L’art biotech et le posthumain

Le corps et l’esprit augmentés: I’utopie “concrète ” de la convergence technologique (bio-info-nano)

par Christine Palmiéri · visuels: Christine Palmiéri

Comme on a pu l'observer depuis les années soixante, l'art s'est progressivement dématérialisé, atteignant un point culminant avec l'avènement du cyberespace, se fluidifiant (Ollivier Dyens) et glissant dans les zones obscures des mondes virtuels. Toutefois, pour parer à cette décorporalisation, certains artistes privilégient la manipulation des gènes plutôt que des octets dans le but de garder un contact direct sinon concret avec la matière vivante du monde.

Bios, techne, logos: un art très contemporain

par Jens Hauser · visuels: Axel Heise, Gérard Sergent, Jens Hauser

Avec l'accélération du rythme des innovations technologiques et l'impact grandissant des discours technico-scientifiques sur l'économie, nos conceptions du monde contemporain et les systèmes de croyances, le secteur de l'art mise lui aussi de plus en plus sur le marché médiatique des idées en devenant instance d'agenda setting'. L'art biotech, en particulier, est un exemple de la manière dont l'art contemporain assimile les thèmes populaires dominants.

Eduardo Kac: au-delà du lapin vert

par Julie Rhéaume

Savant fou ? Dr Frankenstein des temps modernes ? Plutôt un artiste qui utilise les nouvelles technologies pour pousser les limites de l'art, allant jusqu'à manipuler le vivant. L'Américain Eduardo Kac est un pionnier de l'art des télécommunications dans sa version pré-Internet des années quatre-vingt. Il est aussi très connu grâce à Alba, lapine albinos née en 2000 et porteuse d'une protéine verte fluorescente, résultat d'un travail en génie génétique. En octobre 2005, Eduardo Kac donnait une conférence dans le cadre de l'événement Artificiel et monstrueux présenté par La chambre blanche à Québec. Inspirée de son dernier livre1, sa conférence s'intitulait Téléprésence et bioart - Connecter humains, robots et lapins.

Le huitième jour

par Eduardo Kac

Le huitième jour est une œuvre d'art transgénique dans laquelle j'explore la nouvelle écologie des créatures fluorescentes qui évoluent dans le monde. J'ai conçu cette œuvre à l'Institut d'étude des arts de l'Arizona State University (Tempe), où elle a été exposée en 2001'. Vues collectivement, ces créatures fluorescentes qui existent isolément dans les laboratoires forment le noyau d'un nouvel écosystème synthétique bioluminescent. L'œuvre réunit des formes de vie transgéniques et un robot biologique (biobot) dans un environnement abrité par un dôme en plexiglas transparent de 1 mètre 20 de diamètre. L'installation montre à quoi ressemblerait l'univers si ces créatures coexistaient en liberté.

Bioteknica- Autoexpérimentation et culture tissulaire considérées comme formes d’art

par Shawn Bailey, Jennifer Willet

Bioteknica est un projet et une collaboration interdisciplinaires en art et en science mis sur pied par les artistes Jennifer Willet et Shawn Bailey en 2000. Bioteknica prend à bras-le-corps le trope familier et non menaçant d'une entreprise fictive en vue d'explorer les notions changeantes de reproduction et de distinction entre le soi et l'autre, reliées aux biotechnologies en pleine évolution. Bioteknica imagine un futur dystopique «technototalitaire» qui serait à nos portes, où des organismes uniques sont fabriqués, basés sur l'attrait qu'exerce sur les consommateurs le potentiel esthétique d'une mutation.

Extrait du récit autobiographique. Première peau

par Marion Laval-Jeantet, Benoît Mangin

Les groupes antivivisection nous menèrent droit à un nouveau volontariat, par l'entremise d'un grand type barbu, sérieux et frénétique, dans un pull péruvien dont j'admirais les points tandis qu'il discourait: «Actuellement nous avons un accord avec les laboratoires T & T pour leur trouver des bénévoles motivés, il s'agit de prélèvements biologiques humains pour économiser la vie animale, vous savez, les recherches sur la culture de peau, c'est un domaine d'étude très développé dans le Massachusetts, notre action vise à aider l'humanité, sans massacrer l'animal, ce qui est très pertinent pour la culture de peau, car il est bien entendu question de produire de la peau humaine, pour les grands brûlés par exemple, mais pas seulement, il n'est pas question de recherches sur les cosmétiques, nous nous opposons à toute recherche sur les cosmétiques bien entendu, tout cela est une question d'éthique, mais j'imagine qu'en tant que sympathisants vous partagez les mêmes idées...»

Inquisition biopolitique II - Les armes biologiques

par Michaël La Chance · visuels: John Beale

La prolifération microbienne et la contamination virale sont devenues le paradigme de la terreur. Répression politique et prévention de la pandémie sont devenues synonymes : l'État pourrait-il nous protéger de la grippe ?

Corps terrifiés dans un monde de menace

par Critical Art Ensemble

Le recours à l'abstraction symbolique de la peur comme signe d'échange a toujours été un moyen commode de justifier et d'imposer les besoins les plus pervers du capital au vu de l'expansion des ordres militarisés et de l'érosion de l'autonomie individuelle. Mais depuis les attentats du 11 septembre, la peur règne en maître absolu comme unité d'échange fondamentale dans tout l'appareil politique, économique et militaire américain. Filtré par la matrice signifiante de la menace, le signe de la peur sert plus que jamais, et les forces autoritaires de l'ordre, et les engins de profit.

Le vêtement communiquant: pour une écologie médiatique

par Louise Poissant

La reprogrammation de l'humain, ce grand défi des arts médiatiques, vise un remodelage des matériaux biologique, psychique et sociologique. Il ne s'agit plus comme par le passé de conquérir des espaces et des pouvoirs sur l'environnement, mais plus modestement, dans un mouvement de repli que certains qualifieront de narcissique, de créer un humain revu et corrigé, indéfiniment adaptable à un environnement lui-même changeant. Promesse d'émancipation pour certains, vision d'horreur digne des scénarios les plus dramatiques pour d'autres, les transformations annoncées par l'implantation des technologies nous projettent vers le futur comme un matériau à revoir, un programme à réécrire.

Le démonstrueux

par Louis Bec · visuels: Louis Bec

Le titre de ce texte est une monstruosité terminologique. Il est composé de termes entrecroisés, le monstrueux et le démon, de mots et de verbes intriqués, monstrer, monstration, démontrer. Le «démonstrueux» est donc un pur produit d'une imagination associationniste.

Les saletés de la chimère délirante

par Jean-Luc André

«Un des événements majeurs de la fin du XXème siècle est l'élucidation du code génétique des cellules vivantes, ce qui permet de disposer d'une représentation globale des modalités de l'expression des gènes.» Cette définition encyclopédique à propos du génie génétique contient des termes qui étayent également les questionnements relatifs aux rapports de l'art au monde : elucidation, code, vivant, représentation, expression. Ces questions sont à peu près les mêmes qui interrogent les rapports entre vie et vision, énergie vitale et transfert de l'énergie, manifestation et expression, régime de flux et régime de contrôle, monde et récit.

Le monde posthumain selon subRosa

par Ernestine Daubner

Qu'est-ce le corps ? Que veut dire « être humain » ? Ces questions, posées par les philosophes des Lumières, ont, à l'ère moderne, généré des développements importants des sciences et des technologies. Aujourd'hui, à l'âge des biotechnologies, de telles questions ont une tout autre résonance. À cet égard, les artistes et les théoriciens du posthumanisme sont à l'avant-garde et nous contraignent à une révision des conceptions antérieures du corps et de l'humain.

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