Littérature arménienne

Un peuple qui ne veut pas mourir

par Jacques Madaule

Il n'y a pas beaucoup de peuples au inonde qui aient une histoire aussi ancienne et aussi fertile en péripéties que les Arméniens. C'est à la fin du VIIe siècle avant notre ère que nous les rencontrons pour la première fois sur les ruines de Vempire assyrien, qui succombait alors à la double offensive des Mèdes et des Babyloniens. Il y avait eu auparavant, là où se trouve l'Arménie actuelle, un royaume d'Ourartou, qui avait été conquis par les Assyriens. La chute de l'empire de Ninive provoqua un vide dans les montagnes arméniennes et c'est alors que le pays fut occupé par des hommes originaires de Phrygie, qui parlaient une langue indo-européenne, et de qui descendent, en grande partie tout au moins, les Arméniens actuels.

Anatole France et l’Arménie

par Lucien Psichari

Les grandes puissances européennes, réunies à Berlin après la guerre russo-turque, sanctionnèrent le partage des Arméniens sous la domination de la Russie, de la Perse et de la Turquie, mais elles jugèrent nécessaire de protéger les trois millions de ressortissants qui se trouvaient dans la dépendance du sultan. L'article 61 du traité de Berlin, signé le 13 juillet 1878, disposait en effet : La Sublime Porte s'engage à mettre à exécution, sans autre délai, les améliorations et les réformes nécessitées par les besoins locaux dans les provinces habitées par les Arméniens et à garantir leur sécurité contre les Circassiens et les Kurdes. Elle fera périodiquement connaître les mesures prises à cet effet aux puissances qui veilleront à leur application.

Arménie de France

par Pierre Paraf

L'Arménie est entrée dans les coeurs français par la grande porte de la légende, de la persécution, de la gloire. Un mont neigeux d'où s'envole une colombe, porteuse de la paix, annonciatrice de la résurrection de la vie sur le monde dévasté... Une nation obstinée qui résiste à l'empire de Byzance, aux touraniens et ne cède après l'anéantissement de sa capitale en 1064 que pour reconstituer en Cilicie une patrie nouvelle : la petite Arménie qui, du onzième au quatorzième siècle nouera des liens étroits avec la France et introduira dans sa dynastie, Guy de Lusignan, le fils du roi de Chypre, un prince français. Voilà quelques souvenirs lointains qu'évoque en nous le nom de l'Arménie.

Séjour à Erivan

par Suzanne Roubakine

Deux Françaises qui traversent le Caucase pour se rendre aux confins de la Turquie, en Arménie soviétique, ne passent pas inaperçues lorsqu'elles sont en voiture. Dès notre arrivée, sur la grande place d'Erivan, des curieux sympathiques font cercle autour de nous. — Bonjour la France! Ne seriez-vous pas de Lyon ou de Marseille ? — Parlez-nous de la France, disent certains, nous ne l'avons pas oubliée ; nous l'aimons toujours. — N'est-ce pas qu'elle est belle notre ville, notre Erivan ? Tous voudraient entendre notre réponse, serrer des mains amies. Ceux qui ont fait partie du grand mouvement de rapatriement, en 1947, sont particulièrement émus. Parmi cette foule de plus en plus compacte, il y a quelques Parisiens. « Parlez-nous de la Porte St-Denis, j'habitais tout près. »

La langue arménienne et son histoire

par A.S. Garibian

La linguistique historico-comparative a prouvé que la langue arménienne est située dans une position intermédiaire entre les branches orientales et occidentales des langues indoeuropéennes (travaux de Hübschmann à partir de 1875). La grande majorité des mots formant le fond lexical essentiel de l'arménien est d'origine indo-européenne. Dans le fond lexique essentiel figurent les noms de nombres de 1 à 10, tous les pronoms : yes (je), du (tu), na (il), ov (qui), ine (quoi), e t c . . les termes de parenté de la famille patriarcale où le mari jouait un rôle prédominant, par exemple : hayr (père), mayr (mère), vordi (fils), elbayr (frère), khoyr (soeur), skesur (mère du mari), taygr (frère du mari), e t c . . ; les noms des organes et des parties du corps : ackh (oeil), beran (bouche), sirt (coeur), jern (main), otn (pied), e t c . . ; les termes désignant les phénomènes de la nature que l'homme percevait dans les périodes très anciennes de la vie sociale, tels que : arev (soleil), lusin (lune), asti (étoile), get (fleuve), amp (nuage), j'iwn (neige), meyg (brume), kargut (grêle), e t c . . En tout 900 racines. Les racines indo-européennes forment la plus ancienne couche du fond lexical de l'arménien, c'est-à-dire la couche arménienne même, autour de laquelle se sont groupées des milliers de racines.

