Estonie

Une initiative positive

par Paul Fournel

Ragaillardie par un long veuvage, Perrette Boutrelong, se prit d’un amour pour les animaux qui devint vite légendaire. Parallèlement, elle se prit aussi d’affection pour les familles. Elle aimait particulièrement les familles au bord de la transhumance estivale ou à quelques heures du Père-Noël, les équipages débordés par les urgences d’été, les galeries de toit débordantes, les taxis bondés en route vers des gares en cohue, des navettes tendues vers des carlingues étroites ou on s’écrase d’impatience et où vous guettent les interminables ennuis.

L’enfant sur l’eau

par Sylvie Durbec

Sa mère le soir lui avait dit : regarde, je me suis blessée à la main. La droite. Heureusement. Car la gauche, c’est la main de la mort. Puis elle s’était tu. Lui, le garçon n’avait pas ouvert la bouche. Pourquoi ne pas donner, après tout, des mots aux mains, aux pieds, au corps ? La tête serait le ciel et les pieds le sable. Il pouvait sembler acceptable d’attribuer à la main gauche la mort et à la droite, la vie.

Les yeux de Lola

par Jean-Claude Tardif

La première fois que ses yeux se posèrent sur moi, je crois bien que j’ai cillé, que j’ai reculé sous la pression de leur couleur ou bien plutôt, sa quasi-absence. Leurs iris étaient vert d’eau très pâle ; presque translucides. Est-ce pour cela qu’ils vous transperçaient, semblaient lire en vous avec une facilité qui ne pouvait qu’effrayer celui qui était l’objet de cette lecture silencieuse. Je ne sus que bien plus tard qu’elle se prénommait Lola.

Gérard Jarlot (1923-1964)

par Eric Dussert

Avec ce nom plein de sonorités, bien allitérant et propice aux calembours, Gérard Jarlot n’est pas le plus célèbre des écrivains d’après-guerre. Il eut cependant son heure de gloire, certes modeste, et une existence aussi pétillante que raccourcie dont la postérité va se souvenir, cela paraît paradoxal, tant que le souvenir d’un autre écrivain français de l’époque ne s’effacera pas. Ah ?! Suspens…

Le retour du voleur Pergem

par Gérard Jarlot

Il allait revenir. Edmée avait passé l’hiver entre son poêle et sa table de jeu. Puis l’hiver était parti, puis les « boules de neige » du jardin. Les lilas fleurissaient maintenant, tout à l’entour de la pelouse et dans les jardins voisins. La veille du jour, elle avait interrompu ses bridges et nettoyé la baignoire où les chrysanthèmes passaient les mois froids. Puis, avec des chandelles – les plombs des chambres étaient sautés – elle entama le brouillard dense des corridors. Les draps, lorsqu’on les tendait, faisaient un bruit de voile, tant ils étaient humides. Elle rechercha les plombs sautés, les cuvettes ébréchées, jusqu’au fond du couloir, dans l’ancienne salle de bain où, comme autrefois, il devait dormir.

Une brève histoire de la nouvelle estonienne

par Antoine Chalvin

Souvent considérée en France comme le parent pauvre du roman, la nouvelle a toujours été en Estonie un genre noble et prestigieux. La majorité des prosateurs ont écrit des nouvelles, plusieurs en ont même fait leur genre de prédilection, ce qui ne les empêche nullement de connaître le succès. C’est le cas notamment de Mehis Heinsaar qui, à seulement quarante ans et avec une oeuvre constituée principalement de textes brefs, est déjà considéré comme un classique contemporain. Les éditeurs publient des recueils de nouvelles sans trop de réticences. Quant aux revues (les mensuels Looming et Vikerkaar, et le trimestriel Värske rõhk), si aucune n’est exclusivement consacrée à la nouvelle, elles en accueillent régulièrement dans leurs pages. Enfin, l’un des principaux prix littéraires estoniens, le prix Friedebert Tuglas, créé en 1970, est attribué non à un roman, mais aux deux meilleures nouvelles publiées dans l’année.

Entretien avec Mehis Heinsaar

par Georges-Olivier Châteaureynaud

Nouvelliste, romancier et poète estonien, Mehis Heinsaar est né en 1973. Il s’est fait connaître dans son pays par la publication en 2001 de deux recueils de nouvelles salués par la critique, Le Voleur de vieillards et Les Chroniques de M. Paul. Le public français a commencé à le découvrir à travers les traductions d’Antoine Chalvin et de Martin Carayol, sur la toile ou dans l’anthologie Labyrinthes du réel (Ed. Babel, Série Internationale de l’imaginaire) présentant les écrivains estoniens contemporains les plus marquants. Georges-Olivier Châteaureynaud a fait sa connaissance lors du Festival estonien organisé sous le patronage de l’ambassade d’Estonie et de l’Institut français en 2011.

Tallinn, poétique estonienne de l’architecture

par Joris Fromet

On connaît déjà bien Tallinn pour son centre historique aux airs de conte de fée, mais les joyaux qu’elle dissimule timidement au-delà de ses anciens remparts sauront également récompenser les plus curieux. La capitale estonienne, qui s’est elle-même mise en scène lors de sa propre biennale d’architecture en septembre dernier, nous révèle une architecture hors du commun, où la créativité marie, avec talent, l’ancien et le nouveau. Tout cela pour le plus grand plaisir de ses visiteurs comme de ses habitants.

Tõnu Tunnel

Tõnu Tunnel (né en 1987 à Tallinn) réalise des photos, installations, films, et différentes oeuvres media. Explorant l'environnement avec nostalgie et esthétisme, Tunnel se concentre sur l'idée « d'espace public », espaces où chacun peut faire ce qu'il veut à tout moment : l'espace non-privé, qui n'est pas possédé, économiquement inintéressant, oublié ou inaperçu. Dans sa recherche de nouvelles méthodes pour comprendre la ville, il explore la dynamique des paysages, en y incluant les effets et les limites de la manipulation que construisent nos suppositions sur la notion de paysage.

Renee Altrov

Renee Altrov est un photographe indépendant estonien. Il a commencé sa carrière il y a sept ans. En étudiant les arts, il comprend que la photographie lui permettra d’exprimer sa vision de la vie plus clairement que les autres médias. Depuis, il réalise tous les jours des portraits, essayant de trouver des visages parfaits et des histoires que personne n'a encore photographiés. Au départ, Renee Altrov était certain de devenir un photographe de paysages, mais après plusieurs années d'exercices il a trouvé les bons paysages dans les visages des gens.

Bref éloge de la nouvelle

par Michel Lamart

Qu’est-ce qu’une nouvelle, sinon un roman réussi ? Nous l’allons montrer tout à l’heure…

voir également

Le Matricule des Anges Olivier Rohe sort les armes · francesc serés · eric chauvier · jack-alain léger · dominique bordes
#132
2012-04
4 €