Populaire, vous avez-dit populaire ?

Dans «Théâtre National Populaire», il y a Théâtre, aussi. Il est indéniable que le monde a changé. National et populaire sont des notions qu’on ne peut plus considérer comme au temps de Vilar, mais le Théâtre, lui, recèle peut-être encore de quoi en perpétuer l’utopie. Je réfléchis en tant qu’homme de plateau, mon prisme n’est sans doute pas le meilleur pour embrasser l’étendue du problème posé, mais il aura peut-être le mérite d’être singulier [...]

Chaque tentative pour réaliser un théâtre populaire est singulière, et l’approche globale de ces aventures, hors contexte, est sans doute mythifiante. Pour autant, le rapprochement des projets et des utopies souligne, jusque dans l’emprunt des formules, des correspondances dans la recherche d’un théâtre moralement juste et socialement utile, en un mot "citoyen"[...] Textes de Rousseau, Diderot, Boissy d’Anglas, Louis-Sébastien Mercier, Hugo, Michelet, Zola, André Antoine, Romain Rolland, Maurice Pottecher, Jules Renard, Gémier, Dullin, Copeau

Jean Vilar est l’héritier d’une pensée et d’une utopie anciennes : rien ne naît de rien. Cependant il est l’architecte qu’attendait Victor Hugo d’un effort vers un peuple réuni par le théâtre. On trouvera dans les pages qui suivent une brève anthologie des réflexions conduites par le fondateur d’Avignon et directeur du TNP, d’abord sur l’idée qu’il se faisait du public, ensuite sur sa manière si personnelle de s’adresser à lui, enfin sur la réponse qu’il reçut d’auditeurs et spectateurs "participatifs" avant l’heure [...] En écho, textes de Roland Barthes, Jean-Paul Sartre, Bernard Dort, Peter Brook, Antoine Vitez, Paul Puaux, Jean-Pierre Sarrazac, qui montrent la vivacité du débat autour de la notion du «populaire».

Jean Vilar a beaucoup interrogé son public à travers des milliers de questionnaires et une correspondance assidue. Il tenait compte des observations pour améliorer inlassablement le fonctionnement artistique et administratif du TNP, faisant du public son partenaire privilégié et respecté [...]

L’actualité de l’édition 2013 du Festival sera dominée par l’ouverture de la FabricA dans le quartier Monclar. Cet événement urbanistique repose la question du « populaire » en raison de sa situation dans un quartier dit sensible et éloigné du centre patrimonial. Lieu de travail et de résidence artistique, inscrivant enfin Avignon dans la décentralisation dramatique de notre pays, la FabricA n’est pas une « maison pour tous » ou un équipement socio-culturel de plus : elle affirme la spécificité, l’exigence de l’artisanat théâtral.

Entretien avec l'artiste associé du Festival d'Avignon 2013. (Propos recueillis par Rodolphe Fouano)