En juin dernier, grâce au Festival Luminato, de Toronto, nous avions l’occasion d’être des spectateurs de l’opéra The Life and Death of Marina Abramovic créé par Robert Wilson et également de devenir des participants plus actifs en explorant le prototype du Marina Abramovic Institute (MAI)4. En effet, ce prototype d’un laboratoire public, installé au cœur du parc Trinity Bellwoods, inspiré par les recherches sur les œuvres en mouvement de l’artiste suisse Jean Tiguely, dirigées par l’initiative de recherche Metamatic d’Amsterdam et conçu par l’architecte néerlandais Siebe Tettero, nous permettait de vivre en vase clos une expérience directe, personnalisée et plus accessible de la méthode de M.A.5 « The Abramović Method is a way to experience the act of performing performance art while simultaneously focusing on one’s own individualized internal relationships. It is meant to foster internal understanding as well as a finer, more focused, more patient, analytic eye, mind, and emotional catalog. »
Nul si découvert
Marina Abramovic
Nathalie Levasseur
Nathalie Levasseur, originaire de Thetford Mines, s’approprie les paysages miniers de son enfance, par l’intermédiaire de sculptures, photogravures, vidéos-performance et installation « vivante » afin de stimuler une réflexion sur notre patrimoine paysager. Les œuvres de l’exposition Pourvu qu’il pleuve... sillonnent les strates mnémoniques de l’enfance de l’artiste, lesquelles sont habitées par l’omniprésence des paysages miniers. Dans l’ensemble, sept sculptures-structures de différentes grandeurs habitent l’espace et dialoguent avec les projections vidéographiques et les photogravures. Ces dernières présentent des vues, prises par l’artiste, de paysages entourant Thetford Mines, ainsi que d’autres photographies d’archives dont découlent les formes des installations sculpturales disposées au sol. De cette empreinte paysagère émergent des formes coniques, structures de branches tressées qui envahissent l’espace et dialoguent avec les photogravures et les projections vidéographiques. Par la création de ses sculptures-structures, l’artiste présente un long et minutieux travail de vannerie à échelle monumentale, repoussant le défi technique dans des zones vertigineuses. Ainsi, elle construit un langage artistique où se lient l’art médiatique, la tradition et la nature. Le spectateur, en déambulant autour d’elles donne vie aux œuvres par sa présence, tout comme le village minier insuffle une vie aux montagnes de résidus inertes. Au fond de la salle, la vie semble avoir pris le dessus… On y découvre une installation monumentale et surprenante qui attire l’œil par sa couleur et ses particularités. Installée dans un bassin d’eau avec au-dessus d’elle des lumières attachées à un convoyeur qui assure l’apport lumineux sur toute la surface, la matière première de l’œuvre peut reprendre vie. Ces branches de saule que l’artiste a plantées puis, pendant une année, a soigneusement arrosées et coupées pour ensuite leur donner forme, sont finalement appelées à renaître dans leur nouvelle identité d’œuvre. C’est ainsi que le feuillage des branches de cette installation conique prend de l’expansion tout au long de la durée de l’exposition. En plus d’assurer la diffusion égale de la lumière, la présence du convoyeur introduit un élément industriel propre aux réalités minières. À travers cette œuvre, l’artiste soulève des questionnements actuels sur la récupération de lieux souillés par l’exploitation minière et sur les impacts environnementaux et sociaux de celle-ci.
