Mémoire et amnésie

Être ou ne pas ne pas être

par Dimitra Panopoulos

La surenchère du recours à la mémoire peut-elle susciter le désir d’amnésie ? Ou bien n’est-ce pas plutôt l’amnésie qui renforcerait l’obsession de la mémoire ? Mais peut-être n’y a-t-il pas symétrie et ne trouve-t-on jamais que ce que l’on ne voulait pas chercher. Peut-être l’amnésie suscitée par des excès de mémoire, comme d’un puissant breuvage, ne convoque-t-elle plus la mémoire que selon des détours et des finalités qui échappent à notre première mémoire. Une mémoire est ainsi élaborée de laquelle ne se déduit plus aucun passé qui ne soit aussi bien immédiatement présent, et actuellement rejoué.

L’homme sans passé

par Pascale Risterucci

Dès le premier plan, M est montré comme personnage principal, on s’attache à son visage et à ses gestes (il fume), on accompagne son voyage en train et son arrivée en gare d’Helsinki. Mais à peine débarqué dans la capitale sa valise à la main, et le récit à peine engagé du même coup, les promesses narratives tournent court : assoupi dans un square, M est sordidement assassiné par un groupe de trois hommes. Le devenir du héros s’anéantit alors, aussitôt amorcé. Sa montre s’est arrêtée peu avant et il a dû consulter l’horloge d’un clocher, indiquant l’heure de sa mort imminente : 3h55.

L’année dernière à Marienbad

par Lucas Hariot

Introspection fictionnelle du Deux amoureux à la forme fragmentée et incertaine, histoire d’un couple, L’année dernière à Marienbad met en question la vérité d’une rencontre amoureuse. Le film est traversé par l’idée que la rencontre amoureuse est plus affaire de décision et de disjonction que de passion et de fusion. L’histoire d’amour croise, singulièrement, la question de la mémoire. Incertitude absolue, unité impossible du souvenir, part irréductible de fiction dans toute quête du passé : le rapport au passé n’est que de l’ordre du subjectif. Autrement dit, les faits du passé, ce ne sont que des histoires. Ou comment, par retour, le temps de l’Un (présent créé), ne cesse indéfiniment, irrépressiblement de s’achever à la faveur d’un second, celui du multiple (passé au présent).

À propos de Drancy Avenir

par Élisabeth Boyer

Drancy Avenir —le titre d’emblée tord le cou à la mémoire, car il emprunte le nom de la station de tramway, composé avec le mot « avenir », quand le nom de « Drancy » a la charge d’un terrible passé. Drancy est une commune de la banlieue est de Paris où l’une des premières cités HLM construite en France, la Cité de la Muette, fut utilisée, de 1941 à 1944, comme camp d’internement et de «transit » –sous l’autorité de l’administration française–, pour des dizaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants juifs, en attente d’être déportés vers le camp d’extermination d’Auschwitz. Le film excentre, désacralise le nom d’Auschwitz , en décidant de considérer la destruction des juifs d’Europe à partir de la France pétainiste.

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