquants qui sont reconnus pour leur engagement : BGL, l’ATSA et Les Fermières Obsédées.
Ailleurs, c’est meilleur
Pour une population québécoise de 8 millions d’habitants, il se publie 8 revues d’art contemporain de grand calibre1, sans compter les revues régionales et autres publications qui ne sont pas suffisamment “contemporaines” pour certains. Du groupe des 8, quatre revues sont nées au cours des années 1980. Six de ces revues portent ou défendent une discipline artistique tel un étendard. Inter : performance ; Ciel variable : photographie ; Espace Sculpture : sculpture ; HB : dessin ; Le Sabord : littérature, poésie ; et, à partir de 2014, ETC : arts médiatiques (après avoir été généraliste avec un fort penchant pour les arts médiatiques).
Il y aura peut-être une harpe…
C’est Félicia Atkinson qui nous a ramené à ce recueil de Roger Caillois, Pierres, dont nous citons la dédicace. Il y a, bien sûr, affinités : une commune disponibilité pour les latences des matières, pour ce qui est d’avant l’homme et au-delà, une attention pour l’informe et l’insignifiant. Le travail de Félicia Atkinson s’apparente à une quête méditative, à un rituel divinatoire qui cherche, dans la manipulation hasardeuse des matériaux, à libérer leurs possibles, à délivrer leur écho.
Sous un ciel variable
L’oeuvre de Raffaella Crispino est à l’image de son parcours artistique : de voyages en migrations, l’artiste explore des horizons culturels multiples qu’elle questionne par le biais de subtils décalages. Récipiendaire du prix Médiatine 2013, Raffaella Crispino présentait à l’occasion de cette exposition deux pièces dont une vidéo noir et blanc intitulée Riches Claires, ainsi que Weather Forecast, un dispositif lumineux sur lequel défilent des phrases aux accents prophétiques. Par un chassé-croisé de références à la culture savante et populaire, les deux oeuvres entament un dialogue fécond.
L’artiste en Residue
La résidence d’artistes a de beaux jours devant elle. Ce phénomène, qui n’est certes pas nouveau - de tout temps, les artistes se sont rendus à Rome - s’est développé toutefois considérablement ces vingt dernières années. Les voyages forment la jeunesse, dit-on. On trouve aujourd’hui des résidences d’artistes dans tous les coins de la planète, à tel point que certains artistes sont constamment “en résidence” quelque part, et que certains CV ressemblent à des “récitals de résidences”1. Un large pan de la création artistique actuelle est déterminé par ce statut de “l’artiste-en-résidence”. Par ailleurs, les types de résidences se sont diversifiés : il existe différents modèles, différents modes de gestion et d’organisation – et par conséquent différents impératifs imposés ou non aux artistes2. Penchons-nous sur le modèle proposé par le Wiels.
Galatée est revenue
Après Making is Thinking, exposition présentée en 2011 au Witte de With, la curatrice britannique Zoë Gray poursuit sa réflexion sur le renouvellement des pratiques sculpturales actuellement à l’oeuvre, avec Six possibilities for a Sculpture. Jusqu’au 29 juin, la Loge se fait l’écrin d’un événement faisant la part belle aux notions de processus créatif, de travail artisanal et de théâtralité de l’oeuvre, un événement où chaque proposition affirme tant la singularité et le caractère impermanent de son existence que les doutes qui habitent son créateur.
Le tourbillon de la vie
Le Musée des Beaux-Arts de Charleroi accueille jusqu’au 10 août Obsessions, exposition monographique dédiée au travail d’Alain Bornain . Dépassant le strict cadre du solo show et dialoguant volontiers avec la collection, l’artiste poursuit ses investigations sur la condition humaine, en proposant un regard qui, contournant les écueils de l’anecdote, transcende le particulier pour mieux célébrer l’existence.
Par-delà le celluloïd et le marbre
Film as Sculpture. Digne d’un essai new-yorkais du milieu des années 1960, cette formule laconique forme le titre de l’exposition thématique qui occupe le Wiels cet été. Son ambition est d’envisager “l’intérêt d’un groupe de jeunes artistes internationaux pour les caractéristiques spécifiques de la sculpture et du film” et le dialogue entre ces deux “médiums”.