Fait sa force monstrueuse — n'a qu'un désir: survivre, se perpétuer, dévorer tout ce qui passe à sa portée. Les juges, psychiatres, pédagogues, spécialistes des sciences sociales, sont ses tentacules et ses ventouses, ses griffes et ses crocs, son bec et son venin.» «Je pense qu'un artiste travaille avant tout pour savoir ce qu'il peut faire, jusqu'où il peut aller — dans la conquête d'une révélation qui ne se livre qu'au compte-gouttes, fragment par fragment. L'oeuvre désirée, ultime, n'arrive jamais.» «La question qui se pose à ce niveau est de comprendre comment l'institution est produite, se reproduit et produit des rapports sociaux, comment des forces sociales se matérialisent dans des formes qui les perpétuent, comment des forces hâtivement considérées comme perverses nient les mouvements sociaux libérateurs en les institutionnalisant...» «Comme /'«officier» de la noblesse de robe dans l'Ancien Régime Français, l'intellectuel n'a pas de base économique en dehors de l'État.»2
Intervention N°13
Après l’obsolescence du sens
Les institutions et le marché de l’art au Québec
L'art plastique contemporain, à moins d'être décoration sur un édifice public, n'est pas un médium de masse (mass-média). Il a besoin du musée et de la galerie d'art pour communiquer. Il n'est pas possible à un peintre de communiquer son message à 10 000 personnes en même temps, comme peut le faire Gilles Vignault lorsqu'on entend une de ses chansons à la radio. Le peintre et le sculpteur n'ont pas de rapports immédiats avec un grand public qui leur manifesterait son enchantement ou les appuierait dans un geste collectif de reconnaissance. Non, le rapport du peintre au public est médiatisé. Il doit passer par l'intermédiaire de différentes institutions, qui elles, disent au public, ceci est bon, ceci l'est moins étant donné l'importance accordée etc.... Le peintre avant de pouvoir être consacré — c'est-à-dire reconnu socialement comme valeur artistique nationale — est soumis à l'appréciation de spécialistes. C'est la rançon du divorce entre l'art et le public. Je ne suis pour le moment ni pour ni contre. Mon sujet est autre.
Objet: L’affaire Largillierre
J'étais aux portes du Musée des Beaux-Arts de Montréal, jeudi soir le 17 septembre '81. Parmi une centaine de contestataires, dont Armand Vaillancourt, j'ai assisté à ce qu'on appelle un clivage entre classes sociales et par le fait même au quatrième épisode, depuis dix ans, de l'inconséquence des institutions culturelles au Québec. Ceux et celles qui entraient au Musée pour le vernissage de l'exposition Largillierre, portraitiste obscur de l'aristocratie et de la haute bourgeoisie du dix-huitième siècle, semblaient appartenir à un autre monde: celui du pouvoir bourgeois et financier, celui de l'establishment anglo-saxon, celui des élites savantes — comme ces historiens traditionnels de l'art (sic) se délectant de subtilités telles que les perruques portées par les illustres de l'époque et peintes par Largillierre — celui de l'élite politique libérale en la personne du député Claude Forget, celui enfin de tous ceux et celles pour qui les 1.2 (un point deux) million de dollars investis dans cette exposition n'apportent pas, semble-t-il, de rides aux front
L’art de faire des Affaires culturelles
Le Ministère des Affaires culturelles du Québec a vingt ans. Mais il a peut-être connu son véritable coup d'envoi en 1975, sorti du banc de l'accusé du Tribunal de la culture. De fait, le gouvernement du Parti Québécois s'est chargé de mieux faire connaître l'apport non négligeable de cette institution d'État dans trois documents largement diffusés: le Livre blanc sur le Développement culturel (1978), les nouvelles Perspectives des Musées et de Muséologie au Québec (1979) et la Juste part des créateurs (1980). Pour celui qui, comme moi, poursuit la critique radicale des institutions, voilà une'manne sans doute inespérée. Mais voilà que trois faits récents m'amènent cette fois-ci à un article présentant le bon côté de la médaille des «Affaires culturelles», plus précisément des programmes de la Direction des arts de l'environnement.