Avétik Issahakian

par Pierre Gamarra

Avétik Issahakian (1875-1957) né à Alexandropol étudia en Allemagne et vécut longtemps à l'étranger, notamment en France. Il rentra en Union Soviétique en 1928. Son grand poème Abou-Lala Mahari parut en 1909 (Il a été traduit en 1952 à Paris par Jean Minassian). Il publia son Mguer de Sassoun en 1919. Il participa au Congrès des Écrivains de 1934, reçut l'ordre de Lénine en 1945 pour ses soixante-dix ans. L'année suivante furent couronnés ses poèmes : A ma patrie, Le fouet guerrier, Mon coeur à la cime des montagnes, Notre Combat. II fut délégué au IIe Congrès des Écrivains de 1954. Sa poésie à la fois très sensible et très vigoureuse s'est exprimée sous des formes très diverses mais on a pu dire d'elle qu'elle demeure constamment «le miroir sincère du génie national ». Il a écrit également des fables, des récits inspirés par le vieux fonds des anciens conteurs, des souvenirs ainsi qu'un roman Ousta-Goro évoquant les moeurs populaires. C'est un des plus grands et justement célèbres poètes contemporains.

Siamanto

par Jacques Gaucheron

Siamanto (1878-1915) a évoqué les massacres du peuple arménien. Les nuits de souffrances et de ruine, les images horribles des tortures et des boucheries ont empli sa poésie d'une douleur et d'une amertume profondes. Dans son premier recueil Héroïquement (1902), et dans la série Les fils des Arméniens, Siamanto chante les héros populaires dressés contre la barbarie. Ses recueils Flambeaux d'agonie et d'espoir et Nouvelles rouges de mon ami peuvent être considérés comme l'évocation poétique des massacres massifs des Arméniens durant les années 1895-96 et l'année 1909. Comme bien d'autres intellectuels arméniens, Siamanto fut arrêté et assassiné par les Turcs au fond de l'Anatolie. Ses recueils La mère des crimes, Rayons, Temples de pensées et de vie restèrent inachevés.

Vahan Tékéyan

par Vahan Tékéyan

Vahan Tékéyan (1878-1945) est de la génération de Siamanto. Sa poésie est consacrée à l'Arménien, persécuté, exilé, rêvant de sa patrie libérée. Il échappa par miracle aux massacres de 1915 où devait périr Siamanto, Varoujan et tant d'autres. Il publia alors Merveilleuse Résurrection et fut considéré comme l'un des plus grands poètes du temps. Il a écrit également des romans, des nouvelles, des oeuvres théâtrales, des satires. Il a traduit Ronsard, Hugo, Baudelaire, Verlaine, Albert Samain, Henri de Régnier.

Vahan Térian

par Pierre Loriol

Vahan Térian (1885-1920) chanta d'abord la tristesse, le désespoir, la mélancolie, le rêve nostalgique. Sa poésie s'affirma plus tard avec une force généreuse sans perdre cependant de ses qualités de délicatesse et de beauté. Térian eut de nombreux disciples. Son recueil Rêves crépusculaires (1908) introduisit un ton nouveau dans notre littérature. Le poète connaissait parfaitement la poésie symboliste française. Il traduisit notamment Verlaine, Baudelaire, Oscar Wilde, Verhaeren. Avec ses Chants d'Octobre, il s'affirma comme un des meilleurs poètes de l'Arménie soviétique.

Eghiché Tcharentz

par Jacques Gaucheron

Eghiché Tcharentz (1897-1937) naquit en Perse et vint très jeune à Moscou. Il y assista aux journées de 1905. Il avait 20 ans en octobre 1917. Il publie en 1914 son premier poème Légende dantesque influencé par la poésie symboliste et en 1918 son poème Les foules sont devenues folles qui deviendra vite célèbre et où s'affirme un talent original, d'une libre vigueur. De 1920 à 1923 il écrit son roman Le pays de Naïri (Naïri est l'ancien nom de l'Arménie) où il fustige les contre-révolutionnaires dachnaks. En 1923, il lance avec Azat Vichtouni et Guenork Abor la Déclaration des Trois où ils appellent les poètes a aller aux masses. Peu après sous l'égide de la revue Mourdj (Marteau) fondée par Vichtouni naît l'Association des Écrivains prolétariens, de très nombreux jeunes et débutants ; tandis que l'Association des Écrivains travailleurs groupe un petit nombre d'écrivains plus âgés. Cette situation durera jusqu'à la dissolution du R.A.P.P. (groupant les écrivains prolétariens) en 1932, suivie on le sait par le Premier Congrès de 1934 et la fondation de l'Union des Écrivains Soviétiques que présidera Gorki.

