Art & alimentation - Le monde ingéré

ÉDITO

par Stéphanie Sagot

L’aliment engage une relation intime avec l’individu car il est incorporé. Comme l’expliquent l’anthropologue Claude Fischler et le sociologue Jean-Pierre Poulain, l’aliment « devient le mangeur lui-même, participant physiquement et symboliquement au maintien de son intégrité et à la construction de son identité ». L’aliment est aussi au centre des questions de production comme le montrent les débats sur l’agriculture qui renvoient à des questions fondamentales sur la place de l’homme et sur le lien qu’il entretient avec la nature qu’il modèle. Ainsi, le statut et les représentations de l’alimentation participent à la construction à la fois individuelle et collective de la société. (..)

Conflict Kitchen

par Gabrielle De La Selle

Conflict Kitchen is a restaurant that only serves cuisine from countries with which the United States is in conflict. Comme un slogan, cette phrase résume et scande le message de Conflict Kitchen, un restaurant qui a ouvert ses portes en 2010 à Pittsburgh, Etats-Unis. Fondé par les artistes Jon Rubin et Dawn Weleski, le lieu fonctionne de façon cyclique : le restaurant se focalise tous les six mois sur un nouvel état relégué au rang des exclus diplomatiques, figurant notamment sur « l’axe du mal » 1. Ainsi, depuis l’ouverture, des menus d’Afghanistan, de Corée du Nord, de Cuba, d’Iran et du Venezuela on été servis, pour arriver aujourd’hui à la Palestine. Préparant en amont leur cycle, Jon Rubin et Dawn Weleski voyagent dans le pays concerné afin de recueillir des informations, prendre des recettes, rencontrer des personnes venant de différents milieux pour enregistrer leurs témoignages. Pour chaque thème, une nouvelle façade est créée par un designer, ainsi qu’un menu proposant différentes spécialités. Conflict Kitchen organise également en parallèle des événements (performances, conférences,…), des rencontres et des discussions, publie des ouvrages....

La nourriture à l’épreuve de l’art

par Clothilde Morette

Début des années 30, la pasta italienne se retrouve au coeur de débats enflammés. Pour ou contre ? Oui mais pour ou contre quoi ? La présence de gluten dans les pâtes ? De la sauce tomate ? ...

De l’introuvable Arcadie des poulets en batterie à propos d’une oeuvre de Suzanne Husky

par Jérôme Dupont

Suite à une panne d’électricité, un éleveur breton perd environ 25 000 poulets. Ces poulets alimentés en céréales et en eau par des programmes précis ont lentement agonisé ensemble à cause de l’absurdité du système dans lequel ils vivaient. Les morts que nous choisissons d’honorer nous définissent en tant que culture. (…) Ce requiem est un cénotaphe impalpable qui n’a nulle part ailleurs sa place dans le monde dans lequel nous vivons.

Une soupe en automne

par Delphine Suchecki

Des contrôleurs de la SNCF, des familles, des habitants de Tarn et Garonne… depuis dix ans Robert Milin réalise des portraits vidéo de « Mortels ordinaires filmés dans la vie pendant leurs occupations habituelles. » pour reprendre les mots de Dziga Vertov. Cependant, Milin s’éloigne parfois des « instructions » du réalisateur. Là où Vertov dit : « À bas la mise en scène de la vie quotidienne ; filmez-nous à l’improviste tels que nous sommes. » Milin, lui, revendique une légère mise en scène et propose de parler de « portraits assistés ».

La cellule (Becquemin&Sagot) ou la transgression du pop

par Mickaël Roy

Depuis 2004, le duo d’artistes La cellule (Becquemin&Sagot) composé d’Emmanuelle Becquemin et de Stéphanie Sagot, développe un corpus de formes pensées dans une veine contextuelle dont les sujets sont extraits du tissu social et culturel regardé dans sa dimension populaire et vernaculaire. Traversé par un intérêt porté aux structures de pouvoir sous-jacent que l’individu entretient à l’égard de cet environnement, et inversement, ainsi qu’aux images que ces relations véhiculent dans le champ des représentations individuelles et collectives, ce travail est concerné à bien des égards par des problématiques de construction de genre et de domination culturelle qui traversent l’espace domestique de l’habitat et de ses organisations humaines. En dépassant parfois la dimension territoriale souvent attachée à la notion de contexte, pour s’ouvrir à des questions qui trament des rapports de force qui sont à l’oeuvre en société, La cellule (Becquemin&Sagot) conçoit des projets qui peuvent autant entretenir une relation in situ à ces contextes de référence, que conquérir une existence ex situ à leur égard, afin somme toute d’en traduire et d’en révéler les mécanismes d’accroches au réel et les projections symboliques dont elles résultent et qu’elles produisent.