La sphère médiatique a tendance à présenter le débat autour du mariage homosexuel – et de son véritable enjeu, qui est celui de l’accès des couples de même sexe à une parentalité légale – d’une manière manichéenne comme une lutte entre, d’un côté, les homophobes et les réactionnaires, et, d’un autre côté, les tenants de la liberté individuelle. Au-delà des discussions souvent agitées, il eût été essentiel d’ouvrir une réflexion dépassionnée. La question, complexe, déborde en effet celle des droits des homosexuels, et relève plus globalement de la manière dont on considère la famille « traditionnelle » et les « nouvelles » familles. Certains esprits « progressistes » évaluent la donne actuelle dans une perspective quasi évolutionniste, imprégnée d’un darwinisme social.
Individualisme et (nouvelles) familles
Individualisme et (nouvelles) familles
Chypre, une identité politique et culturelle divisée
Chypre souffre encore actuellement de la division, après trente-huit ans d’occupation militaire turque, de 36,2 % de son territoire au nord de l’île. Malgré les nombreuses résolutions de l’ONU exigeant le retrait des troupes étrangères de l’île, la situation demeure inchangée. La partie occupée est restée inaccessible jusqu’en 2003, date d’ouverture partielle permettant le passage à condition de présenter un passeport, comme s’il s’agissait d’un autre pays. Cette ouverture, qui pourrait donner à ceux qui ne connaissent pas la situation l’impression d’une certaine normalité, ne peut cacher le fait que le problème politique demeure irrésolu.
Le Traité sur le commerce des armes
La Convention d’Ottawa en 1999 puis celle d’Oslo en 2010 avaient constitué deux succès indéniables des ONG, à la fois face aux États qui utilisaient des mines anti-personnel puis des armes à sous-munitions et face aux industries qui les fabriquaient. Succès qui avaient reconnu les droits des populations comme prévalant sur les intérêts stratégiques des États et sur les intérêts économiques de leurs industries. Avec la négociation d’un Traité sur le commerce des armes (TCA), c’est une partie bien plus large qui se joue à l’Organisation des Nations Unies, à New York, du 2 au 27 juillet 2012.
Qu’est ce qu’un homme ?
À l’heure où le Sénat argentin, à l’unanimité moins une abstention, vient de valider une loi qui permet à chaque individu qui le veut d’inscrire librement et légalement le sexe et le nom sous lesquels il entend se faire reconnaître, il y a lieu d’interroger ce que signifie aujourd’hui « être un homme ». Cette nouvelle loi énonce que « le vécu interne et individuel du genre est tel que chacun le ressent, ce qui peut correspondre ou non au sexe assigné à la naissance. […] Toute personne a le droit à la reconnaissance de son identité de genre, et au libre développement de sa personne en accord avec celle-là ». Cette loi est la conséquence logique des bouleversements introduits par le succès de la théorie du genre.
Les médicaments antisida dans les pays du Sud
En 1994, l’accord sur les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce (ADPIC) était ratifié par les pays membres de la toute nouvelle Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Cet accord instituait une gouvernance mondiale de la propriété intellectuelle a minima et introduisait en particulier le brevet sur le médicament dans les pays du Sud. Six ans plus tard, les pays membres de l’Organisation des Nations Unies (ONU) adoptaient huit objectifs de développement pour le millénaire (ODM) dont trois concernaient directement la promotion de la santé publique dans les pays du Sud. Ces deux événements rappellent, s’il en est besoin, que la montée en puissance du brevet dans les pays du Sud intervient dans un contexte sanitaire critique en considération d’un écart sanitaire croissant entre pays développés (PD) et pays en développement (PED).
Henri Maldiney - La crise, un appel à exister ?
