Inattention : danger !

Albert Camus à Kiev

par Olivier Mongin

CERTAINS feignent d’être surpris du succès rencontré par les célébrations qui ont accompagné, en France comme à l’étranger, le centième anniversaire de la naissance d’Albert Camus (1913-1960). C’est oublier que, depuis des décennies, Camus est l’auteur du XXe siècle le plus lu en France et que les jeunes générations apprécient particulièrement son écriture fluide et déliée qui annonçait à sa manière ce que Roland Barthes devait appeler le « degré zéro de l’écriture ». C’est également oublier qu’il y a dans cette reconnaissance comme un semblant de revanche contre le mépris et les avanies dont il fut la victime ; dans les années 1970, où le progressisme le plus violent et le plus ignare régnait dans les disciplines prétend dument philosophiques et vouées au concept, on se gaussait de ce « philosophe pour classes terminales », on ironisait sur son théâtre à message, on n’en finissait plus de célébrer l’existentialisme révolutionnaire de Sartre contre l’humanisme mou de Camus.

La reconnaissance du vote blanc, une fausse bonne idée

par Joël Roman

DEPUIS plusieurs années déjà, des voix s’élèvent qui font de la reconnaissance du vote blanc une avancée démocratique décisive. La proposition est apparue aux yeux de beaucoup suffisamment fondée pour qu’un parti politique, l’UDI de Jean-Louis Borloo, l’érige en véritable cheval de bataille et aille jusqu’à présenter une proposition de loi en ce sens par l’intermédiaire d’un de ses élus, François Sauvadet. Celui-ci a gagné une première manche, puisque sa proposition de comptabiliser les bulletins blancs lors des consultations électorales a été majoritairement adoptée par l’Assemblée nationale. Il est vrai que les députés en ont repoussé la mise en oeuvre au lendemain des municipales et peut-être des européennes. Mais il en va dans ce domaine comme dans d’autres : quand une proposition s’avance parée de tous les atours de l’évidence progressiste, elle finit par l’emporter un jour ou l’autre.

Le numérique empêche-t-il de penser ?

par Bernard Stiegler

Entretien Quel est l’impact des nouvelles technologies sur la mémoire et sur l’attention ? Plutôt que de déplorer la « perte » de la mémoire et le risque de dispersion de la pensée induits par le numérique, mieux vaut s’attacher à reconstruire une philosophie et une politique de l’attention fondées sur ces nouveaux...

La circoncision, un débat impossible ?

par Marie-Jo Thiel

En 2012, un jugement du tribunal de Cologne assimilant la circoncision à une atteinte à l’intégrité corporelle a suscité une vaste controverse en Allemagne, qui ne s’est que peu répercutée en France, par crainte de stigmatiser les populations juive et musulmane. Comment cette pratique s’inscrit-elle dans le cadre religieux,...

Nelson Mandela, le guerrier pragmatique

par Alice Beja

L’époque manque de grands hommes, de figures universelles auxquelles tout un chacun peut se rattacher. Aujourd’hui, dans les crises qui agitent le monde, les camps semblent moins bien définis qu’autrefois et les prises de position plus compliquées à prendre. Dans nos démocraties en crise, qui doutent parfois des principes qui les fondent, on voudrait se rabattre sur une « figure » unificatrice qui panserait à elle seule les maux de la nation.

De la révolution orange à la place de l’Europe

par Annie Daubenton

La société ukrainienne, qui couvait silencieusement sa « révolution démocratique » de novembre 2013, était ces dernières années tout sauf calme. Certes, durant la période qui suivit la « révolution orange » de 2004, l’humeur fut plutôt à l’amertume : la société avait massivement contribué à l’instauration d’une nouvelle gouvernance au nom d’idéaux démocratiques et elle assistait médusée à une bataille au sommet de l’État entre le président et son Premier ministre. Les promesses « oranges » s’étaient envolées et comment s’opposer à ce qui avait été considéré comme une réelle avancée dans le monde post-soviétique ?

Les printemps arabes vus du Liban

par Antoine Maurice

À Beyrouth en fin d’année, le climat reste lourd d’un été prolongé à l’ombre de la guerre en Syrie. Le conflit ne cesse de déborder sur le territoire libanais par l’afflux quotidien de réfugiés, les incidents de frontière constants et les attentats internes aussi bien au Sud contre le Hezbollah qu’à Tripoli, entre sunnites et alaouites. Pour autant, les Libanais ne renoncent pas à discuter entre eux pour étancher leur soif de politique et pour maintenir le chantier de la reconstruction nationale en perpétuelle survie.

L’Égypte et le rendez-vous constitutionnel

par Tewfik Aclimandos

La commission constituante a adopté le 1er décembre 2013 le projet de constitution devant être soumis à référendum début 2014. Les critiques ont souligné que le texte permettait à l’armée de maintenir nombre de ses prérogatives, notamment celle de juger les civils. Quelles sont les principales caractéristiques de ce projet ?