- Scopalto Gwilherm Perthuis, pouvez-vous vous présenter ?
-
Je suis le fondateur et le directeur de la revue semestrielle Hippocampe. Formé à l’histoire de l’art, je m’intéresse particulièrement aux relations entre textes et images.
J’ai fondé la revue après avoir passé plusieurs années à Genève pour travailler sur des expositions et en particulier sur un projet important consacré au journal Labyrinthe. Cette publication mensuelle éditée par Albert Skira entre 1944 et 1946 m’a permis de plonger dans l’univers des revues de création au XXe siècle et m’a certainement influencé pour la création d’Hippocampe.
Diriger une revue n’étant pas une activité rémunératrice, je travaille dans une importante galerie d’art à Lyon qui est rattachée à une librairie spécialisée en art.
- Et votre revue, quelles sont ses particularités, son ou ses parti-pris, sa diffusion
-
La revue paraît deux fois par an : en mars et en octobre. Ce sont des volumes d’environ 140 à 150 pages diffusés principalement en librairies généralistes et dans les boutiques de musée. Nous avons fait le choix dès le départ d’éviter la publicité et de faire reposer le financement du projet éditorial sur les ventes, les abonnements et des aides à l’édition de fondations ou de partenaires publics. A l’heure actuelle la moitié du budget est assuré par le Centre national du livre et par une fondation pour l’art contemporain. La seconde moitié provient des ventes et de la diffusion de la revue.
L’un des principes d’Hippocampe est de réunir des contributions de nature assez différentes autour des arts, de la philosophie et de la littérature. J’aime l’idée de friction qui caractérise assez bien l’ambition de la revue : c’est à dire réunir des essais, des entretiens, des créations, des portfolio afin de créer des frottements susceptibles de produire du sens. La notion de montage est également au cœur de nos recherches. L’articulation entre les articles et les images, l’enchaînement entre les contributions, les passerelles entre sujets et les effets produits par l’association de matériaux sont autant d’aspects qui nous stimulent. Nos explorations littéraires et artistiques centrées sur le XXe siècle et le début du XXIe sont mises en scène dans un graphisme à la fois contemporain, dans notre époque, mais qui conserve une certaine intemporalité. Nous refusons tout artifice graphique, toute prouesse visuelle, et privilégions une maquette claire, adaptée à la lecture de quantités importantes de texte, agréable à lire et dense en information.
- Quels ont été pour vous les numéros les plus marquants de votre revue ?
- Les numéros les plus marquants de la courte histoire d’Hippocampe sont certainement le numéro 3 sur le thème de la Signature et un dossier sur Casanova, qui marque le début de la collaboration avec notre graphiste actuel (Jérôme Séjourné, Atelier Perluette) et l’utilisation de la maquette encore utilisée aujourd’hui, puis le numéro 7 consacré à la Nuit avec un dossier sur l’œuvre de Jean-Christophe Bailly qui était particulièrement réussi pour les effets de rebonds entre contribution. Ce sont d’ailleurs des numéros qui se sont bien vendus – ils sont épuisés – et qui ont permis à la revue d’être remarquée auprès de nouveaux cercles de lecteurs.
- Quelles sont les revues qui vous ont marqué ?
-
Les revues Documents et Minotaure sont certainement les deux publications périodiques qui m’ont le plus impressionné et en même temps qui m’ont permis de me poser beaucoup de questions. Découvertes peu avant l’âge de vingt ans, elles m’ont accompagné durant mon cursus universitaire et ont eu des incidences sur mes préoccupations que j’essaie maintenant de retravailler différemment en tant qu’éditeur de revue.
Aujourd’hui, des revues comme la Revue de Belles lettres, publiée à Lausanne, les revues Rehaut, ou Fario dans des factures très classiques, ou des publications comme Sigila ou Mirabilia me nourrissent beaucoup.
Je suis aussi très admiratif des grandes revues historiques telles qu’Europe, Esprit ou Le Débat même si la manière dont elles sont composées est très éloignée de notre façon de travailler à Hippocampe.
- Papier/digital, une complémentarité, une menace, un intérêt, un antagonisme... qu'en pensez-vous ?
-
Pour moi, clairement, les supports papier et numérique sont complémentaires. Nous défendons l’édition papier tout en étant conscient des richesses des supports dématérialisés. Nous allons essayer de creuser cette question au début de l’année 2014 en proposant trois objets aux propriétés différentes mais associables. Trois supports qui s’enrichissent mutuellement et qui tirent partie de ce qui les définit.
La revue semestrielle qui est intemporelle, traite de sujets qui ne perdront pas d’intérêt dans quelques années, des volumes qui s’écartent au maximum du magazine vite lu vite périmé et qui méritent d’encombrer les étagères d’une bibliothèque.
Le journal critique bimestriel de 12 pages de grand format qui regroupe des entretiens, des compte rendus d’expositions, des critiques de livres, des chroniques littéraires, qui se tient donc proche de l’actualité, mais qui par sa diffusion papier peut être présent quelques semaines auprès des lecteurs et peut circuler de mains en mains.
Enfin, un site internet qui soit une revue en ligne différente des deux autres publications papier : une plateforme qui peut reprendre certains textes édités dans l’un ou l’autres, mais surtout, qui rassemble des contributions écrites, filmées, enregistrées, imaginées spécialement pour l’outil numérique. C’est à dire un entrecroisement d’idées et de propositions qui passent par le son, l’image, ou des textes brefs, et qui rentrent en résonnance avec les préoccupations des titres papier. Une sorte de prolongement adapté aux richesses offertes par internet.
Et nous comptons pour le moment sur Scopalto pour assurer la diffusion numérique de nos publications papier par la vente des pdf que nous ne souhaitons pas nécessairement inclure sur notre propre site. Le débat actuel sur la disparition du papier au profit du numérique n’insiste pas suffisamment sur la complémentarité. Ce sont des choses différentes non substituables et selon moi il est important de cultiver cette diversité de médium particulièrement riche et qui ouvre l’esprit.