Les rois du bidon

Le premier des astres : Mme Soleil

par Adrien Bréhat

La célébrité a ceci d 'exemplaire qu'elle donne aux circonstances les plus ordinaires d'une existence le chatoiement des vies except1onnelles. Les petits faits de tous les jours, les avatars d'une carrière et les coups du sort prennent, à mesure que croît la réputation, un relief nouveau, comme si un destin prévoyant les avait organisés uniquement en vue de leur glorieuse conclusion. Tel est, par exemple, le cas de Mme Soleil, dont l'existence, sans être banale, n'en ressemble pas moins à beaucoup d'autres, mais qui, fêtée aujourd'hui par les trompettes de la renommée, paraît sortir tout droit de la mythologie. Germaine, Lucie Soleil - oui, c'est vraiment son nom - est née le 18 juillet 1913, à Paris, près de la gare de Lyon. « Mes parents étaient très jeunes, puisque nous n'avions que 19 ans de différence ; ma mère était une enfant du faubourg, de Clichy plus exactement ; quand à mon père, c'était un Parisien. Mais les origines de la famille se perdent dans les brumes de l' Alsace-Lorraine et de la Belgique. Une de mes arrière-grand-mères est même Norvégienne...».

Dégonflons les baudruches

par Jean Heyras

Le show-business est certainement l'un des domaines où le faux talent, la poudre aux yeux et la publicité « à l'estomac » peuvent réussir le plus facilement et le plus rapidement. Quitte ensuite à s'effondrer avec la même rapidité, comme un soufflé trop vite monté. Mais qui est ou n'est pas « bidon » parmi les gens du spectacle ? La distinction n'est pas toujours aisée, car les dés sont souvent pipés, l'illusion soigneusement entretenue, et les bonnes renommées ne font pas obligatoirement les vedettes dorées. La bourse des valeurs artistiques n'obéit pas aux lois simples de l'offre et de la demande, mais plus fréquemment aux intrigues de coulisses, aux potins de la corbeille et aux coups de pouce des courtiers en réputation. Une couverture de Transe-Dimanche, et le Macias monte de deux points. Une photo dans Franche-Foire, et le Vartan se rétablit. Un « matraquage » sur Marotte N° 3, et l'Aznavour and Co grimpe au plus haut. Après cela, allez vous y reconnaître !

Ah! Frappe-toi le coeur, c’est là qu’est la Menie...

par J.-C. Perroy

La première fois qu'on écrivit un article sur Menie Grégoire - il devait paraître dans Marie-Claire - elle voulut en connaître le début. Elle appela la rédaction. Docilement, un journaliste commença : « Elle a au moins quarante ans. Elle a trois enfants. Elle n'est pas jolie et son mari la trompe... » Un hurlement l'empêcha de continuer. - C'est inadmissible, c'est scandaleux, c'est... Et la douce Menie raccrocha, pleine de rage, pour appeler aussitôt son mari, conseiller d'État fort occupé. - Roger, si vous saviez (les époux se voussoient), si vous saviez ce qui vient de m'arriver, ce que l'on dit sur moi. Un article épouvantable. Je crois que je vais m'évanouir. Faites quelque chose, je n'en peux plus... Renversée en arrière dans son fauteuil, elle éclata en sanglots, sous l'oeil gêné des secrétaires présentes.

Les imposteurs du postérieur

par Jean Lorry

Les meilleurs lecteurs du Journal Officiel, ce sont les libraires qui exploitent la pornographie écrite et illustrée en même temps que la candeur de leurs contemporains. Soucieux de rester dans le droit chemin et sachant surtout que nul n'est censé ignorer la loi, ils en font une lecture appliquée et quotidienne, épiant la moindre interdiction à la vente ou à l'affichage. Les inspecteurs de la Mondaine décident parfois une razzia dans un sex-shop, mais ces visites culturelles ne se soldent que rarement par un rendez-vous devant le juge : les mercantis du porno ne vendent que de l'autorisé. Et connaissent parfaitement l'article 290 du Code Pénal invitant les officiers de police à saisir les écrits, imprimés, dessins et gravures « présentant par leur caractère contraire aux bonnes moeurs un danger immédiat pour la moralité publique ». En fait de danger, il y a surtout celui de se faire avoir ! Car les fameux ouvrages « tabous », mis en piles dans les sex-shops, sont vendus, ou peuvent être commandés dans toutes les librairies de France et de Navarre (à l'exception des librairies religieuses, naturellement).

Les ji-gymnastiques de J.J.S.S.

par Xavier Margeride

Entré dans la vie et né à la presse sur le douillet matelas de l'argent familial, Jean-Jacques Servan-Schreiber n'en débuta pas moins dans la politique avec seulement une guinée en poche. Et déjà elle sonnait le toc. Nous sommes en 1954, L'Express est sur les rails et Jiji a décidé de forcer les portes du Parti radical pour le compte de Mendès France. Il se fait mandater au congrès comme délégué d'une incertaine fédération radicale d'une incontrôlable Guinée... Dans cette frange brumeuse du réel et de l'imaginaire, rarement tout à fait faux, jamais tout à fait vrai, il va tenter de construire une carrière politique en zigzags qui peut faire illusion, mais n'en reste pas moins une carrière de sable.

Restons sérieux Docteur Tournesol

par Jacques Bergier

Il n'est pas recommandé de parler dans les milieux scientifiques français des étoiles naines. Cela rappelle en effet une trop triste histoire. En 1962, les astronomes hexagonaux annonçaient la découverte d'une nouvelle classe d'étoiles : les étoiles naines. En 1964, ils confirmaient. En 1966, les Américains démontraient que les prétendues étoiles naines des Français étaient simplement les lueurs des allumettes que les astronomes craquaient pour allumer leurs cigarettes. Ces lueurs pénétraient dans le spectrographe !... En 1967, les Américains publiaient une communication à ce sujet. Dans le monde, l'hilarité fut générale.Il s'agissait certainement d'une erreur de bonne foi, mais on n'aurait pas dû l'étouffer. Il aurait été plus franc de la reconnaître avant la mise au point des Américains.

