Depuis quelque temps déjà, plusieurs expositions d’arts visuels font la part belle aux objets. Non pas les objets qui, par leur statut ou leur mise en vitrine, ont déjà une valeur esthétique inhérente à ce qu’elle représente au sein du monde de l’art, mais plutôt ceux qui partagent notre quotidien et qui s’accumulent autour de nous, alors que certains, devenus inutiles, pourraient être détruits.
Fétiches
Fétiches : quand l’objet devient chose
Le fétiche, un objet énigmatique
Le mot « fétiche » est lié à l’histoire coloniale puisqu’il désigne les objets de culte des populations d’Afrique durant la colonisation de ce continent. Il vient du portugais feitiço qui signifie « artificiel » et par extension « sort », « sortilège ». Lorsque les navigateurs portugais longeant la côte ouest de l’Afrique, au xve siècle, pénètrent au Sénégal (1443), en Guinée (1450), en Sierra Léone (1460), au Gabon et en Angola (1483), ils nomment feitiço les objets liés au culte animiste de ces populations. Ce terme est lui-même dérivé du latin facticius, qui signifie « fabriqué », « artificiel », « factice », « non naturel ».
Ready-mades et fers à cheval
Octobre 2015. Dans la galerie carrée du Centre d’art de la Villa Arson, à Nice, les quatre artistes de l’exposition qui débute1 ont disposé des choses qu’ils n’ont visiblement pas créées : Lidwine Prolonge a amené une voiture Volvo, achetée peu de temps auparavant par petite annonce; Jean-Charles de Quillack, une très longue corde d’amarrage trouvée sur le vieux port; Ibai Hernandorena, une série de modules de présentation conçus par Jean Prouvé, trouvés sur un chantier il y a longtemps; et Julien Dubuisson, une grosse pierre ramassée dans un ruisseau. Ces choses n’ont rien de commun à part leur nature de ready-made. Le choix est habile de la part du commissaire de l’exposition, Mathieu Mercier.
Une imposition de mains : quatre artistes
Dans le champ de la théorie et de la pratique des arts à l’ère moderne, toute personne en quête d’attention critique emploie la rationalité technologique comme ressource et comme point de vue, écartant à tort toutes les formes de communication énigmatiques, paradoxales et rituelles sous prétexte qu’il s’agit là d’une « pensée magique ». Favorisant le calcul et la prévisibilité, la rationalité technologique en est venue à remplacer la pensée à la fois scientifique et esthétique à notre époque.
Le fétiche “ indécidable ” à l’oeuvre : Benoît Pype et Kapwani Kiwanga
L’objet-fétiche jouit, de nos jours, d’une certaine popularité au sein de l’art actuel, alimentant ainsi une tendance à l’occulte dont il semble se faire l’ambassadeur. Sorte d’OVNI dans le ciel de notre contemporanéité artistique, l’objet-fétiche détonne et questionne par sa simple présence. D’autant plus que ledit objet, porteur en lui-même d’une ambivalence — à la fois objet-fait et objet-fée, dirait Bruno Latour1 —, se complexifie au sein de l’art actuel.
Tester les limites: l’art et l’objet fétiche
Le « fétiche » est un concept empreint de tension : lié à la vie intime de plusieurs manières, il est néanmoins souvent mis à mal, marginalisé et condamné par la société. Il semble hanter la culture en empruntant des formes mutables et prolifiques; ainsi, dans toute tentative de l’aborder, il faudra prendre en compte ses contradictions et son ambiguïté. Le mot est généralement compris dans son acception sexuelle, soit une chose « anormalement » excitante ou qui agit comme foyer de désir, mais il a aussi d’autres significations : par exemple, un objet conçu comme étant doté de pouvoirs magiques ou habité par un esprit et donc, par extension, un objet qui appelle à une dévotion irrationnelle ou obsessionnelle.
L’esthétique du fétichisme de la marchandise et l’oeuvre d’art grotesque
Bien que Le Capital de Karl Marx ait presque 150 ans, sa pertinence pour la théorie et la critique de l’art actuel demeure, et ce, même sans comprendre une théorie esthétique explicite. Son importance réside plutôt dans sa critique rigoureuse des rouages du capitalisme, une étude aussi perspicace qu’exhaustive, destinée à révéler la face cachée de notre système économique.
Des sujets dans les objets : rencontre avec Musa paradisiaca
Musa paradisiaca est défini par ses auteurs-fondateurs, les artistes lisboètes Eduardo Guerra et Miguel Ferrão, comme un projet artistique basé sur le dialogue1. Qu’il s’agisse de collaborations avec des poètes ou des artistes, comme avec le sculpteur Tomé Coelho avec qui ils réalisent des sculptures en bois depuis 2012, ou simplement d’échanges avec des étudiants, des enseignants, des magiciens, des philosophes, des physiciens et des entrepreneurs, entre d’autres, chacune des personnes qu’ils rencontrent sur leur chemin, ici ou ailleurs, participe à leur œuvre et fait émerger des formes, fait entendre des voix.
Du culte de l’art et des reliques
Selon l’exégète François Brossier, au Moyen Âge « pas moins de quatorze églises européennes revendiquaient la possession du prépuce de Jésus1 ». Ce Saint Prépuce, ce Sanctum Praeputium, faisait la réputation de bien des villes. Jusqu’en 1983, année où l’une de ces reliques fut volée (ou peut-être s’est-elle miraculeusement volatilisée), à Calcata en Italie, avait lieu une procession tous les 1er janvier offrant à tous ce bout de peau à admirer.