Henri Maldiney aura bientôt cent ans. Après un passage à l’Institut des Hautes Études de Gand, il enseigna la psychologie, la philosophie générale et l’esthétique à l’Université de Lyon. Ses cours s’appuyaient sur une tradition solidement établie mais ne ressemblaient à aucun autre travail universitaire. Car il ne s’agissait pas d’histoire de la philosophie mais d’un enseignement lié à une recherche absolument originale, à une parole dense, abrupte mais très attentive aux œuvres à partir desquelles elle se constituait elle-même. En 1973, à plus de soixante ans, Henri Maldiney publie son premier ouvrage Regard, Parole, Espace1, où se déploie une réflexion ouverte également aux formes de pensée non directement philosophiques, issues de la poésie, de la peinture ou de la psychanalyse existentielle
Discerner pour s’affermir dans la liberté
Le discernement n’est pas une technique. C’est une attitude, une «disposition» : comme on dit de quelqu’un qu’il a des dispositions pour les langues ; mais au sens où l’on dit aussi que l’on prend ses dispositions pour se préparer à ce qui pourrait venir. Comme un endroit fait deviner son envers, le discernement est à la fois un don et il se cultive. À qui veut conduire sa vie, le discernement est nécessaire, mais il ne l’assure d’aucune grâce particulière, pas plus que les gammes ne donnent au pianiste sa musicalité.
Une relecture de Tintin au Congo
Hergé et son œuvre principale, constituée des 23 albums consacrés aux aventures de Tintin, est décidément toujours d’actualité. Le 2 juin 2012, la plus grosse vente consacrée à Hergé jamais réalisée a eu lieu à Paris au sein d’Artcurial, première maison française de vente aux enchères, avec notamment une couverture originale de Tintin en Amérique, réalisée pour la première édition de l’album aux éditions du Petit Vingtième, vendue plus de 1,3 millions d’euros. Le film de Spielberg consacré à Tintin, et que préfigurait d’ailleurs déjà dans les années 80 le personnage d’Indiana Jones, a envahi les écrans de cinéma à la fin de l’année 2011 : le monde de Tintin reste avant tout un monde magique qui enchante petits et grands.
Pour l’amour du vélo
« Il pédalait blond, la cheville souple, il pédalait sur pointes, le dos courbé, les bras à angle droit, le visage tendu vers l’avant. Jamais homme ne fut mieux taillé que lui pour aller sur un vélo, jamais cet attelage homme-machine ne fut plus beau. Il était fait pour être vu seul sur la route, découpé contre le ciel bleu ; rien en lui n’évoquait le peloton, la masse et la force en union, il était la beauté cycliste seule. » C’est ainsi que Paul Fournel1, une des belles plumes du cyclisme, décrit le champion de son enfance, Jacques Anquetil qui a marqué de son élégance un sport réputé pour les forçats.
Des hommes, des dieux et des pierres.
Pierres vivantes, pierres qui pleurent, « pierres de rêve », contenant au tréfonds de leur compacité des esprits, des morts et des dieux. Seraient-elles plus sûres que les végétaux aux yeux des religions et de leurs fidèles, pour affirmer la présence du divin ? Ou que les animaux ? Les arbres croissent et meurent. Les animaux passent. Les pierres, figées pour l’éternité, sont la part stable de notre univers familier. Elles se souviennent de tout. Elles prennent mille et une formes pour nous dire les merveilles du passé, la beauté de la permanence. Leur solidité en fait les alliées rassurantes de notre fugacité. D’où les liens complexes qu’elles tissent, dans notre imaginaire, entre le ciel et les hommes.
Cima da Conegliano, Dieu et la nature
Parmi les grands peintres vénitiens de la fin du xve siècle et du début du xvie, Cima da Conegliano (1459/60-1517/18) est moins réputé que Carpaccio (1460-1526) dont les peintures de la Scuola di San Giorgio degli Schiavoni sont une étape obligatoire des visites à la Cité des Doges. C’est pourtant un artiste qui maîtrise aussi bien la composition que l’exécution des figures et dont l’œuvre illustre la transition entre l’art de la fin du Moyen Âge et celui de la Renaissance.
Les frottements du proche et du lointain
Des doigts sur l’écran d’un smartphone ou d’une tablette ouvrent les images de détresse du monde ; elles les agrandissent et passent à autre chose. C’est l’une des œuvres les plus frappantes de La Triennale au Palais de Tokyo, à Paris : une vidéo du suisse Thomas Hirschhorn, intitulée Touching Reality. Qu’elle soit lointaine ou proche, cette réalité n’est pas seulement disponible pour le regard, elle est littéralement sous la main grâce aux écrans tactiles. La Triennale est une manifestation périodique d’art contemporain qui s’appelait La Force de l’art quand elle se tenait sous la verrière du Grand Palais (en 2006 et 2009).