La critique fonction déviante entre la nature et la culture
Le champ opérationnel de la recherche critique s'est considérablement déplacé au cours du XXe siècle. Mon discours serait privé de sens si Marcel Duchamp, passant à travers le miroir du réel, ne nous avait dévoilé d'un seul coup entre 1913 (la Roue de Bicyclette) et 1914 (le Porte-Bouteille) l'autre face de l'art. Le ready-made incarne à la fois un code et une philosophie générale de la vision. C'est en ce sens qu'il constitue l'événement capital de l'art du XXe siècle, la clé de son double ou de son «autre». Des objets industriels de série deviennent des sculptures, par le seul choix de l'artiste. Le geste au départ n'engage que Marcel Duchamp, mais en dehors ou en dépit, même, de son auteur — il sera lourd de conséquences. Il faudra attendre plus de 40 ans pour en mesurer l'ampleur: c'est le regardeur qui fait l'art et cet art bascule d'un seul coup de l'esthétique dans l'éthique. Nous passons de l'esthétique généralisée à l'éthique généralisée. Le regard qui fait l'art en assume ipso facto la dimension critique. La moralité de ce regard réside dans la proportion poétique/critique qu'il assume par rapport à la nature moderne. Voilà que se dévoile l'autre face de l'art, indissolublement identifié à sa position critique. L'art est un problème moral lié à la conscience critique de celui qui l'assume en tant que tel. La mise en situation critique généralisée de l'art, telle est la conséquence qu'entraîne le baptême artistique de l'objet, sur lequel se fonde l'humanisme technologique contemporain et à travers lui l'entière aventure de l'objet, la découverte de son autonomie expressive, son intégration syntaxique dans les divers langages de la quantité, sa contestation anthropologique et sa progressive dématérialisation (paupérisation/arte povera; minimalisation, conceptualisation).
Intolérance américaine
Même type que ceux que fignole le héros Indiana Jones, dans le plus grand succès cinématographique de l'année, Raiders of the Lost Ark du prestigieux tandem Spielberg/Lucas. La séquence de Raiders qui fascine le plus le public est. étrangement, la plus raciste de tout le film: Indiana Jones (interprété par Harrison Ford, le Han Solo de Star Wars) se sent menacé par un malabar arabe qui roule des yeux fous, en faisant tournoyer d'une main experte son sabre de bédoin. Au lieu d'affronter son adversaire selon les règles sacro-saintes du duel cinématographique, le justicier Jones sort nonchalamment son pistolet et le flingue à distance comme un chien sale. Et la foule jubile. «Ce qui est désormais à prévoir, écrit Dominique Noguez, ce n'est pas que le cinéma reflète enfin la réalité, c'est que la réalité se mette de plus en plus à ressembler au cinéma». Le comportement écranique de l'ancien acteur devenu Président vient peut-être concrétiser l'intuition de l'écrivain et critique français. Rony Reagan, pendant les trente ans de sa vie de comédien à Hollywood, a joué dans cinquante-six films. Or. à son grand désespoir, jamais il n'a réussi à décrocher le premier rôle. En accédant à la présidence suprême, il semble que le vieux comédien arriviste ait enfin eu sa chance de voler la vedette aux acteurs — justiciers célèbres qu'il a enviés toute sa vie, notamment Jimmy Stuart et John Wayne. Il serait intéressant d'étudier ce phénomène de l'image qui alimente de plus en plus notre réel. Cependant, ce que je voudrais pointer, dans ce bref article, c'est un autre phénomène qui, d'ailleurs, n'est pas sans rapport avec l'impact de l'image sur la réalité
Lard et satiété
Les funambules, créatures bigarrées, indescriptibles, ressemblent vaguement à de petites bouteilles de bière au goulot cassé qui cependant vivent, se marient, attrapent l'herpès. Je sais que même s'ils semblent réfractaires aux débats idéologiques, ils apportent un soutien important aux brigades roses ou aux autres contestataires de l'autorité des militaires. En effet, ils leur ont appris les règles de leur fabuleux langage: LE SIFFLE, ils peuvent donc communiquer entre eux sur des distances de 15 kilomètres/fossiles. Imaginez l'utilité de ce moyen de communication en forêt pour la guérilla. Leur vocabulaire est peu étendu, toute sa complexité réside dans la durée de l'attaque et dans la modulation des sons. La technique du coup de langue est très difficile même si elle ressemble un peu à celle du saxophone. Ceux qui empruntent cette manière de signifier peuvent semer les espions qui connaissent le stratagème en utilisant des «phrases surréalistes» qui ont pourtant un sens après décodage. Ce sont souvent des phrases à réalités militaires multiples. Pour rendre possible l'articulation de ces phrases, il est nécessaire de perforer la gorge de celui qui transmet le message (émetteur) à l'aide d'un petit cylindre de plastique. L'extrémité pointue de celui-ci est mise en place par une pince qui sert aussi à ouvrir ou à fermer le collet/base du cylindre selon le degré de stridence voulu
Pain blanc
Entre l'hiver et l'été, c'est-à-dire en pleine pluie. La petite salle est presque vide. Ça s'entend. La scène annonce mal. Ouverte et pleine de sacs à ordures disposés triangulairement par paquets de trois. Pas de rideaux. Pas de trois coups. Encore un truc moderne qui refuse à inviter au rêve, à l'imaginaire. Bon, en attendant que la représentation commence, je lis Petit organon pour le théâtre de Bertolt Brecht, au cas où...