C’est drôle quand on y pense : le rire de Mathieu Lefèvre
Mon premier contact avec l’œuvre de Mathieu Lefèvre s’est produit lors des portes ouvertes des Bushwick Studios, à Brooklyn. Il n’y avait personne dans les parages et je suis entré dans l’atelier de Mathieu. Une peau de tigre minutieusement fabriquée en peinture à l’huile a tout de suite attiré mon regard. C’était comme si l’artiste avait trouvé un moyen surnaturel de tisser la peinture à même les objets, une réponse mystérieuse, mais pleinement consciente, à la question de sa place dans le marché de luxe qu’est l’art contemporain.
L’exposition Sensorium à la Tate Britain
Le rapport strictement visuel à la peinture s’accompagne généralement d’une normativité du dispositif muséal et de ses usages. C’est le cas, en particulier, de la distance maintenue par rapport à l’œuvre et de la petite chorégraphie effectuée par les spectateurs dans l’espace d’exposition. Ainsi, les modalités de présentation de la peinture limitent considérablement les possibilités de changer le point de vue des spectateurs sur les tableaux.
Shuvinai Ashoona et Shary Boyle : récits païens et autres légendes mythiques
Fruit d’une collaboration avec la Feheley Fine Arts, galerie torontoise entièrement dédiée à l’art inuit, la galerie Pierre-François Ouellette art contemporain présentait, en novembre et décembre 2015, l’exposition Universal Cobra des artistes Shuvinai Ashoona et Shary Boyle. Rencontre féconde entre deux univers surréalistes, l’exposition dépassait la simple mise en dialogue de pratiques connexes pour nous présenter, entre autres, sept œuvres réalisées conjointement par les deux femmes dans le cadre d’une résidence aux ateliers Kinngait dans le village natal d’Ashoona, Cape Dorset.
Martin Leduc : l’espace de la rêverie
Ils sont sept. Sept traits noirs qui se déploient dans le volume de la galerie. Ils sont de diverses longueurs, en suspension à diverses hauteurs, mais sont tous engagés dans un mouvement à la fois individuel et collectif. Ensemble, ils forment un mobile cinétique dont les délicats déplacements incitent à faire de même, à circuler autour et à travers l’œuvre. De pas en pas, le visiteur se retrouve au cœur de l’instrument.
Luc Bergeron : Domicile
Domicile de Luc Bergeron était indéniablement l’exposition à voir cet hiver. Celle-ci recensait cinq ans de travail de l’artiste sur le thème de l’atelier. Une partie de ce corpus avait précédemment été montrée, en 2010, à la galerie Les Territoires (Montréal) et à Baie-Saint-Paul en 2013. Néanmoins, la version présentée à Occurrence comportait plusieurs pièces exclusives. Il s’agissait, en fait, de l’aboutissement de cette démarche thématique.
Reading Exercises
Marielle Macé’s brilliantly titled Façons de lire, manières d’être (Ways to read, means to be) explores the ways in which the act of reading offers singular ways (pistes) of interpreting the world.1 Upon visiting Katrie Chagnon’s latest curatorial endeavour, Reading Exercises, it appeared to me that the curator had succeeded in presenting this concept. The exhibition proposed to examine the role of reading in society today, at a time when images and frivolous messages proliferate.
Julien Discrit : Territoire Hopi
À partir des années 1910, les étrangers se sont vus progressivement interdire toute forme d’enregistrement1 sur le territoire hopi, en Arizona. Ayant préalablement fait l’objet d’un vif intérêt — voire d’un certain voyeurisme — de la part d’un large panel d’explorateurs ainsi que d’une diffusion massive d’informations allant à l’encontre de leur culture du secret et du sacré, les Indiens hopis ont alors pris le contrôle de leur image.
Julien Prévieux : Des corps schématiques
Julien Prévieux a d’abord attiré l’attention, en 1998, avec une vidéo dans laquelle on le voyait traverser une ville en faisant des roulades en continu, causant la stupeur chez ceux qui le croisaient. Sa réputation s’élargit ensuite avec la publication, en 2007, de ses lettres de « non-motivation » envoyées à des entreprises en réponse aux offres d’emploi publiées dans la presse.
Marie-Claude Bouthillier : Voeux
Avec le projet Vœux, Marie-Claude Bouthillier poursuit la trame des recherches déjà amorcées dans Apparitions (2008) et Faire écran (2010), où la ligne et la figure drapées servaient à l’exploration de la nature même du support de la peinture dans un rapport au textile.
Dana Claxton: Made to be ready
When you first walk into Dana Claxton’s new exhibition at the Audain Gallery in Vancouver, you see a pair of silk banners hanging in front of the window. Two images: a woman raising a buffalo skull, a woman lowering the skull. The works are called Buffalo Woman I and Buffalo Woman II (both 2015). Behind, but also through, the images, one can see West Hastings Street in Vancouver’s Downtown Eastside (DTES).
Michael Joo: Radiohalo
A white slab of marble towers over visitors as they enter the gallery. Flanked within a three-meter-high steel frame, the mammoth stone vacillates between being a taciturn menace and a secure object, as it incites viewers to consider their own corporeal awareness.
Raphaëlle de Groot : Rencontres au sommet
Rencontres au sommet (partie 3), la plus récente exposition de Raphaëlle de Groot présentée au Musée national des beaux-arts du Québec, marque la fin d’un long processus de collecte d’objets, de voyages et de rencontres. Outre sa diffusion à Québec, l’exposition a évolué au cœur de la scène culturelle canadienne, notamment lors de ses diffusions à la Southern Alberta Art Gallery, en 2014, et à la Art Gallery of Windsor, précédemment en 2015 et en 2016.