Naïri Zarian

par Pierre Gamarra

Naïri Zarian, poète, auteur dramatique et romancier est né en 1900. Son premier recueil de vers parut en 1926. Il publia ensuite divers ensembles de poèmes notamment en 1932, Coups, en 1936, le poème La Roche de Rouchan, en 1937, le roman Atzavan. Le critique Kirpotine a écrit de Zarian : S'il se souvient du passé, ce n'est ni pour la tristesse et le deuil, ni pour le romantiser mais au nom de la création d'une vie nouvelle. Il introduit avec audace dans son lexique poétique des mots nouveaux, des termes spécifiques de la production. Dans la rumeur du temps, il écoule battre le pouls de la technique nouvelle. Pourtant, chez Naïri Zarian nulle part il n'y a d'admiration pour la technique pure et simple. Une telle admiration et l'oubli de l'homme, c'est le propre des littératures impérialistes d'aujourd'hui. Naïri Zarian n'oublie jamais l'homme et chante la technique du socialisme parce que sa croissance signifie celle des forces de production de la société soviétique tournées vers le bien de l'homme. (Cité par Aragon dans Littératures soviétiques — Gallimard.)

Le brave bourreau

par A. Yéghiaian

C'était le 18 juin, un dimanche matin. A l'aube on devait pendre un homme sur la place de Fraskour. Depuis quelques jours déjà, les fellahs qui retournaient à Ezbé, à la tombée de la nuit après leur travail aux champs parlaient de cet événement, accroupis par petits groupes sous les murs de la mosquée.

Tcharguiah

par Dérénik Démirdjian

Dérénik Démirdjian (1877-1956). Un des maîtres de la littérature arménienne soviétique. Contemporain cadet des grands réalistes Chirvanzadé et Toumanian. Après de premiers vers où il chantait la solitude et la désespérance, il écrivit des récits, Le Surplus, Le Prêtre. L'Estomac. Le sourire ainsi que des drames Vassak, Jugement, Hovnan Metsadoun. Ses nouvelles et ses contes de l'époque soviétique sont consacrés à l'homme nouveau, Les Camarades, Mergué, Niguiar. Démirdjian écrit alors plus de 10 pièces, dont Napoléon Korkotian, une comédie Nazar le brave et un drame historique Le Pays des Aïeux. Durant les années de la Grande Guerre Nationale, Démirdjian a exprimé de manière originale la grandeur de la lutte du peuple soviétique. C'est alors qu'il écrit l'un des chefs-d'oeuvre de la littérature arménienne le roman historique Vardanank dont le sujet est tiré de l'histoire arménienne du Ve siècle. Dans les dernières années de sa vie, il travaillait à Mesrop Machtotz, un nouveau roman historique qui demeura inachevé.

Le soleil

par Movsês Arazi

Movsês Arazi est né en 1878. Une oeuvre de prose poétique Le Soleil le fit connaître et apprécier.Dans La maison inachevée, Le Dernier rêve. Le Baiser Rouge, Fleurs sanglantes, Le conte, La Dernière Feuille, Movsès Arazi utilisa l'allégorie pour exprimer des idées révolutionnaires. Après 1917, Arazi poursuivit son oeuvre de conteur avec Mon camarade Moukoutch et Mille têtes. Un premier recueil de contes parut en 1923. Citons encore ses nouvelles Au clair de la lune et Dans les reflets du torrent (1933), ses romans L'horizon en feu (1940) partiellement autobiographique, Germes Victorieux (1950), ainsi qu'un roman historique : Israel Ori (1959).