Carroll / Fletcher
Nowadays, both emerging and established artists increasingly incorporate digital media in their work and make reference to our technologically driven culture. Some galleries respond by supporting these artists without necessarily adopting the "new media art" label: everything is contemporary art regardless of the medium or content. In 2012, Jonathon Carroll and Steve Fletcher co-founded Carroll / Fletcher,1 a contemporary art gallery, which opened in a 400sq/m architect-designed space on Eastcastle Street in Central London. This gallery works with artists who use a diverse range of media to explore contemporary socio-political, cultural, scientific and technological themes. New additions to its roaster of artists include Rafael Lozano-Hemmer, Basel Abbas and Ruanne Abou-Rahme and Michael Najjar. As the gallery prepares its participation in the upcoming art fairs ARCO Madrid (February 19 – 23, 2014) and Art Basel Hong Kong (May 15 – 18, 2014), Jonathan Carroll reflects on the gallery's current activities and his perspective on the art market. Carroll / Fletcher is a recently established gallery that already stands out for its innovative approach to contemporary art. How did the gallery come into being? I have a background in economics and I worked as a financial trader for thirteen years at CSFB and Nomura. I wasn't exposed to art while I was growing up, but during my career in finance, my travel schedule provided me with that opportunity. My international travel meant that my early experiences of art were of visiting museums, which soon prompted me to explore galleries and as a consequence, I began to collect art in the early to mid 1990s. Looking back, this narrowly focused perspective inevitably led me to start collecting what I refer to as traditional media. Having decided to end my career in finance, I moved to New York. It was here that I was exposed to new spaces and galleries, and I met artists who used media and/or had a focus that resonated with me. In 2002 specifically, I visited Rafael Lozano-Hemmer's solo exhibition at bitforms gallery2 and that was the first time I engaged with artworks that used non-traditional formats or media. These representations did not in any way appear alien to my (perhaps ignorant) art sensibility: they made perfect sense to me and felt quite naturally like the art of today. I started looking at more of this type of art, which was taking advantage of, or expanding the boundaries that new technology was making visible and viable, and eventually I began collecting it. Through my collecting, I developed strong relationships with a number of artists.
Nadia Myre, The Scar Project
Comme suite à son projet Indian Act, impliquant la participation de personnes de divers horizons à son processus de création, Nadia Myre a conçu The Scar Project. Le désir d’entamer un nouveau projet participatif et relationnel, doublé d’une réflexion de l’artiste sur des blessures personnelles, a permis de définir les lignes directrices du projet : réunir des individus dans des centres d’artistes ou des soupes populaires, leur fournir un canevas de quelque 20 cm x 20 cm, du fil, des aiguilles, avec comme directive d’interpréter à leur manière sur le substrat une blessure, physique ou psychologique, puis de la raconter sur papier pour documenter la production de la « cicatrice ». La présentation toute récente de The Scar Project à la Galerie des arts visuels de l’Université Laval se voulait une synthèse du projet en cours depuis 2005, et dont la production s’est achevée en avril 2013, en marge de la Commission de vérité et de réconciliation du Canada mise sur pied à la suite de la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens. La présentation proposée dans la vaste salle de la galerie associait un accrochage de canevas, scindé par deux projections vidéo, à un amoncellement de « cicatrices » au centre de la pièce. La mise en exposition mettait de l’avant une certaine progression/complexification dans le développement du symbole utilisé pour matérialiser la cicatrice sur le canevas, donnant à constater tout le spectre d’expression visuelle et écrite de la blessure : de la cicatrice physique, allant de la simple coupure parfois parfaitement suturée, du stigmate à demi cicatrisé ou encore béant (inguérissable ou trop frais?), à la figuration d’un univers mental complexe révélant une blessure psychologique ou une rumination. Plongés dans une introspection contemplative durant la conception de leur cicatrice, les participants au projet laissent la trace, nécessairement unique, d’un ensemble de perceptions et de sentiments devant s’exprimer, peut-être pour la première fois, sous une forme synthétique. Placées en début de parcours, les cicatrices plus simplement littérales, qui ne sont pas sans rappeler des Lucio Fontana reprisés, amènent petit à petit à se plonger soi-même dans une telle introspection. L’intensification subséquente des symboles, parfois plus conceptuels, parfois rendus directement lisibles par un recours frontal à la figuration et à l’écriture contribue à nous détacher de nous-mêmes pour nous plonger dans la blessure de l’Autre.