Les vrais mémoires de l’Anti-Malraux

par Jean Bourdier

Si la postérité montre quelque sens de la justice, elle retiendra, ne vous en déplaise, le nom d'André Malraux. Mais d'une manière qui n'est peut-être pas celle qu'attendent le principal intéressé et ses hagiographes habituels. Elle passera sans doute rapidement sur le romancier, ignorera charitablement l' historien de l'art, enterrera pudiquement l'homme politique, mais tiendra à citer en exemple le plus merveilleux comédien et le plus grand virtuose de la contrefaçon ayant habité cette première partie du XXe siècle, où la concurrence était pourtant rude. Or, Malraux méritera entièrement ce traitement de faveur, car il aura été beaucoup plus qu'un praticien banal de la contorsion autobiographique et de la légende faite à la main. Il aura été, dans sa vie sinon dans ses livres, un créateur quasi génial : l'inventeur et l'utilisateur presque exclusif d'un système de falsification par personne interposée, propre à faire pâlir d'envie tous les grands imposteurs de notre époque.

Comment on vous bourre le crâne

par Frédéric Sorel

Le bidon s'est d'abord appelé le bobard. Mais, en ces temps anciens, les journalistes se contentaient d'inventer l'événement. Ils n'allaient pas jusqu'à le fabriquer. Tartarin croyait à ses exploits imaginaires, et les chroniqueurs militaires de 1914 finissaient par ne plus douter que les Cosaques se trouvaient bel et bien « à quelques étapes de Berlin ». Un quart de siècle plus tard, ils n'avaient d'ailleurs qu'à suivre les augures officiels pour déclarer solennellement que la route du fer était définitivement coupée. De même, c'est en toute innocence journalistique que des gazetiers trop enthousiastes décrivirent, le 8 mai 1927, l'arrivée triomphale des aviateurs français Nungesser et Coli à New York, alors que les malheureux reposaient déjà au fond de l'Atlantique.

Cerdan junior : un numéro bien au poing

par Emmanuel François

Le point de départ de la carrière de Marcel Cerdan junior est une tragédie. Celle de la mort de son père, le grand Marcel Cerdan, disparu dans la nuit du 27 au 28 octobre 1949, quand l'avion qui l'emmenait aux États-Unis percuta un pic des Açores. Accident d'autant plus dramatique qu'à cette époque déjà, la France entière vivait en état de « frustration » vis-à-vis de Marcel Cerdan. Il avait perdu son titre de champion du monde des poids moyens devant Jack La Motta, Je 16 juin 1949, à Detroit, sur un mystérieux accident musculaire survenu au bras gauche. Cette blessure ouvrait la porte à une revanche, dont l'issue ne faisait de doute pour personne, tant la classe de Cerdan paraissait supérieure à celle de La Motta. Paradoxalement, en ne redonnant pas à Marcel Cerdan-père la chance qu'il méritait, la fatalité préparait la carrière de Marcel Cerdan-fils. Il suffisait d'attendre le jour et l'heure.

Les coulisses des faux exploits

par Albert Clarinval

Aussi longtemps que le sport n'est qu'un effort athlétique, une discipline et un dépassement, il ne laisse aucune place au "bidon". Le sprinter qui enfonce le mur des 10 secondes aux 100 mètres, le skieur qui descend à 90 km/h, le marathonien qui s'écroule sur la ligne d'arrivée n'ont ni le temps ni la possibilité ni l'envie de "faire du cinéma". Mais le sport moderne est également un spectacle, avec tout ce que cela comporte de passion et d'enthousiasme, mais aussi de mise en scène et d'esbroufe. Les activités sportives sont devenues si nombreuses et elles tiennent une telle place dans les préoccupations de nos contemporains qu'il eût été étonnant qu'elles ne suscitassent point, de temps à autre, quelques vocations d'illusionnistes. Les recenser toutes tiendrait de la performance et nécessiterait une distance que les dimensions du "Crapouillot" ne peuvent contenir. Aussi nous contenterons-nous de quelques exemples particulièrement symptomatiques ou joyeusement pittoresques.

Les rigolos du tiercé à gogos

par Saint-Aubin

De la part des marchands de vent, on pouvait s'attendre à un véritable coup de foudre pour les courses. Il n'en a rien été ; ils n'ont réalisé avec elles qu'un mariage de raison, comme à regret, et en se faisant passablement tirer l'oreille. Cela n'empêche pas leur union d'être aujourd'hui parfaitement heureuse et merveilleusement prospère. Mais pourquoi nos attrape-gogos furent-ils si longs à pressentir que le turf pouvait offrir un très profitable champ d'action ? En grande partie, d'abord, parce que les prédictions sur les courses sont trop rapidement contrôlables et ne supportent pas d'accommodements ni d'interprétations. Cela les gênait. Si, entre deux visites à votre cartomancienne, vous êtes devenu, en dépit de ses sinistres avertissements, un « M. Bonus » sans la moindre aile froissée, l'extra-lucide est en droit de réclamer un pourcentage sur la ristourne de votre prime d'assurance. Le « terrible accident » était bien inscrit dans sa boule de cristal, mais, grâce à la révélation qu'elle vous en a faite, vous y avez échappé en redoublant de prudence et d'attention. Il serait évidemment beaucoup plus délicat d'affirmer que votre cheval n'est pas à l'arrivée parce qu'il a par trop redoublé de prudence et d'attention pour ne pas vous décevoir...

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