Numéro 33

Le retour du balancier

par Guy Durand

Jusqu'à tout récemment les tenants de la droite campaient dans le clan réactionnaire. Leurs discours, lorsqu'ils existaient, s'alignaient sur la défensive. C'est que le monopole de procès, de la critique ou des revendications revenait de paroles et d'écritures aux gens en opposition, à gauche sur le pôle des idéologies politiques. Or en 1986 une suite de faits signalent un revirement stratégique. Voilà que «la droite" parle, écrit et ce faisant, entend quitter la ré-action pour l'action dans les domaines des normes sociales et culturelles. L'exercice du pouvoir financier ne suffit plus, il faut «unidimension-naliser» les manières de vivre et de penser. Un néo-expressionnisme culturel de droite inspire certains éléments troublants. En voici quelques uns..

Dossier théâtre

par Main-Martin Richard · visuels: Martin Paquin

Le propre des festivals est de situer les sensibilités nouvelles, de discourir sur les esthétiques, de tenter une définition ponctuelle de la réalité. En ce sens, le festival est une critique polymorphe et synchronique (voir INTER 29, Le principe bafoué) du réel. C'est dire qu'il n'y a d'autres constantes que les perceptions de l'audience, du public, avec ce que cela supporse de bagage mnémonique enregistré au cours des deux dernières années (la Quinzaine est bisannuelle). La vigueur et le spécifique d'un festival reposent donc sur la juxtaposition de la programmation et des goûts actuels du public; seule condition, semble-t-il, de se situer, de se spatialiser. Mais: festival = (hélas!) trop souvent + ou - foire aux esthétiques, les puces quoi! L'autre écueuil, c'est la critique (populaire? mais non!). Le backlash au post-modernisme (lire théâtre expérimental) est violent. Madame Bibi Andersson, présidente du jury en donnait le ton: il n'y a de théâtre que de bon théâtre à texte, dramatique, réaliste (sic!), avec des comédiens qui font les choses dans la tradition. Bref, il n'y a de théâtre que d'antique!! Cohérence exige, ce même jury décernait le grand prix de la Quinzaine à Ingmar Bergman et au Royal Dramatic Theatre-Dramaten de Suède pour un revival de Mademoiselle Julie de A. Stringberg, faut le faire, mais je + ou - !!

Dossier Cogolin

par Maria Pineau · visuels: Luyssen, Beauzee

La naissance d'un festival comme celui de COGOLIN, en FRANCE, est né du désir de rassembler tout ce qui est hors de la norme d'actualité poétique. J'entends par là tout ce qui n'est pas classique, c'est-à-dire toute la poésie en devenir, celle qui sera demain, celle qui aura survécu aux chocs des médias et aux goûts du jour - comme la poésie des années 20/30 a survécu à une époque où elle était asociale et révolutionnaire. En ce pays, la poésie actuelle n'existe que par sa marginalité, même si elle est éditée (à compte d'auteurs ou par de petites maisons d'Éditions régionales) et si elle a une audience (littéraire traditionnelle restreinte), elle demeure dans le champ clos des lecteurs avertis. D'où la nécessité de faire connaître la poésie contemporaine sous toutes ses formes: forme verbale, textuelle, musicale, plastique, gestuelle et « spectaculaire ». Le lieu, provençal, où vont s'agglutiner les vacanciers sevrés de soleil et de ciel bleu aurait pu se prêter à une audience moins avertie, plus généreuse. Et nous retrouvons là un public très sélectionné, élitiste puisque composé essentiellement d'invités festivaliers et leurs proches!

Le Centro Internazionale Multimédia

par Sergio Lagulli

Le Centro Internazionale Multimedia est né au début des années 80, après «Percorsi», une revue qui aura été un point de référence très important pour toute une fraction de la jeunesse culturelle italienne, tant sur le plan de la poésie et des nouvelles pratiques artistiques, visuelles que sur le plan idéologique. «PERCORSI » représentait pour nous le courage de ne pas reculer, la possibilité de continuera exprimer un dissentiment, un moment de rencontre qui pour nous était unique. En réalité, le Centro Internazionale Multimedia représente pour plusieurs d'entre nous une sorte de continuation de cette expérience-là. Sur le numéro 5/6 de la revue PERCORSI on pouvait lire: «...Nous sommes à un moment décisif, inévitable, le moment des choix idéologiques, radicaux, nets. L'artiste doit réussir, aujourd'hui plus que jamais, à trouver sa place propre à l'Intérieur du mouvement d'émancipation sociale, à combler le vide qui l'éloigné des forces sociales les plus engagées dans la recherche de la transformation de la réalité. Nous avons besoin d'un art qui ne soit pas production d'objets de salon ou de marchandises de consommation mais de pratiques artistiques qui posent comme objectif la transformation des relations sociales; un art qui enfonce ses recherches dans les possibilités subversives, qui poursuit systématiquement l'utopie, le rêve de transformation en fuyant la métaphysique, le plaisir de l'art, le consommable, la récupération, l'aplatissement, l'indifférence, la complaisance, l'art pour l'art, la référence au principe d'autorité, le "transformisme», le mensonge, les réconciliations, les adaptations».

