L’idée de la peinture

Frôler la mort : tombeaux ouverts sur le parcours de la peinture du 19e au 21e siècle

par Oli Sorenson

Depuis l’aube de la révolution industrielle, on a tenté à maintes reprises d’en finir avec la peinture, à commencer par Hippolyte Delaroche qui aurait déclaré, en posant pour la première fois les yeux sur un daguerréotype : « la peinture est morte à dater de ce jour », en 1839. Aujourd’hui encore le débat fait rage : la photographie, avec son efficacité insurpassable à documenter les événements, a-t-elle bel et bien tué la peinture ? Pourtant, étant donné l’attrait qu’elle continue d’exercer auprès du public, la peinture occupe certainement un territoire plus vaste que celui revendiqué par la photographie. En outre, elle demeure la forme d’art la plus populaire sur le marché mondial : neuf des dix artistes les plus vendus aux enchères sont des peintres.

L’objet de l’idée

par Marie-Eve Beaupré

L’auteure aborde l’idée de la peinture en tant que construction historique dont le processus de constitution fait écho à la méthode élaborée par Eric Cameron pour réaliser les Thick Paintings. L’histoire n’est pas un récit statique, mais plutôt un matériau avec lequel travailler. Les connaissances qui ont alimenté la définition de la peinture se sont agglutinées sur l’objet de l’idée et, progressivement, ont altéré les pourtours de sa définition.

Guy Pellerin. Peindre loin (et construire)

par Serge Murphy

L’œuvre de Guy Pellerin montre de la peinture. Elle trouve son expression dans les plis de la conscience, jouant de la mémoire et de la mélancolie. Le sujet, en apparence absent, en est le moteur. Conceptuelle, elle met de l’avant son caractère physique. Et la couleur en est l’acteur principal. La peinture de Guy Pellerin, peinture sérielle s’il en est, se construit à même le réel, un réel qu’on aurait dépouillé de ses attributs expressionnistes et fantasmatiques pour n’en garder qu’une image où la couleur joue un rôle synthétique. L’artiste peint la distance entre lui et le monde qu’il habite. À nous de nous y mesurer.

Stéphane La Rue. La couleur comme illusion de la peinture

par Laurier Lacroix

L’art de Stéphane La Rue réside en partie dans la place qu’il accorde au spectateur en lui permettant de partager son processus de création. Il met en évidence les choix et les décisions qu’il prend lors des différentes étapes de réalisation de ses œuvres. Son approche tient compte non seulement de la forme du matériau initial, mais également de sa couleur, qui demeure toujours visible. C’est par une autre intervention colorée sur la surface, qui souligne sa qualité de relief plat, que l’œuvre accède au statut de peinture, à l’illusion de la peinture.

Points aveugles, césures et autres lacunes des archives

par Andria Minicucci

Ce texte examine certaines des œuvres récentes de Walid Raad et ses documents d’archives produits sous les auspices de l’Atlas Group. En s’appuyant sur les conventions esthétiques de la peinture moderniste, Raad s’attarde aux complexités historiographiques propres aux archives, en particulier lorsqu’elles visent à documenter le traumatisme lié à la honte et à l’oubli – dans ce cas-ci les atrocités inénarrables et irreprésentables de la guerre civile libanaise. L’esthétique séductrice aux couleurs sensuelles de Raad contribue non seulement à légitimer ses documents, mais ajoute à leur capacité de montrer en quoi le contenu des archives est façonné par leur représentation. À bien des égards, le contenu et le contexte historique sont forgés par l’esthétique de l’artiste, laquelle est grandement influencée par la peinture moderniste, surtout la peinture par champs de couleurs, les échantillons de couleurs et les monochromes de l’avant-garde et de la néo avant-garde.

Là où la peinture s’arrête : les idées noires de Jinny Yu

par Jakub Zdebik

L’exposition de Jinny Yu intitulée Latest from New York, présentée à la Galerie Patrick Mikhail d’Ottawa, révèle comment sa manipulation en apparence austère de la peinture à l’huile noire sur aluminium est en fait une réflexion sur l’espace, l’architecture, l’installation et la peinture. Son travail commence là où la peinture s’arrête, et les références à l’histoire de l’art, discrètement orchestrées, exposent une philosophie de la peinture.