La bénédiction des foyers

par Stephan Zorian

Stephan Zorian est né en 1890. Son premier recueil de récits parut en 1919: Des Hommes Tristes. Il y montrait de grandes qualités de sensibilité, de finesse ironique. Dans des récits postérieurs Guerre, Le verger de pommiers, Plus fort que la mort, Heures difficiles, Zorian élargit davantage son horizon d'écrivain réaliste. Il décrit la guerre civile et l'établissement du régime soviétique en Arménie dans Le Président du comité révolutionnaire (1923) et La Fille de la Bibliothèque. Dans La Commune de Vardatzor et Ville Blanche il peint la vie nouvelle à la ville et à la campagne. Au cours de la Grande Guerre Patriotique Zorian écrivit une suite de récits : Des Ames Pures. Il publie après 1944 son roman historique Le Roi Pap qui avec Vardanank de Démirdjian fonde le roman historique en Arménie soviétique. Autres oeuvres : Le livre des Souvenirs (1959) ; La famille Amiriant roman (1959) ; La Forteresse des Arméniens, roman historique (1960).

Le balai usé

par Benjamin Nourikian

Benjamin Nourikian est né en 1898. Avec l'émotion d'un véritable artiste, Nourikian évoque le destin des Arméniens de l'étranger. Il admire sincèrement l'oeuvre accomplie par les travailleurs de l'Arménie Soviétique. Un recueil de ses récits a été publié en 1958 en Arménie Soviétique, sous le titre Ames d'Emigrés

Le murier

par Vahé Haïg

Vahé Haïg vit et écrit en Amérique, où il a publié quatre volumes de récits sous le titre Foyer Natal. Il s'inspire de ses souvenirs de l'Arménie natale. Il décrit aussi avec une émotion intense la vie difficile et les sentiments patriotiques des Arméniens vivant en Amérique.

La soeur du général

par Hratchia Kotchar

Hratchia Kotchar est né en 1910. Dans des récits émouvants il montre la fraternité d'arme des peuples soviétiques au cours de la Grande Guerre Nationale. Les articles et les contes de cette période furent rassemblés dans trois volumes : La Veille, Voeu Sacré et Naissance des héros. Il est également l'auteur d'un roman Les Fils de la Grande Maison qui se déroule durant la guerre.

Belle-de-nuit

par Viguen Khétchoumian

Viguen Khétchoumian est né en 1916. Il a publié son premier livre Zvartnotz, roman historique, en 1954. Il est également l'auteur de divers récits et d'un roman Chez nous dans le Sud, paru en 1955.

Coup d’oeil restrospectif sur la littérature arménienne

par Frédéric Feydit

La prodigieuse moisson de poètes et de prosateurs arméniens contemporains que la revue Europe présente au public n'est pas la production exubérante d'un sol vierge. Bien loin de la! La littérature arménienne est vieille d'un millénaire et demi, et, parmi les peuples qui se sont conservés en tant que tels à la surface de la Terre, il en est assez peu, à tout bien considérer, qui puissent présenter des titres de noblesse plus valables.

La musique

par Robert Ataian

Komitas, le musicien classique arménien a dit : La musique arménienne... est toute force, toute vitalité; elle nourrit en son sein la philosophie même, le génie même de son peuple; car la musique est le miroir le plus limpide, le plus authentique et le plus vivant de toutes les expressions du peuple ; vivant autant que le peuple est vivant, fort autant que le peuple qui lui a donné naissance est fort.

Le théâtre

par Sarkis Meliksetian

Le théâtre arménien a une histoire de deux mille ans. Nous avons à l'appui de cette assertion, deux dates concrètes ; les années 69 et 53 avant notre ère. L'art dramatique a toutefois un début plus ancien en Arménie. C'est ce dont témoignent les objets fort anciens découverts en différentes époques, par divers spécialistes. Citons-en quelques-uns : une petite amphore, sur laquelle est représentée l'exécutrice de danses rituelles du temple d'Anahit, déesse de l'Arménie païenne ; de même, découvertes à Zanguézour et à Sarighamiche, avec le phallus, leur inévitable attribut, les statuettes en bronze des danseuses et des chanteuses-pleureuses (crieuses) portant masque et en ayant un autre identique dans la main droite.

Le cinéma

Les débuts du cinéma en Arménie soviétique furent difficiles. Tout était à créer. Le premier film Namous (L'honneur) fut projeté en 1925. Durant les 10 ans qui suivirent furent créés plus de 80 films artistiques, documentaires, de vulgarisation scientifique. C'était le temps du muet. Namous portait à l'écran une nouvelle du romancier Alexandre Chirvanzadé : l'histoire de l'amour tragique de Seyranne et Suzanne. Le film critiquait les anciennes moeurs patriarcales, une conception figée du point d'honneur étouffant un jeune amour.

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