Dossier Italie: une excursion, des orientements, des réalités, un positionnement.

par Richard Martel · visuels: Enrico Salzano, Giuseppe de Marco, Emilio Morandi

L'Italie est un pays compliqué à cerner, il n'y a pas nécessairement de direction pour saisir l'activité artistique et poétique; les démarches sont multiples et diversifiées à la fois. En plus, il y a le nord et le sud; des différences dans le climat, la langue, les mentalités. Cependant, devant la télévision, au Mondial par exemple, tous les Italiens sont italiens, et ce, du nord au sud. L'Italie du sud, avec son soleil et son vent chaud venu d'Afrique, demeure fascinante et chaleureuse, d'abord au niveau des rapports humains. Mais l'Italie, pour moi qui y ai séjourné deux mois, avril et mai '86, c'est avant tout Salerno, mon premier contact avec la réalité italienne. En fait, c'est suite à l'invitation de Sergio Langulli, qui dirige le Centro Internazionale Multimédia et la revue Natura / Cultura, que je me suis rendu là-bas pour réaliser une «excursion artistique». Ma connaissance de la réalité italienne passe donc par les réseaux et la solidarité des artistes, poètes et intellectuels qui sont actifs dans la production actuelle. Salerno est une ville relativement importante logée sur la Méditerranée. Cette ancienne colonie romaine qui a connu le débarquement des Alliés en 1943 n'est qu'à une heure de Napoli, la ville la plus importante du Sud de l'Italie. C'est ce qui donne à Salerno son caractère de ville provinciale, par rapport à Napoli justement. Le Centro résiste à l'attraction métropolitaine et réalise à Salerno des «opérations artistiques» comme on dit là-bas.

Elektronpoiesis: vidéopoésie, poésie du vidéo, poésie en vidéo. Frosinone (Italie) - Mai/Juin 1986

par J.R. Lowell

Le développement des arts dans les cours des siècles a toujours étalé des liaisons bien solides avec la marche de l'évolution scientifique et, souvent, la science a compté sur les intuitions artistiques pour régler ses propres méthodologies de recherche. En effet ces deux branches du savoir jettent leurs fondements sur la génialité, sur la créativité libre et inconditionnée. ntérêt à l'étude du rapport (et des conséquentes mutuelles influences) entre ces sphères de connaissance organise le noyau principal de quelques-unes des plus importantes manifestations culturelles européennes de ces jours. On peut citer, par exemple, L'«imaginaire scientifique» au Musée de la Science et de la Technique de «La Vlliette» à Paris et la XLII Exposition Internationale d'Art de la «Biennale» de Venise, qui cette année est précisément consacrée à ce thème. L'Administration de la Province de Frosinone (Ville du Latium méridionale, chef-lieu d'un territoire qui comprend à peu près cent muni-cipes), sensible aux nouveaux orientements culturels, n'a pas voulu manquer l'occasion de s'insérer dans le débat, en relevant l'actuelle relation qui passe entre la poésie et le monde de l'électronique et, par conséquent, entre les formes littéraires et le vidéo. Elle a, en effet, encouragé le festival «Elektronpoiesis», projeté et organisé par Giovanni Fontana avec la collaboration d'Al-fonso Cardamone, qui a été présenté au Palais de la Province dans les mois de mai et de juin.

3 Vitre, publications de “polypoésie”

par Enzo Minarelli · visuels: Jochen Schmidt

Tout comme j'ai édité le long jeu «Vooxing Poooêtre» (1982), un document sur la poésie sonore illustrant ses diverses sources internationales, la série 3 VITRE continue dans la même veine en insistant de plus en plus sur le côté sonore. Ce qui veut dire que 3 VITRE, est «résonnamment» «résonnant» et souligne cet aspect essentiel, à savoir, le point de départ voulu vers ce que j'ai nommé en théorie, la «polypoésie». La «polypoésie» englobe toutes les expérimentations qui sont au départ des recherches «phonétiques-sonores » et qui absorbent ensuite les codes expressifs d'autres média comme la danse, le mime, l'image, le vidéo, la lumière. C'est pourquoi la «polypoésie» n'existe vraiment qu'en direct lors de spectacles et mes disques sont en réalité la trame sonore de la «polypoésie». première pièce, réalisée en avril 83 fut dédicacée à Henri Chopin et Arrigo Lora Totino, deux auteurs de tout premier ordre qui diffusent la poésie sonore depuis 1950. Les deux représentent des voies de recherche actuelles: le premier abandonne le phonème signifiant, choisissant plutôt la continuité rythmique-électronique du bruit, alors que le second explore les schémas syntaxiques en laissant opérer des formes stables du langage en y ajustant les tonalités et les accents. La deuxième pièce, réalisée en août 83, inclut la participation de Giovanni Fontana qui collaborait avec mes éditions, ainsi qu'un de mes poèmes. J'ai appelé cette présentation «Au delà de l'harmonie, au delà de ia mélodie» car je voulais prouver que le son doit commencer à tirer son importance de ce qu'il est en lui-même et qu'il doit être perçu comme une cellule individuelle autonome et possédant sa propre valeur sans être à priori lié et raccordé à des structures préétablies.

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