Les peintures détruites, ou les reliques en tant que nouveaux monuments

par Marta jecu

Cet article examine certaines formes de destruction de toiles peintes qui non seulement modifient, mais donnent lieu à une mutation de la représentation et l’entraînent dans un territoire où le sens est disloqué et où elle devient performative. La destruction, ou plutôt le démantèlement d’œuvres existantes ou de couches peintes en tant que forme de vandalisme systématique est un acte qui, fréquemment posé dans le cadre de pratiques récentes, se veut une exploration des processus de création et d’attribution de la valeur. L’article aborde le travail d’artistes tels que Steven Parrino, Alexis Harding, Carlos Bunga, Manuel Eiris et le groupe japonais Gutaï, et situe leur travail dans le cadre de la discussion qui oppose l’iconolâtrie à l’iconoclastie, dans un contexte post-avant-gardiste.

L’art performatif marche dans les traces de la peinture. Le cas de Vanessa Beecroft

par Mélanie Boucher

L’art performatif se voit influencé par la peinture d’au moins deux façons. Premièrement, en exploitant le médium de la peinture et deuxièmement, en prenant pour sujet la peinture et son histoire avec la réinterprétation du tableau vivant. Ces deux types d’influences peuvent être observées depuis les débuts de la performance jusqu’à aujourd’hui. Par ailleurs, ils marquent deux temps de l’histoire de l’art performatif : les années 1960 et 1970, d’une part, et les années 1990 et 2000, d’autre part. Cet essai les considère tour à tour dans l’œuvre de Vanessa Beecroft.

Derek Sullivan. More Young Americans

par Kathleen Ritter

Le travail récent de Derek Sullivan table sur un aspect clé de l’abstraction : son rapport insaisissable, changeant et parfois arbitraire au sens. Puisant à une grande variété de sources bibliographiques, l’artiste approche les histoires du design moderniste, de l’abstraction et de l’art conceptuel comme un champ de signes en suspension. Il accorde une attention particulière aux formes et aux motifs récurrents, dont il tisse de nouveaux rapports au sens avec une agilité aveugle. Les images qui en résultent paraissent familières, évoquent une curieuse ressemblance, mais au final, échappent à l’interprétation.

Corps et chaos. Regard sur le travail récent de Christine Major

par Edith-Anne Pageot

À partir d’une visite d’atelier, cet article propose une lecture critique du travail récent de Christine Major. Six tableaux de la série Crash Theory font l’objet de ce texte. Ces tableaux résultent d’un empilement d’images sources et mettent en scène des corps sexualisés et des accidents de voiture. L’auteure établit un rapprochement entre l’inquiétante étrangeté freudienne, à la fois dérangeante et familière, et l’ambiguïté des sentiments et des stratégies formelles qui surgit de Crash Theory. Ultimement, ce rapprochement suscite une réflexion sur le rapport de l’être humain à son corps, à l’ère de la machine et de l’image souveraine.

Le monde animé de Marina Roy

par Kathleen Ritter

Les personnages turbulents de Marina Roy sont imperméables à la politesse universitaire comme à celle du discours sur l’art. On les trouve sur les tranches des livres, cachés derrière le vernis de ses peintures et, animés, dans ses vidéos. Présents partout dans son œuvre, ils brouillent les stéréotypes narratifs au profit de relations haptiques tissées par l’inconscient, l’extraordinaire et le quotidien. Son champ d’intérêt trahit une hyperactivité intellectuelle, qui puise dans l’étude des langues, la psychanalyse, la nature, la littérature, l’histoire de l’art, les dessins animés et la pornographie, et devient évidente dans ses dessins, ses peintures et ses animations.

Portfolio

par Anne-Marie Ninacs

Idéaux de la peinture Anthony Burnham Dil Hildebrand David Lafrance Beth Stuart Cynthia Girard Marie-Claude Bouthillier Sylvain Bouthillette